House of Cards
7.6
House of Cards

Série Netflix (2013)

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Frank Underwood : un manipulateur hors-pair



Frank Underwood est un député ambitieux, déterminé et impitoyable. Il excelle à juger les gens, repérer leurs faiblesses, comprendre leurs aspirations, pour trouver des leviers à utiliser contre eux. Il joue sur leur jalousie et leur fierté. Perspicace et vif, il voit venir ses semblables de loin, réfléchis plus vite qu’eux, et se joue de leurs manœuvres. Plus que tout, c’est un homme pragmatique. Il ne détruit pas un homme par plaisir, mais uniquement si cela peut lui permettre de réaliser ses plans. Et encore il proposera toujours, lorsque c’est possible, une situation qui favorisera les intérêts de ces adversaires. Mais si un adversaire persiste à l’affronter, il se montrera sans pitié et l’écrasera sans autre scrupule qu’on le ferait d’un insecte, si ce n’est la tâche sous la chaussure. « Pourquoi avoir des perdants s’il n’est pas nécessaire d’en avoir ? »
La réside une ambiguïté de Frank Underwood, selon l’emplacement de la victime entre lui et son objectif, il peut s’avérer une cause de destruction comme un bienfaiteur inattendu. Tel le député Russo : alcoolique et accro à la drogue, Frank l’avait transformé en pion serviable à volonté en le faisant chanter. Puis lorsqu’il était à bout, il lui propose de se présenter comme gouverneur, et l’aide à se remettre sur pied. Avant de chercher à le faire chuter à nouveau…


La tête sur les épaules, il ne se laisse pas tenter par les faiblesses qui corrompent ses semblables, l’alcool, le sexe, l’argent immédiat. Frank a bien compris que l’argent est temporaire, que ce qui compte vraiment, c’est le pouvoir, l’influence. « Je ne respecterais jamais quelqu’un qui ne fait pas la différence ».
« Le pouvoir c’est comme l’immobilier, tout est question de placement ». Frank utilise les autres, joue leur jeux, les amène dans la voie qu’il désire, à penser ce qu’il désire, et sans qu’ils n’aient conscience de la manipulation dont ils sont victimes. Le secret de la manipulation : faire croire aux autres que l’idée vient d’eux. Il joue la carte du politicien dévoué qui cherche le meilleur pour le gouvernement, sans rien montrer de ses réelles ambitions.
Ce n’est pas un puissant corrompu par le pouvoir, mais un homme plus dangereux encore, car il est capable de le saisir sans se brûler. Un Littlefinger moderne.
Et lorsque les manœuvres conventionnelles ne suffisent pas, il n’hésite pas à avoir recours à d’autres stratagèmes plus que condamnables, dépassant la limite de la légalité : mensonge, chantage, intimidation, incitation à la violence, et pire encore… Un acte dans l’épisode 11 de la première saison montre que ses limites peuvent être poussées bien loin. Le début de la saison 2 montre qu’il n’en n’a aucune. J’étais un peu dubitatif au départ, ces actions montrant un antihéros bien moins ambigu et intéressant qu’un Walter White, mais heureusement il a rarement recours à ces extrémités et cet aspect est donc peu marqué.


S’il entendait Cersei affirmer « aux jeux des trônes il faut vaincre ou périr », il répliquerait par un dédaigneux « please… », avant de débattre avec Littlefinger pour décider quelle est l’époque la plus facile pour atteindre le pouvoir : la possibilité de tuer plus facilement mais avec le risque d’être également pris pour cible ; une population détenant soi-disant le pouvoir de choisir ses dirigeants mais plus aisément manipulable avec les médias ? Une confrontation entre les deux enverrait du lourd, une partie d’échecs bien complexe, vous ne trouvez pas ?


Mais Frank n’est pas non plus totalement un monstre dénué d’émotions. Il est capable d’affection, comme pour Freddy, le cuistot chez qui il vient se réfugier, Meechum, son loyal garde du corps, et Douglas, son dévoué homme de main, presque aussi machiavélique que son maître. Lorsqu’il retrouve d’anciens amis, il se demande comment ils ont pu s’éloigner. S’il méprise les autres, ce n’est pas pour autant qu’il n’hésite pas avant de donner un ordre qui risque de tuer des civils, et c’est avec une certaine surprise qu’on le voit affecté lorsqu’il est en présence d’une des victimes. Une faiblesse qui sera cependant de courte durée.
Parvenir à faire apprécier un tel personnage odieux était délicat. Le spectateur voit un homme en apparence respectable et dévoué, intelligent et censé, mais grâce au procédé original de le faire parler à la caméra, comprend et devine qui il est réellement.



