D'abord, ce n'est pas vraiment un blues. La musique est proche du rock, et par certains côtés du folk.
Par contre les paroles pourraient bien s'apparenter à un blues car Bob Dylan y manie beaucoup d'humour noir, emploie des expressions sibyllines mais déjantées mais, surtout, au final ne cache pas son amertume … en particulier dans le refrain.
Mama's in the factory
She ain't got no shoes
Daddy's in the alley lookin' for the fuse
I'm in the kitchen with the tombstone blues
Les paroles sont volontairement alambiquées, faisant allusion à des tas de personnages qu'on peut interpréter de plusieurs façons.
Le titre d'abord "Tombstone Blues" : est-ce le blues de la ville bien connue des amateurs de westerns de Tombstone ? Ou est-ce plutôt le blues de la pierre tombale ? Personnellement, je pencherais plus volontiers pour la deuxième piste.
Il me semble qu'il y a des choses évidentes dans la chanson quand Dylan évoque le commandant en chef qui, aux USA, est le président : en 1965, bien des gens et en particulier des artistes, parlent de cette guerre qui s'éternise au Vietnam. C'est un bourbier sans fin et ce serait bien qu'en haut lieu on prenne enfin les bonnes décisions. John the Baptist serait-ce le président Johnson élu en 1964 et qui renforce la présence US au Vietnam ?
John the Baptist, after torturing a thief
Looks up at his hero, the Commander-in-Chief
Saying, "Tell me, great hero, but please, make it brief
Is there a hole for me to get sick in?"
The Commander-in-Chief answers him while chasing a fly
Saying, "Death to all those who would whimper and cry"
And dropping a barbell, he points to the sky
Saying, "The sun's not yellow, it's chicken"
Le dernier vers est surréaliste. J'ai trouvé sur internet une traduction qui n'explique rien mais qui me plait bien : le soleil n'est pas jaune, mais il a peur !!!
Autre allusion à la guerre du Vietnam avec ce roi des Philistins qui fout en prison des pipeauteurs (est-ce le même sens qu'en français ?), fait grossir des esclaves avant de les envoyer dans la jungle …
Et que vient faire
City fathers they're trying to endorse
The reincarnation of Paul Revere's horse
Paul Revere fut ce héros de la guerre d'indépendance des USA, immortalisé par un poète Longfellow à cause d'une "midnight Paul Revere's ride" où il prévint après une longue chevauchée les forces américaines de mouvements suspects de l'armée britannique.
Alors quand Dylan aborde le système éducatif, là, on part dans des grands délires que je ne résiste pas à reproduire ne serait-ce que pour les associations d'images qui font passer de la géométrie à Galilée (pourquoi pas !) puis à Dalila en passant par frère Bill (c'est qui ? Serait-ce Samson puisqu'il est question de piliers) pour finir sur Cecil B. DeMille …
The geometry of innocent flesh on the bone
Causes Galileo's maths book to get thrown
At Delilah who's sitting worthlessly alone
But the tears on her cheeks are from laughter
I wish I could give Brother Bill his great thrill
I've set him in chains at the top of the hill
Send them out for some pillars and Cecil B. DeMille
He could die happily ever after
Je pense qu'il faut d'abord jouir des paroles et des sonorités sans trop vouloir y trouver un véritable sens. Toute proportion gardée, c'est un peu comme avec Nougaro …
Le lien ci-après est le morceau tel qu'il est joué dans l'album d'origine. On trouve sur internet plusieurs interprétations par Bob Dylan en live avec une guitare acoustique, entre autres. Mais personnellement je préfère celle d'origine où on a le plaisir d'entendre un petit solo de guitare électrique vers la fin de chaque refrain
https://www.youtube.com/watch?v=ag-Esuy44ks