Bosch, les romans noirs de Connelly portés à l'écran : une réussite
Alors qu’est sortie il y a quelques semaines à peine la série Backstrom sur la chaîne FOX, directement inspirée des aventures romancées d’un enquêteur de génie, râleur et asocial, Amazon Studios débarque avec cette série policière théoriquement très proche, mais visuellement très différente, à notre plus grand soulagement. En reprenant les déboires d’un des détectives les plus connus du polar contemporain, le célèbre Harry Bosch, personnage récurrent des romans de Michael Connelly, la plateforme en ligne risquait la répétition et la lassitude des spectateurs face à une énième série policière. Or, Bosch se différencie par une esthétique véritablement cinématographique, un roman noir porté à l’écran avec subtilité d’où rejaillit une tension permanente.
Harry Bosch : l’archétype du détective chevronné
Le pilote est directement inspiré de deux romans de Connelly : Wonderland Avenue (City Of Bones en anglais, et on comprend vite pourquoi) et La Blonde en Béton (The Concrete Blonde), deux enquêtes qui sont ici combinées et donnent bien du fil à retordre à notre détective solitaire. L’épisode commence sur un flashback : celui de la nuit où Harry a abattu un soupçonné serial-killer dans une ruelle sombre et humide de LA. S’ensuit une longue ellipse temporelle de deux ans. L’inspecteur Bosch est alors sur la sellette : la veuve du meurtrier a porté plainte et Harry risque de payer cher sa réaction, justifiée ou non.
Cependant, Harry a d’autre chose en tête que son procès : le travail semble pour lui être la meilleure façon d’oublier ses soucis judiciaires. L’anxiété, il la calme par la cigarette, le nez plongé dans ses dossiers. C’est Titus Welliver (Lost, The Good Wife) qui interprète cet inspecteur torturé, obsessionnel sans être insolent. Car c’est peut-être ce qui fait de Bosch un « gentil » : on est loin de la caricature du Dr House ou plus récemment de Backstrom. Harry Bosch est un vrai héros de roman noir, persuadé du bien-fondé de son action, et comme tout héros qui se respecte, Harry a un lourd passé. Les souvenirs d’une enfance difficile lui reviennent alors qu’il découvre une véritable « cité mortuaire » dans la forêt où sont enfouis des os d’enfants préalablement maltraités. C’est sur cette image d’un Harry Bosh physiquement et psychologiquement troublé, qui fixe son reflet dans la glace, que ce pilote se termine.
Une série cinématographique
Bosh bénéficie d’une qualité de réalisation proche d’un vrai film de cinéma. Filmée dans une ambiance nocturne, brumeuse, dans une atmosphère pesante et tendue, le pilote démarre comme Drive, par une course-poursuite sur une bande-son anxiogène. Cependant, la série ne s’embarrasse pas d’un fond sonore permanent, ce qui est souvent la marque des séries policières, qui font parfois reposer toute leur tension dramatique sur une musique d’ascenseur. On ne s’étonne pas de la qualité du show, au vu les noms qui apparaissent au générique : c’est Michael Connelly lui-même, accompagné du showrunner Eric Overmeyer (Treme), qui est à l’origine du projet.
La stratégie marketing d’Amazon Studios a fonctionné : laissant décider ses abonnés de la suite ou non d’une série, la plateforme peut limiter au maximum les risques et proposer des séries de qualité. C’est en mars 2014 qu’Amazon avait commandé une saison entière suite au plébiscite du pilote. La totalité de la saison (10 épisodes) est disponible depuis le 13 février sur la plateforme Amazon Prime.