Godless
7.4
Godless

Série Netflix (2017)

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Pour commencer, je suis las de cette pesante tendance à la narration non-linéaire. C'est la caractéristique d'une tendance que de se démoder, et donc tout ouvrage concocté sous ses auspices vieillira mal, presque assurément. On en a là un bon exemple, d'autant que c'est un cas avéré de "narration non-linéaire pour les nuls": les flash-backs aux couleurs passées, c'est un réalisateur qui prend son spectateur par la main, comme s'il avait cinq ans. C'est un réalisateur qui ne prend aucun risque. C'est d'autant plus mal venu que le parti semblait être de revendiquer une certaine complexité scénaristique.
Au final, comme l'a bien posé le critique Pierre Serisier ("le Monde"), on se fade un maniérisme plutôt lourdingue.
Mais bon, c'est un défaut assez mineur, pas de quoi refuser l'obstacle. J'y vois surtout l'occasion de se fendre d'un petit couplet vengeur et volontiers anti-conformiste, tout ça n'etant pas bien original, je le concède.


Le préambule annonce la couleur : une vive frustration. Et ceci d'autant que le pilote est vraiment, vraiment accrocheur. Que de promesses!
Non tenues.


C’est plus l’histoire d’un mec que de nanas.


Le Marshall sert à rien. Il crève sans qu’on aie eu le temps ne serait-ce que de le trouver courageux (ou sympathique, ou… quelque-chose, quoi).


J’aurais bien aimé en savoir plus sur les Mormons tueurs grimés en indiens. Dans une série s’intitulant « Godless » ça ne m’aurait pas paru hors sujet.


Le sheriff se balade, trouve sa proie, ou plutôt se fait trouver par sa proie et inexplicablement ne se fait pas buter. Puis, à moitié perdu dans les grands espaces du wild West, il revient au bercail comme si c’était la porte à côté.


L’allemande se balade à poil comme une simple d’esprit. Ah ben nan, finalement elle était pas débile, juste artiste peintre, ce qui explique tout. Et ben si débile parce qu’elle s’enamourache d’un Pinkerton dude insipide et gaga. Elle s’avèrera pistolera accomplie. Probablement une autre conséquence de sa passion picturale.


Le chef des méchants avait vu sa mort. Le sheriff avait pour compagnon de route un indien « fantôme ». Le sheriff avait perdu son ombre (on ne peut rater ses retrouvailles avec cette dernière au beau milieu de la bataille, tant le plan est insistant). 3 éléments un peu fantastiques qui ne sont qu’effleurés. Je ne dis pas que je veux du fantastique à tout prix, c’est juste un exemple de pistes narratives, de thèmes traités par dessus la jambe, qui nous laissent sur notre faim, inassouvis.


Les buffalo soldiers se font rétamer comme des bleus alors même qu’ils faisaient peur jusqu’aux grands méchants, et sans en abattre un seul. Mais la jeune violoniste en réchapppe.


Je ne vais pas citer toutes les invraisemblances issues ou non de promesses non tenues. Je vais me concentrer sur cet affrontement final complètement branque.


Toute la ville ou presque est réfugiée dans l’ hôtel en dur. Toute ? Non. Whitey (parce qu’il est idiot ?) reste seul à la prison pour n’en sortir à seule fin que de crever dans l’instant. C’est frustrant sans être dramatique. Ou plutôt parce que pas du tout dramatisé. Il creve en 2 secondes parce qu’il est bête, pis c’est tout, on te dit !
Les 30 méchants restent 5 bonnes minutes sous le feu nourri des defenseuses barricadées, sans que leur vienne à l’esprit de se mettre à couvert. Pris d’une inspiration soudaine, ils chargent à cheval, passent sans encombre ni égratignures les escaliers, et descendent en montant bon nombre des tireuses. Là, c’est l’hécatombe. On se dit, il y a une logique (au moins quelque part) : les types qui ont moissonné les buffalo soldiers comme des paquerettes vont pas se faire décimer par des nanas qui se tirent une balle dans le pied en rechargeant leur six coups.
Bah nan. Et c’est même pas que les nanas soient encore plus résistantes que les bisons : toutes les flinguées se relèvent, sans même une tâche de sang. Sauf une, la libidineuse proprio de l’hôtel qui s’était compromise avec les salauds capitalistes de Quicksilver. Elle, elle s’est tachée. Je ne m’étendrai pas sur ce paradoxe à l’hypocrisie toute ricaine, nous avons les nôtres.


A point nommé le sheriff perdu se retrouve, sa vue itou, Roy itou, en train de canarder les méchants qui ont réussi à esquiver la pluie de balles sans bouger. Sheriff et Roy sont au milieu de la rue, eux aussi n’ont que faire de se mettre à couvert (à quoi ça peut bien servir, ce sont les héros, ils peuvent pas crever). Petite concession à la vraisemblance : Roy, qui était face au Sheriff, traverse toute la meute de méchants, comme une fleur, pour se trouver à côté de son allié. Ben oui, il aurait été dans son champs de tir sinon!


Quant à l’épilogue, il est franchement affligeant. Le duel Roy-Franck est expédié en deux coups de cuillère à pot, les adieux mielleux ressemblent à une compilation de fausses sorties, et les plans du cow boy solitaire sur fond grandiose s’eternisent, atteignant un mièvre rare.


Autre chose : « il n’y a pas plus effrayant qu’un homme armé. Il n’y a pas plus vulnérable qu’un homme désarmé. » Cette ritournelle sentencieuse revient bien 2 ou 3 fois dans les dialogues. On ferait pas mieux comme slogan de la NRA (National Rifle Association, syndicat des marchand d’armes à feu). Bon, ça sort de la bouche de Frank Griffin, mais c’est peut être pire.


Je ne peux m’empêcher de penser que si cette production n’était pas américaine, avec une image techniquement bien léchée, donc un air de crédibilité, on aurait trouvé tout ça abracadabrantesque.


Je suis peut être un peu sévère, mais je suis en fait surtout sévèrement déçu.
Godless est au moins un archétype : celui du decrescendo. Du pilote génial au final en eau de boudin.

Kinovor-Cinefaj
4
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le 13 juin 2020

Critique lue 563 fois

2 j'aime

Kinovor-Cinefaj

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