24 Heures Chrono
6.4
24 Heures Chrono

Série FOX (2001)

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"Bauer, je m'appelle Jack Bauer" (Chronique de "24", saison par saison)

Saison 1 :
Près de 15 ans après sa sortie sur les petits écrans, et une fois bien retombé l'impact médiatique de cette série assez furieusement polémique, peut-on encore regarder "24 Heures Chrono" et y prendre plaisir ? La réponse est indiscutablement "Oui", même si l'invraisemblance continuelle du scénario, construit sur des coups de force permanents et sur l'énergie interne de la série qui oblitère la capacité de réflexion du téléspectateur, irrite beaucoup. On peut toujours savourer le concept fort des 24 épisodes de 1 heure (moins les intervalles publicitaires, ce qui réduit la durée à 40 minutes), l'utilisation brillante des split screens pour suivre le déroulement de plusieurs trajectoires des personnages en parallèle, l'intelligence du contexte politique - quelque soit notre sensibilité, plutôt démocrate ou plutôt républicaine - (la prémonition d'un futur président démocrate noir, le contrecoup interne de l'intervention américaine dans les conflits mondiaux, ici la Bosnie, la montée en puissance de la surveillance électronique… de beaux sujets), et surtout la complexité de certains personnages (comme celui, passionnant, de l'épouse ambitieuse du Sénateur Palmer). Dans cette première saison, on trouvera néanmoins Jack Bauer bien jeunot, et bien tendre, encore loin du super héros implacable et invincible à venir. Mais ce n'est pas plus mal ! [Critique ré-écrite en 2015 après un second visionnage]


Saison 2 :
Par rapport au choc qu'avait constitué la découverte de "24 Heures Chrono" avec sa spectaculaire première saison, cette suite avait réussi à l'époque à dépasser nos attentes : si le principe restait rigoureusement le même (la répétition étant par ailleurs l'essence même de la série TV), le propos se radicalisait largement... Jack Bauer avait clairement basculé dans la folie, et le monde entier avec lui. L'Amérique est ici un chaos urbain (tout se passe dans des hangars déserts et des bâtiments en ruine), où l'homme n'est qu'un animal particulièrement retors, et où la confiance en l'autre ne peut plus exister. En administrant à Bush et consorts une leçon de conscience morale et de courage politique (le Président Palmer devenant LE modèle de Président prêt à mettre sa propre position en danger pour ne pas entrer en guerre sans disposer de preuves indéniables de la culpabilité de ses ennemis), "24 Heures Chrono" nous semblait infiniment nécessaire car totalement en phase avec son époque (beaucoup plus que ce que le cinéma hollywoodien nous offrait en 2003 !). Malheureusement, cette seconde saison palpitante commençait à manifester certaines déviances qui lui coûteraient peu à peu sa crédibilité politique et artistique : le recours systématique à la torture s'y voit justifié par les résultats obtenus, tandis que Jack Bauer acquiert l'invincibilité des super-héros, mourant et ressuscitant ici sans vergogne, sans même parler de l'invraisemblance de l'intrigue tournant autour de son insupportable fille. Le clivage s'amorçait ici ! [Critique réécrite après un second visionnage en 2015]


Saison 3 :
Il était inévitable que le "système 24 Heures", l'un des plus redoutablement efficaces inventés à la télévision finisse par tourner un peu à vide. Cette troisième saison dénotait ainsi une certaine fatigue, mais peut-être s'agissait-il aussi tout simplement de la nôtre, de fatigue. Les incohérences d'un scénario écrit au jour le jour paraissaient bien plus béantes que dans les deux premières saisons, et l'invraisemblance généralisée corrompait la croyance du spectateur, cette croyance si nécessaire à l'adhésion au rythme furieux - et largement absurde (pas un café, pas un verre d'eau, pas une pause pipi pour Jack Bauer !) de la fiction. Ceci dit, après une première moitié très, très poussive (avec ces "terroristes mexicains" ridicules), "24 (3)" retrouvait finalement son habituelle tension frénétique, et livrait même quelques scènes d'un désespoir particulièrement saisissant (on pense bien sûr à l'exécution de Chappell, mais également aux scènes très dures de contamination de l'hôtel) qui justifiaient l'intérêt que l'on était encore en droit de porter à cette série unique, certes non exempte de défauts grossiers, mais déployant une énergie qui emportait tout. Malheureusement, la descente aux enfers de "24 Heures Chrono" ne faisait que commencer... [Critique partiellement réécrite après un second visionnage en 2015]


