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NOTE : critique principalement basée sur la première saison, avec sans doute quelques spoilers.


OK, j'ai de gros problèmes avec cette série, outre le fait qu'on me l'a survendue, ne serait-ce que par le ramdam et le foin qu'elle a pu faire.


D'une, c'est un très mauvais épisode de 24 heures chrono étalé sur 12 heures, avec ses rebondissements miteux, ses pistes foireuses, ses cliffhangers tellement millimétrés dans les 30 secondes de fin de l'épisode (avec musique toum toum) que ça en devient comique.


Deux, les personnages sont excellents. Vraiment. Carrie, jusqu'au boutiste et impopulaire, Brody et sa femme, dont l'arc dramatique est plutôt intelligemment exploité, même si pas spécialement neuf. Même les gamins, bien joués, et bien sûr Saul, parfait, qui tient sur ses épaules le meilleur épisode de toute la saison, lorsqu'il raccompagne la wanabee terroriste à travers tous le Texas. En quoi c'est un problème ? Ils flottent, noyés dans une intrigue de feuilleton Hollywood Night du vendredi soir, grand complot terroriste quand même assez moisi qui explose en une fin de saison franchement pas gégène qui assassine toute suspension d'incrédulité. Du coup, les moments forts sont perdus, décalés, comme cette scène - qui devrait prendre aux tripes - lorsque Estes et ses troupes débarquent chez Carrie et arrachent son "oeuvre" du mur, et qui, avec son free jazz pète burnes et ses faux airs de plan séquence tiré d'un film indépendant, est complètement à l'ouest par rapport au ton global de la série. Homeland est rempli de décalages comme ça, et fait l'effet d'un patchwork entre la série intelligente qui pète un peu plus haut que son cul et le thriller hollywoodien pas super finaud. Entre le film indépendant, partie intime assez prenante, bien jouée et intéressante, et le Couvre-feu d'Edward Zwick, partie qui ne l'est pas du tout.


Trois, la caractérisation desdits personnages ne tient pas debout une seule seconde. Sous le prétexte de tout nuancer de gris les comportements de Brody ou de Carrie sont inconsistants, pour ne pas dire incohérents. Les graines sont semées maladroitement, puis ramenées au chausse-pieds (la bipolarité de Carrie, l'embrigadement de Brody) uniquement pour le plaisir de délayer la sauce, d'amener de nouvelles péripéties, de faire "profond'.


Quatre, le début de saison est un cas d'école de la construction d'une (banale) série, et c'est horriblement voyant. L'épisode où elle s'attache à lui. L'épisode dans lequel on explore la solitude des agents, à travers une histoire là encore maladroitement amenée en 3 scènes (Saul et Mira), des fois qu'on aurait pas bien compris. L'épisode sur les problèmes de couples, pannes sexuelles ou absence de. L'épisode du manque. Etc, etc, etc.


Cinq, c'est quand même, géopolitiquement, de la série gros sabots pour américains jamais sortis de leur Kentucky natal (désolé), qui essaie de se la jouer un peu nuancé (le méchant n'est pas méchant il est aussi humain, etc), mais là encore les ficelles sont un peu grosses à mon goût. Dans la veine des films et séries récentes, qui se donnent l'air de complexifier pour au final délivrer toujours le même message (la menace, extérieure ou intérieure, la patrie, etc).


Et six, sans doute le plus embêtant pour moi, tout ça ne raconte rien. Un espèce de drame humain mal fagoté sur une intrigue à la Jack Bauer, qui nous dit quoi ? Le pouvoir est froid et inhumain ? La vie d'agent secret, c'est pas génial ? Les terroristes sont des gens comme les autres ? La religion rend con ? Les portes sont quand même bien ouvertes, plus besoin de les enfoncer. Et si c'est un portrait de la maladie, de la bipolarité, il est bien incomplet et bien timide. En tout cas, ça ne valait pas le coup de nous imposer 12 épisodes d'une soi-disant tension narrative sur fond d'islamisme radical.


Alors au moins les acteurs font le job, et font bizarrement presque passer la pilule. On s'est beaucoup moqué du jeu à fleur de peau de Claire Danes, de son chialage de la semaine, et je la trouve moi aussi à la limite du surjeu mais finalement son personnage est attach(i)ante. Au moins, elle existe, et en prend plein la gueule. Lewis fait le job, comme il sait toujours bien le faire, mais sa droiture et sa raideur font qu'on a toujours un peu du mal à voir autre chose qu'un militaire tout juste bon à recevoir des ordres. Et puis il y a Mandy Patinkin, qui tire admirablement son épingle du jeu, grâce au meilleur personnage de la série, en tout cas celui qui lui donne ses rares moments de subtilité, de distance, de recul (il a en tout cas les meilleurs dialogues et de loin), et qui la sauve du désastre.


Bref, un spectacle relativement passable avec un demi cerveau, mais finalement pas beaucoup plus.


Edit : même note après la saison 2, je m'attendais à pire, toujours des personnages (enfin surtout 2, Carrie & Saul) intéressants, mais un épisode 10 DEBILISSIME à base de kidnapping sur Skype et de piratage de pacemaker à distance qui fout complètement par terre le peu de crédibilité de la saison. Je passe sur les amourettes dans les bois et l'attentat final un peu con.

Prodigy
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le 14 avr. 2013

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