Mon petit frère m'avait montré un 3615 Usul sur "la bagarre", et je n'avais pas accroché. Je trouvais le côté pédant surjoué, les sketchs un peu faciles. Et en tant que fan des King of Fighters, j'étais outré, je me sentais insulté. "T'as vu ma casquette ?" Non mais quoi encore !
Et puis bon, on se laisse prendre au jeu. Parce que les textes de certains épisodes sont fort bien ciselés. Parce que la musique de Bossa Nova en arrière-fond avec l'air inspiré d'Usul est sympa. Parce que ces gars, on ne peut pas leur dénier du talent : Usul a une élocution très suave, sait faire du rap pas mal (même si c'est pas mon truc), trouve des gags sympas. Et puis ces grosses lunettes à la Jean-Luc Godard, je dis oui. Et puis il y a tous ces intervenants sympathiques : Coeur de Vandale, Realmyope, Dorian...sans oublier l'électricien des prises Multix. Un univers cohérent, farfelu, doux.
Parfois j'apprends des choses (mais pas souvent, surtout quand il est question de jeux PC).
Il y a quand même des trucs qui ne passent pas bien.
Le décor minimaliste est déroutant : pourquoi a-t-on l'impression que l'émission est filmée dans un angle de pièce ?
Le personnage de Louis Emile de Reac est plus horripilant que drôle, parce que le côté beauf est soit trop accentué, soit pas assez. Il aurait fallu aller plus loin dans la caricature, à mon sens, par exemple (son rire gras est très bien dans les derniers épisodes). Ennuyeux pour un personnage récurrent.
Si les péroraisons lyriques d'Usul en fin d'épisode me font toujours triper (je suis déçu quand il n'y en a pas, ce sont les moments de grâce du 3615), les dialogues des minisketchs en cours d'épisodes sont parfois assez faciles. C'est un cran au-dessus des jeux de mots du Joueur du Grenier, mais ça relève de l'humour de comic strip : léger, pétillant, mais ça ne reste pas longtemps en bouche.
Le 3615 Usul est-il une émission de réflexion ? Je suis sûr que beaucoup de fans diront que oui, mais à mon avis c'est beaucoup dire. Il faut plutôt parler de divertissement et de vulgarisation. Car au fond, de quel épisode pourrait-on dire qu'il défend une thèse vraiment originale sur les jeux vidéos ? (Pour paraphraser le goût du 3615 pour les questions rhétoriques). Chaque épisode prend un thème et se contente de brasser plusieurs opinions, de proposer plusieurs approches, et de conclure sans conclure, sur une citation bien vue (parfois) ou décalée (la plupart du temps). C'est beau comme un sermon de Bossuet, mais cela relève souvent de la pirouette. J'aime bien les épisodes qui parlent de la condition des programmeurs, qui critiquent les salons, mais ils ne sont pas légion-légion.
J'ajoute que j'ai peur que le grand hype dont bénéficie le 3615 depuis l'émission d'Arrêts sur Image ne lui fasse du tort. On est dans l'humain, cette émission repose sur un équilibre fragile, auquel j'avoue sans honte avoir pris du plaisir (même si les épisodes sont assez inégaux). Si je pense qu'un gars comme Realmyop a les pieds sur terre, je ne suis pas sûr que le duo vedette résistera aux trompettes de la renommée et à l'appel du strass. Le plus gros risque, à mon avis, est qu'ils se perdent dans tout un tas de projets annexes et délaissent ce qui marche bien, à savoir le format 3615.
Pour l'heure, à part celui sur les cazus, je trouve que certains épisodes tournent un peu à l'eau tiède. Ai-je tort de réclamer un peu plus d'engagement, de prise de risque ? Ce n'est que du divertissement, me dira-t-on. Je ne suis pas sûr que c'est ce que répondrait l'équipe du 3615. En tout cas, voilà pourquoi, en dépit de la grande affection que je porte à tous ses intervenants, je ne mettrai pas plus de 6.
Car, comme le disait (peut-être) Paul Valery "Le 3615, c'est comme le champagne : ça se boit vite, sans y penser".
Bon, je révise cette critique de février 2013, maintenant que l'émission a trouvé son terme et est rangée dans la tragique rubrique "Anciennes chroniques" de JV.com.
C'était quand même bien, et ça me manque. La diction d'Usul, et puis la joie de découvrir le dimanche un nouveau sujet. Sur la fin, c'était bigrement bien troussé (mention spéciale à l'épisode sur les éditeurs, probablement le plus ambitieux). Y'avait moins de filles, par contre, et ça c'était dommage, parce qu'au niveau comédiennes, l'équipe avait quand même sacrément bon goût.
Je pense que cette chronique va bien vieillir et devenir un classique d'internet. Bien plus que le Joueur du Grenier. Allez, je remonte la note de 2 points.
On est le 6 avril 2017, je me suis fait un marathon 3615. C'est vraiment entré dans mon fond culturel, et je ne crois pas être le seul. Au fond, c'est devenu une de mes rares séries-doudou, une de ces choses qu'on a besoin de revoir quand les temps deviennent trop durs. Et Dieu sait qu'à 3 semaines d'une élection présidentielle qui s'annonce très risquée, ça fait du bien de se réécouter ces analyses pénétrantes et feutrées sur fond de bossa nova.
En revoyant les derniers épisodes et en lisant les commentaires, je suis frappé de la manière dont dès l'épisode 84, celui sur le scénario, on sent une certaine usure chez le principal auteur. Lassitude qui fait que j'ai toujours beaucoup de mal à regarder le clip reprenant la chanson le Bilan des Neg'Marrons, où l'on voit qu'Usul se force, voudrait être ailleurs. Surtout, je ne sais toujours pas si la phrase sibylline dans le générique de fin du Crossed sur Dead or Alive, diffusé à la même époque ("Et joyeux noël à tous sauf UN, mais j'vous dis pas qui, ça serait pas sympa) est liée de près ou de loin à ce contexte. Je n'aurai probablement jamais la réponse.