Remettons nous, si vous voulez bien, dans le contexte historique de l'époque; le guerre du Viêt Nam fait rage (préparez vous à apprendre des trucs dans cette critique) tout comme la lutte entre le vieux monde et la contestation (on est en 68, l'oubliez pas) Martin Luther King et un Kennedy (encore) se font assassiner, les hippies sont sûrs de pouvoir tout changer... Bref, tout ça pour dire que l'ambiance de l'époque n'est pas au beau fixe. Et les Stones dans tout ce bordel? Eh bien les bad-boys anglais aussi sont en plein changement. Après être sorti d'un nuage de fumée psychédélique qui ne leur aura pas réussi, surtout comparé aux Beatles, les cauchemars des conservateurs anglais se préparent à entrer dans une nouvelle phase. En Mai 68 sort l'un des plus grands tubes des Stones, Jumpin' Jack Flash. Mais cette chanson n'est pas un single comme les autres, son ''rôle'' premier est de rompre avec le psyché pour que le groupe puisse retourner à sa toute première influence, le Blues. Une fois ce pari réussi, il faut faire un album, eh oui. On ne change pas l'histoire avec un malheureux single. Le résultat sera Beggars Banquet, album abouti s'il en est, et qui contiendra une pierre précieuse de l'Histoire de la musique, un concentré de génie brut où la musique et les paroles s'entrechoquent violemment pour former l'une des chansons les plus jubilatoires et sauvages jamais écrites.

''Sympathy for the Devil'' c'est d'abord un rythme. Dès les premiers battements, on a du mal à ne pas suivre le tempo endiablé et pourtant si simple imposé par l'inimitable Charlie Watts. Sans oublier la basse au groove infernal de... Keith Richards à qui on doit également le solo de guitare incisif et percutant. Plus Nicky Hopkins qui nous fat un cours de piano gratuit... Tout ça sublimé par une totale maîtrise. Ok.

Mais réduire cette chanson à un son serait une terrible erreur. En fait, une bonne partie de ce qui rend cette chanson si particulière est due aux paroles de Mick Jagger. ''Please allow me to introduce myself, I'm a man of wealth and taste.''
les premiers mots de la chanson prononcés avec cette arrogance caractéristique de la voix de Jagger et on comprend tout de suite que on va assister à une prose géniale et provocante. Normal, le narrateur est le Diable. L'idée de la chanson est venue au chanteur en lisant ''Le Maître et Marguerite'' de Boulgakov dans lequel le Diable arrive à Moscou dans les années 30 et crée un chaos incroyable. Plusieurs vers font référence au livre. Par exemple les lignes ''I was 'round when Jesus Christ had his moment of doubt and pain; Made damn sure that Ponce Pilate washed his hands and sealed his fate.'' qui sont directement inspiré de l'histoire de Jésus et Ponce Pilate génialement racontée dans le roman.
Après s'être élégamment présenté, le narrateur nous conte avec un plaisir sadique non dissimulé, ses exploits à travers le monde et les temps. Il nous dit qu'il aurait décimé la famille du tsar car ''le temps des changements était venu'' (clin d'oeil menaçant à la situation en 1968) qu'il aurait été un général durant le Blitzkrieg, pendant que les cadavres se décomposaient, qu'il aurait regardé les hommes s'entretuer pour des dieux qu'ils avaient eux même créés, que les Kennedy, c'est lui qui les avait eus... Il nous demande finalement de l'appeler Lucifer en prétendant être humble.

Evidemment, cette provocation choqua les puritains et conservateurs, et certains prêtres, à défaut d'apaiser la situation, prétendirent que si on mettait le vinyle à l'envers, on entendait la voix du diable... Bref, vous aurez deviné que c'est pas cette chanson qui aura contribué à calmer cette période démente, de toute façon, les Stones voulaient rien calmer. Ils ont su rester en retrait et ont gardé un recul admirable face à la situation, se moquant tour à tour des hippies idéalistes et des conservateurs obscurantistes...

Blues is the healer, let it rock forever!

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le 28 avr. 2013

Modifiée

le 28 avr. 2013

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KSP-Sk

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