Saison 1 :
On aborde forcément "Borgen" avec un niveau d'attente stratosphérique : entre notre passion pour "Forbrydelsen" et pour "The West Wing", il y a logiquement la place pour une nouvelle série favorite... La déception provoquée par les premiers épisodes s'avère du coup particulièrement sévère : il y a en effet quelque chose de furieusement simpliste dans le récit de l'accession au pouvoir d'un premier ministre femme , centriste, au Danemark, et la crédibilité de ces jeux de pouvoir en souffre. Au point qu'on a plutôt le sentiment d'assister à un téléfilm français de bas niveau qu'à la série scandinave inspirée par le modèle (indépassable certes) "sorkinien". Et puis, d'épisode en épisode, les scénaristes trouvent le ton juste, complexifient (légèrement) les dilemmes qui se posent à Birgitte Nyborg (Sidse Babett Knudsen, très jolie mais pas toujours très convaincante), et finissent par nous intéresser. Certes, ces histoires pas très originales de négociations entre partis alliés dans une fragile coalition, de services rendus et de bras de fer entre politiques et journalistes, et surtout - la grande faiblesse de cette première saison - d'impact sur la vie privée des protagonistes de leur travail et de sa médiatisation ne brillent ni par leur originalité ni par leur intelligence, mais "Borgen" nous embarque dans sa routine formatée d'une autre époque (un épisode, une intrigue qui se résout à la fin...). Finalement, s'il y a un vrai problème de fond dans "Borgen", c'est que la série conforte la vision contemporaine de la Politique, dénuée de toute idéologie, de toute aspiration "supérieure", et réduite à la gestion technocratique des affaires courantes et surtout à des jeux machiavéliques (au sens premier du terme) indispensables à l'exercice du pouvoir. [Critique écrite en 2017]
Saison 2 ;
Nous voilà devant un dilemme au moment d'évaluer la seconde saison de "Borgen" : d'un côté, on est tentés de juger que plusieurs faiblesses de la série ont été corrigées, en particulier parce que certains sujets politiques traités sont plus profonds, plus pertinents (l'engagement en Afghanistan, l'ambigüité entre intérêts économiques et idéalisme humanitaire). D'un autre, la saison souffre d'encore plus d'épisodes ronronnants et consensuels, brossant littéralement le public dans le sens du poil, à la manière des shows télévisés démagogiques du monde entier. Sans réelles aspérités, beaucoup trop gentil, ressassant des poncifs inoffensifs sur le rôle de la presse et sur l'usure du pouvoir et des idéaux sans jamais en faire grand chose, "Borgen" nous indiffère à force de faire appel toujours aux mêmes grosses ficelles scénaristiques, et se sauve in extremis du purgatoire des séries médiocres grâce à de bons moments presque "soap", la plupart dûs à l'excellent Pilou Asbaek et son personnage de spin doctor à la fois enfantin et torturé, qui est la meilleure raison de terminer le visionnage de "Borgen". [Critique écrite en 2018]
Saison 3 :
Comme bien des séries, "Borgen" n'a pas su s'arrêter à temps et nous laissera donc sur le mauvais souvenir d'une troisième saison des plus médiocres. En décidant de priver leur héroïne du pouvoir et de la ramener dans l'arène politique danoise dans une position de challenger, voire de débutante, ils changent fondamentalement le sujet de la série, la focalisant sur les luttes d'influence et les ambitions personnelles des différents dirigeants des partis, et délaissant les sujets politiques et sociaux qui font quand même l'intérêt de ce genre de série : il ne reste ici qu'un seul épisode de ce type, concernant la répression de la prostitution, et il est, logiquement, le plus intéressant de la saison. Les scénaristes font ainsi l'impasse sur la réflexion économique (trop compliqué pour le téléspectateur ?) en préférant dévier sur le lourd passé communiste du spécialiste du sujet (Lars Mikkelsen, comme toujours, fascinant...). Plus irritant, ils nourrissent le déroulement assez languide, voire somnifère, de leur histoire d'une multitude de gimmicks scénaristiques dignes d'une sitcom standard : menace d'un cancer, infidélité au bureau, romances à deux balles... n'en jetez plus, l'écoeurement guette ! On restera quand même fidèles à Birgitte jusqu'au bout grâce à l'abattage et la séduction imparables de Sidse Babett Knudsen, et malgré l'éviction de Pilou Asbaek, notre chouchou, dont la présence est ici réduite à la portion congrue. Bref, on ne regrettera pas vraiment cette série moyenne, et très surestimée. [Critique écrite en 2018]