"What I can only describe as a turgid supernatural soap opera"
Personne d'autre que moi n'était plus heureux du départ d'Angel à l'issue de la saison 3 de Buffy. Un vampire avec une âme d'accord, mais quand cette âme le réduit à pleurnicher en s'autoflagellant en quasi permanence non.
Je n'avais donc jamais regardé Angel, même pas sur TF1. Mais les années passent, le Buffyverse manque et la perspective de découvrir une série entière de Joss Whedon à un bon prix amazonien m'a finalement convaincu de me procurer l'intégrale, tant qu'à faire.
ATTENTION SPOILERS
En tant que spinoff de la série mère, Angel a donc la lourde tâche de perpétuer l'univers de celle-ci tout en s'en détachant histoire de contenter tout le monde. On se retrouve donc au tout début de la série avec le vampire maudit exilé à LA, ville de tous les vices (ce qui sera lourdement répété tout au long de la saison 1), qui après une centaine d'années à pleurnicher a décidé de prendre sa rédemption en main en venant en aide aux désespérés de tous poils, particulièrement ceux qui sont victimes d'attaques démoniaques. Pour cela, il monte une agence de détectives très privés avec Cordelia Chase, transfuge incongru mais bienvenue de Sunnydale dont l'humour et la franchise vont permettre de trancher avec le sérieux déprimant de son patron.
Bon pourquoi pas. Mais la volonté d'inscrire Angel comme une série plus sombre et donc plus adulte que son aînée se heurte dans sa saison d'ouverture aux clichés de la fiction qui se prend un peu au sérieux avec ses codes de films noirs éculés, et qui se limite à enchaîner les loners au lieu d'installer une intrigue fil rouge. Ça tâtonne beaucoup, tente l'humour et les épisodes crossovers (celui avec Buffy est d'ailleurs très bon) avec une réussite toute relative. Les débuts de Buffy n'étaient pas très glorieux non plus, mais ça ne concernait qu'une dizaine d'épisodes contre 22 pour Angel.
Fort heureusement, on n’en reste pas là. La judicieuse réintroduction de Darla parmi d'autres arcs narratifs dans la saison 2 permet à la série de trouver son ton qui ne la quittera plus : le désenchantement. La série n'est en fait pas « sombre », elle est surtout incroyablement pessimiste et triste, et c'est l'un des éléments qui la sépare de Buffy où l'espoir n'était jamais absent même dans ses heures sombres des dernières saisons. Dans Angel toute tentative de rédemption, de pardon semble vouée à l'échec (CF. l'excellent 2x09 entre autres). A compter de cette saison 2, la série prend donc forme avec son Scooby gang (dont la forme stable et définitive n’apparaîtra toutefois qu'en saison 3) et commence donc à pleinement se développer.
On oublie donc Sunnydale parce que Whedon et ses scénaristes parviennent à créer avec le talent qu’on leur connaît un univers propre à la série avec un autre traitement de l’histoire, notamment en utilisant le mysticisme de manière plus aiguë. A la différence de Buffy où les événements servent exclusivement le destin et l’évolution de ses personnages, le fantastique fait partie intégrante de l’histoire d’Angel : les forces supérieures, les mondes parallèles, les prophéties apocalyptiques dirigent le monde à LA par l’intermédiaire de Wolfram & Hart, cabinet d’avocats de l’horreur plus ou moins bien utilisé au fil des saisons. Bien sur l’importance accordée aux personnages et à leurs relations est toujours présent : Wesley qui n’était qu’un observateur idiot devient un héros tout en nuances et en part d’ombres, Cordelia devient la source d’apaisement du groupe et obtient de jolis moments (sa relation avec Angel dans la saison 3 toute en complicité naturelle et attachante qui passe crème alors qu’on voyait venir une grosse romance clichée), Fred devient… une divinité (l’un des plus gros chocs de la dernière saison). Reste aussi des personnages ratés (CONNOR, Gunn jusqu’à la saison 4, CONNOR) ou mal développés (Lorne éternel sbire attachant, Harmony qui restera un simple divertissement)
L’originalité de la série tient aussi à sa maîtrise très aléatoire dans la gestion des saisons : aucune ne se ressemble et ça déroute de premier abord, mais c’est aussi ce qui fait son charme une fois l’intégrale visionnée. Les auteurs eux-mêmes ne semblent pas savoir où ils vont en cours de saison 4, ce qui donne lieu à de jolis dialogues, dont le fameux « I've spent most of this year trapped in what I can only describe as a turgid supernatural soap opera ». Ce recul et cet humour rend le tout attachant, à défaut d’être parfaitement cohérent.
Les meilleurs moments : l’arc Darla saison 2, la relation Angel / Cordelia en filigrane dans la troisième et la fin de saison 5. Parce qu’il a beau avoir mis du temps à trouver des couilles, Angel se termine en toute beauté avec un épisode final grandiose, cliffhanger de la mort.
Et mon épisode préféré sans nul doute restera Smile time, un chef d'oeuvre.