Saison 4 :
Dans le monde hystérique et paranoïaque de "24 Heures Chrono", cette quatrième saison annonçait l'heure de la redite, du radotage. Pas forcément un éternel retour de la même fiction et des mêmes personnages, ce qui aurait pu générer des mécanismes nouveaux et intéressants, mais un bégaiement du système lui-même, qui semble condamné à ré-utiliser ad nauseam des mêmes recettes, accumulant rebondissements frénétiques - et bien entendu invraisemblables - jusqu'à l’écœurement du spectateur. On ne niera pas cependant, passé une première moitié de saison particulièrement fastidieuse, que l'excitation ressurgit dans certains épisodes, devant des situations particulièrement bien troussées, voire parfois puissantes (comme l'attaque de Air Force One par un chasseur furtif…), et que notre attachement à certains personnages (David Palmer avant tout, dont le resurgissement inattendu redonne des couleurs à "24", Tony Almeida et Michelle Dressler...) reste un puissant moteur. A la fin de la saison, après une résolution bâclée de l'intrigue, Jack Bauer s'éloigne le long de voies de chemin de fer dans le soleil couchant, après avoir perdu jusqu'à son nom : ce dernier plan aurait pu constituer une excellente fin à une saga qui avait compté un temps, et qui commençait sérieusement à battre de l'aile. [Critique réécrite en 2016 après un second visionnage]


Saison 5 :
Après deux saisons assez mornes, qui laissaient penser que la formule plutôt "lourde" de "24 Heures chrono" avait vécu, on ne peut que rester admiratifs devant le redressement opéré lors de cette cinquième saison : tout en conservant à l'identique le mécanisme caricatural mais diaboliquement efficace de la narration en temps réel et de l'écran fragmenté, les scénaristes, jusqu'ici furieusement républicains tendance facho, nous proposent cette fois une superbe fiction paranoïaque dans la ligne du cinéma politique US des 70's, faisant écho de manière pertinente aux doutes de la nation américaine quant aux mensonges inextricables dont l'abreuvait à l'époque l'Administration Bush pour justifier sa politique guerrière. On a pu accuser à l'époque Surnow & Co. d'avoir retourné leurs vestes au bon moment, mais on ne peut nier l'impact d'un scénario qui sait sacrifier sans vergogne ses personnages principaux pour peindre un tableau d'une toujours plus grande noirceur sur le dérèglement de l'univers politique (… et pas seulement américain). [Critique écrite en 2006 et partiellement retouchée en 2016 après un second visionnage]


Saison 6 :
J'avais abandonné Jack Bauer captif en Chine à la sortie d'une saison 5 remarquable, et j'avais été découragé par les compte-rendus catastrophiques d'une saison 6 qu'on disait indigne. La découvrir 5 ans plus tard, alors que les néo-cons et Bush ne font plus partie, heureusement, du paysage politique mondial, permet de constater combien, en effet, cette sixième journée sans repos, sans nourriture ni boisson, ni même pause pipi, est décevante : l'impression de redite - en nettement moins bien - est constante, comme si les scénaristes s'étaient contentés, paresseusement, de nous proposer une revisite de tout ce que les 5 saisons précédentes, qu'on les apprécie ou non, avaient inventé ; les scènes d'action sont rares, répétitives et sans surprise ; les fameux moments de suspense qui faisaient jusqu'alors la différence entre "24 Heures Chrono" et le reste paraissent cette fois vidés de toute substance, prévisibles, passablement ennuyeux ; nombre de moments "apocalyptiques" (dont la fameuse explosion d'une bombe nucléaire sur L.A.) manquent totalement de véracité ; les scènes parallèles sur les déboires conjugaux de Morris et Chloe, terriblement mal interprétées (la mauvaise qualité de l'interprétation est l'une des grandes tares de cette sixième saison...), sont ridicules ; l'introduction de la famille Bauer dans la fiction n'a absolument aucune crédibilité, et vide même rétrospectivement la saga d'une partie de son sens. S'il y a quelque chose de réussi dans cette très faible saison, c'est la partie "Maison Blanche", à travers les trajets inverses du président Palmer et du vice-président Daniels (Powers Boothe, comme toujours impeccable), et surtout grâce au personnage paradoxal et passionnant du conseiller Tom Lennox, superbement bien incarné par Peter MacNicol. C'est peu pour 24 heures


