Comme un sentiment de gâchis...

C'est avec cette impression que je reviens d'une aventure pas comme les autres... Une aventure sombre, violente et douloureuse pour Hyakkimaru, victime d'un pacte avec les démons scellé par son père, un contrat sanglant qui l'aura privé de la quasi-totalité de son corps à sa naissance. Une aventure à la fois intérieure et extérieure durant laquelle il va parcourir un Japon dévasté par les guerres, la peste et la famine en tentant de reconquérir ce qui lui appartient de droit, à savoir son humanité. Ce Japon meurtri par la domination et la cruauté des samouraïs, et déchiré par leur soif de pouvoir ; ce pays hanté par d'impitoyables abominations manipulant ou dévorant les malheureux imprudents... Et au milieu de ce carnage où le funeste se mêle au malsain, au milieu de ces terres où le sang se répand tel un tapis de soie, de-ci de-là une graine de repentir, un germe de sagesse, un bourgeon de bonté, une étincelle d'espoir... Et puis un sourire, une douceur juvénile, un guide dans l'obscurité... Dororo est à croquer, et sa relation avec Hyakkimaru des plus improbables au premier abord, mais des plus naturelles et touchantes en fin de compte. Marquée par un passé tragique et victime logique de l'époque, elle n'aura de cesse d'être les yeux, les oreilles, le nez, les mains et la voix de son curieux compagnon aux mille prothèses, d'être son ange gardien au fil des voyages et des rencontres. Elle sera sa lumière, d'adversités en adversités, de démons en démons, de combats en combats.

Une atmosphère d'une grande lourdeur, donc, mais d'une grande richesse également, richesse qui n'aura pas été techniquement exploitée à sa juste valeur, d'où mon ressenti initial. Le scénario reste solide sur l'ensemble de la série, mais aurait mérité d'être un peu plus développé sur certains épisodes, quelques scènes ayant été un peu trop vite expédiées à mon sens. La bande originale, assez minimaliste par moment, joue son rôle sans être exceptionnelle ni marquante, et l'animation demeure sans doute le principal point faible de cette production, notamment sur les épisodes 15 et 16 où le travail n'a l'air tout simplement pas fini... Coupe budgétaire ? Emploi du temps trop serré ? Les deux à la fois ? C'est vraiment dommage quand on y pense, car même si l'ensemble reste bien sûr tout à fait regardable et que la mise en scène nous réserve quelques beaux combats bien orchestrés, on en ressort avec cette sensation de travail bâclé qui pollue notre impression globale...

Cependant, si la forme laisse souvent à désirer, le fond semble quant à lui préservé... La difficulté à conserver son humanité et à faire taire ses propres démons dans un univers aussi cruel ; l'apparente impossibilité à protéger ce qui n'a pas été acquis de ses propres mains ; le terrible dilemme qui s'impose lorsque vient le moment de choisir, des choix douloureux par les sacrifices qu'ils demandent ; le possible rachat de ses fautes ; la tentation du diable... Cette oeuvre torture, questionne, nous fait douter. De plus, bien que Hyakkimaru suscite une empathie immédiate, la dualité entre les bons et les méchants n'est pas toujours facile à établir, les protagonistes ayant tous de bonnes raisons d'agir comme ils le font et les enjeux étant beaucoup plus compliqués qu'ils ne semblent l'être au départ. Mais il faut malgré tout un vainqueur et un vaincu, et le dernier épisode tranche, avec la manière en sus. S'ajoute enfin à ces nombreuses sources de réflexion une charge émotionnelle à nous griffer le coeur, mise en relief par des scènes ou des situations qui ont l'art d'appuyer là où ça fait mal...

Qu'on se le dise : Dororo est une série violente... Une vraie bonne série qui aurait pu être grandiose, mais une série violente.