Embrumé par le réalisme

L’opportunité de sortir de la routine « The Walking Dead » a été saisi. Et l’opportunité d’en faire un spin-off passionnant est discutable. Les showrunners Robert Kirkman et Dave Erickson jouent la carte du renouvellement, se donnant les moyens de repartir à zéro, au moment où la graine de l’apocalypse commence à germer. Le défi d’égaler, voire de surpasser la série source est tout de même compromis dès lors que cette nouvelle série surfe sur un son succès. Soumise à la comparaison permanente, il y aura peu d’originalité à en tirer car elle reprend les mêmes codes que précédemment, envisageant toutefois un environnement plus chaud et plus sec.

La formule nécessite évidemment un temps d’adaptation, mais elle finit par être bâclée du fait d’une sérieuse course afin de rattraper la timeline de Rick et ses compagnons. Là où on nous a promis de décortiquer le noyau du chaos, on finit par se retrancher sur un groupe pseudo familiale où on préfère développer des conflits internes et autres cas de conscience, au lieu de restaurer la terreur au cœur de la mêlée. La trahison est absolue et ne peut pas se compenser grâce à ses personnages hautement détestables. Les nuances ne sont pas assez flexibles pour que l’on profite pleinement des rebondissements. D’un personnage à l’autre, on se retrouve à tâter du pur manichéisme, malgré les feintes à l’égard du spectateur qu’on ne peut plus duper. Et ce n’est pas le fait de jouer avec les réelles tensions americano-hispaniques que l’on rétablira l’équilibre. L’effondrement du système politique est une évidence et fait l’objet d’un support incompatible avec les valeurs d’une série qui possède bien plus à exploiter.

On peut rapidement s’enfoncer dans les caricatures, mais certaines sortent du lot et promettent un soupçon d’espoir. Voilà où la série veut en venir. Déraper une fois, c’est bien, mais le faire une seconde fois est encore meilleur. De ce fait, on donne du corps à une intrigue qui s’essouffle trop rapidement. A partir de la saison 4, la linéarité est abandonnée à un montage parallèle intéressant. Ce choix justifie à lui seul le manque de consistance scénaristique car on sent tout de même qu’on traine par moment, jusqu’à ce qu’on anticipe les grandes lignes. Et à côté de ce fil rouge cohérent et redondant, on retrouve des personnages qui sont déphasés de cette logique.

Alors que « The Walking Dead » prétend reconstruire le monde, « Fear The Walking Dead » amorce une approche plus humaine. C’est un effectif réduit que l’on suit. On vagabonde alors à travers les mêmes obstacles qu’eux, mais avec une once de réalisme, lié à la société contemporaine que nous connaissons que trop bien. Cependant, la série a tendance à multiplier ses problématiques au lieu de les résoudre avec patience. Toujours dans la précipitation, jamais dans la rétrospective, si le croisement avec la grande sœur propose un renouvellement radical, on ne peut plus se permettre de fantasmer sur ce qui a initié cette aventure qui patine.