Dans notre époque d'impatience permanente, c'est toujours un plaisir et un bonheur de tomber sur une série qui prend le pari de la lenteur pour installer son histoire et ses personnages. C'est un choix artistique osé, mais d'autant plus intelligent que le far-west et ses grandes étendues désertes n'ont pas du tout le même rapport au temps que notre modernité, même si on peut se faire flinguer aussi vite que la journée semble longue.
Alors forcément, si on est monté sur ressort, incapable de la moindre contemplation et uniquement câblé sur le factuel, Godless sera une torture visuelle. Sinon, c'est un magnifique voyage dans le temps qui nous est promis, en compagnie de personnages souvent surprenants, souvent fragiles, et tous plus attachants les uns que les autres. Je souligne ici une remarquable direction d'actrices (et quelques acteurs) totalement immergés dans leur époque. Ils sont tous servis par des dialogues excellemment bien écrits, avec une mention spéciale à Jeff Daniels et son "fils" repenti Jack O'Donnell qui font exister leurs personnages, d'une manière que je n'avais vu jamais vu jusqu'ici dans un western. D'ailleurs, faut-il souligner que voir cette série en VF est un naufrage assuré, puisque rien ne remplace l'authenticité américaine des acteurs, dans ce genre de contexte historique ?
Alors, oui, il y a beaucoup d'historiettes autour de la trame centrale, beaucoup de choses qui n'apportent rien de concret au drame inévitable en approche. Mais dans un monde dénué de tout, où tout est à construire, où les rapports directs sont infiniment plus importants que ceux de notre époque, ces petites tranches de vie apportent une épaisseur bienvenue aux personnages, au sein de la Belle, petite ville pleine de veuves qui ont dû s'organiser seules pour continuer à vivre presque sans hommes. Pour autant, la pudeur, la peur de dire ses sentiments imprègne les uns et les autres, une peur bien plus forte que celle de se prendre une balle, et on est souvent ému par cette retenue qu'on lit tous ces regards durs et tendres à la fois.
Tout n'est pas parfait, il y a quand même quelques vraies faiblesses de scénario, mais celles-ci sont finalement assez mineures comparées à l'atmosphère générale de ce petit bijou sériel, transcendé par une musique très inspirée pour le genre.
Les 7 épisodes se dégustent tranquillement, et ne sont pas faits pour être gobés en "binge" pour en apprécier toute la saveur. Et pour le gourmet que je suis, et à l'instar des meilleures gâchettes de l'Ouest, Godless touche en plein cœur.