Saison 7 :
Après le désastre de la sixième saison, il est rassurant de voir comment les créateurs de "24 heures" réussissent dans cette septième "journée sans fin" à retrouver un peu de la magie stressante des premières saisons, tout en reconnaissant que les temps ont changé, et que le "républicanisme éclairé" qui a été l'image de la série à ses débuts a fait son temps. Net virage "à gauche" (enfin, démocrate) cette fois, puisque l'on a droit à de nombreuses (et pas forcément légères) scènes de "doutes quant à l'utilisation de méthodes coercitives pour faire avouer les terroristes", ainsi qu'à une sorte de réconciliation finale entre Jack Bauer et l'Islam ! Tout cela ne constitue néanmoins pas ce qu'il y a de mieux dans cette septième saison, d'autant que la conclusion suspendue laisse planer un doute sur la contamination anti-démocratique des pulsions sadiques de Jack Bauer… Non, ce qui fait qu'on aime à nouveau regarder "24 heures", c'est l'efficacité retrouvée des scènes d'action, des suspenses infernaux et des coups de théâtre, certes fortement improbables, qui nous poussent à une vision effrénée des épisodes. On déplorera néanmoins des rôles secondaires assez mal interprétés (oui, il y a l'impérial Jon Voight, mais aussi une bonne dizaine de personnages pas crédibles pour un sou), et également le fait que le point culminant arrive cette fois beaucoup trop tôt, à moins de la moitié de la saison : car après les scènes explosives de l'attaque de la Maison Blanche, le reste a vraiment du mal à se maintenir au même niveau…


Saison 8 :
La dernière saison de la mémorable série "24" aura permis à ses légions de fans d'exprimer toute leur passion vis à vis de ce "show" marquant s'il en fut, autant formellement que thématiquement, puisqu'il aura abordé frontalement la majorité des grandes questions politiques des dernières décennies, et souvent avec beaucoup moins de simplisme et de manichéisme qu'on a souvent voulu y voir. Malheureusement, cette saison 8 n'est pas aussi bonne que les meilleures (la 2 et la 5), et déçoit légèrement du fait d'une accumulation décourageante d'incohérences scénaristiques et de quelques personnages insupportables, comme l'épouvantable Dana Walsh (personnage incohérent et terriblement mal interprété, ce qui n'arrange rien). Le jeu - habituel dans "24" des "poupées russes" (il y a toujours un nouveau méchant à l'intérieur une fois qu'on s'est débarrassé d'un ennemi) - est particulièrement infondé ici, ce qui fait qu'après un démarrage convaincant - plus de réalisme que dans les saisons précédentes -, l'intérêt faiblit peu à peu. Heureusement, la dernière partie de la saison offre un rattrapage saisissant, Jack sombrant définitivement vers le mal, électron libre abandonné à ses démons, poursuivant une vengeance personnelle au détriment de tous les principes et de toute éthique : cette partie est remarquable, tout en étant parfaitement logique quand on considère l'histoire du personnage au fil des 7 saisons précédentes. Il est donc dommage que les scénaristes, assez lâchement, offre à "24" une sorte de happy end, heureusement tempéré par les derniers plans, intelligents, montrant Jack sortant des écrans de contrôle, pour la première (et dernière) fois. En tous cas, malgré ses défauts évidents, "24" aura marqué son époque, et se conclut ici sans honte.

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le 7 avr. 2015

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Eric BBYoda

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