Ascension au pouvoir



Frank s’approche pas à pas de son objectif, mais planifier un plan ingénieux ne suffit pas, il faut aussi savoir réagir à l’imprévu, affronter les obstacles qui ne manquent pas de survenir, avec ingéniosité et sans se laisser abattre. Car malgré toute sa maîtrise, les gens ne se laissent pas toujours contrôler et peuvent agir de manière imprévu, et c’est tout le château de carte patiemment mis en place qui risque de s’effondrer. Chaque problème nécessite d’être abordé avec une solution adaptée, il y a un temps pour l’audace, un temps pour l’honnêteté ; un temps pour la carotte, un temps pour le bâton. Il ne faut pas hésiter à modifier ses plans et montrer ses cartes plus tôt que prévu, savoir saisir chaque opportunité et rebondir sur n’importe quel imprévu.
Plus l’échelon est haut, plus les obstacles deviennent difficiles. Arrivé au sommet, il devra ainsi non seulement gérer les conflits internes, son propre parti qui veut le pousser à la sortie, mais aussi les manœuvres des autres dirigeants sur la scène international. D’autant que le nombre de ses adversaires, qui ont eu affaire à ses méthodes, ne cessent d’augmenter. Après avoir affronté l’homme d’affaire Tusk pour écarter le président de son influence, Frank doit maintenant affronter Dunbar, la juge intègre et déterminée qui convoite la présidence, et Petrov, son homologue russe aussi corrompu et retors que lui.
Des projets durement construits peuvent s’effondrer suite à un seul malencontreux événement. Car aussi doué soi-t-on, il est impossible de tout contrôler. Frank est ainsi durement confronté au doute et à l’échec. Ainsi la scène où on le voit s’effondrer, lui qui était auparavant dévoré par une détermination sans limite, est assez forte.



Claire et le couple Underwood



Le couple qu’il forme avec sa femme, Claire, est atypique, et témoin des principes de cet homme : la tête sur les épaules, toujours.
Les deux parlent ouvertement, et n’hésitent pas à aborder leurs liaisons extraconjugales, ils vont même jusqu’à les utiliser si cela peut servir leurs intérêts. Mu par un commun accord, ils ne se disputent pas dans de futiles scènes de ménages typiques des couples habituels. I**ls communiquent la tête froide, attentifs aux besoins et aux intérêts de l’autre.** Deux êtres indépendants qui ont choisis de vivre ensemble. Ce qui n’empêche pas toutefois d’avoir des altercations, lorsque leurs intérêts divergent, mais ils ont su (jusqu’à présent) résoudre le conflit et se retrouver.
Mais s’ils n’oublient pas de s’accorder du temps et de rappeler au partenaire à quel point ils l’aiment, comme tout le monde ils sont tentés de regarder ailleurs. Ainsi Claire est attirée malgré elle par un artiste photographe. Attirance qu’elle renferme, consciente que cette relation n’aurait pas d’avenir, tiraillée comme tant de femmes (et d’hommes) entre la passion et la stabilité. Claire est à l’image de son mari, ambigüe. Capable de compassion mais aussi de froide détermination. C’est une femme qui s’implique dans des causes humanitaires, mais pour arriver à ses fins, elle n’hésite pas à utiliser les mêmes stratagèmes que son mari, mentir et sacrifier ses partenaires. Toutefois, contrairement à ce dernier, il lui arrive de perdre son sang froid sous l’effet de ses impulsions, avec des conséquences plus ou moins fâcheuses.
Elle est réellement amoureuse de son mari, attirée par son ambition et sa capacité à tout mettre en œuvre pour l’atteindre, « je ne t’offrirais pas le bonheur, mais en échange une vie ou tu ne t’ennuieras jamais ». Il est clair (sans jeux de mot) que sans elle Franck ne serait pas arrivé si loin, sa femme le poussant si besoin à voir toujours plus haut. Mais son besoin d’indépendance pourra-t-il toujours se concilier avec le pouvoir grandissant de son mari ?
L’événement à la fin de saison 3 amènera probablement de fortes conséquentes pour leur couple, mais j’avoue avoir un peu de mal à comprendre le raisonnement de Claire : elle pousse son mari au poste ultime, et lui reproche ensuite d’être plus important qu’elle ? Ne pouvait-elle pas s’en rendre compte avant et l’accepter ?



Évolution de la série



Inutile de revenir sur le jeu de Kevin Spacey. Au bout de 3 saisons, la série parvient toujours à raconter des histoires avec efficacité, malgré un rythme légèrement plus faible en première partie de saison 2. Mais aussi doué que ce soit l’acteur et captivant le personnage, aussi intelligente les histoires, les manœuvres et le mépris choquant de Frank, ses confidences à la caméra qui perdent un peu d’effet, les nombreux conflits internes, ne sont pas sans provoquer une certaine lassitude (d’un côté je me suis aussi tapé les 3 saisons à la suite, ceci pouvant expliquer cela). Un point que devront prendre en compte les scénaristes pour éviter un essoufflement de la série, qui je pense pourra difficilement continuer sur le long terme, et il serait bon de déjà songer à la façon de la finir.



Réflexion sur le pouvoir



Enfin, « House of cards » permet une réflexion sur le pouvoir, où il est plus question de nuire à l’ennemi que de prendre des décisions censées, où la politique est avant tout un spectacle, où le peuple est aisément manipulable, représentant une force surtout lorsqu’il est utilisé par d’autres, et où il existe de fortes connivences avec les politiciens et les industriels. L’histoire est forcément romancé, mais malgré ça, il est assez dérangeant de se dire que la vision qui est faîte de ceux qui dirigent peut ressembler à ce qui est montré dans la série…



Conclusion



Devant ces stratégies de manipulation élaborées exploitant les failles de l’être humain, le spectateur suit avec fascination cette plongée dans les arcanes du pouvoir et des relations humaines. Les quelques longueurs sont vite acceptés une fois avoir adhéré à l’histoire.

Enlak
9
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le 9 mai 2015

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Enlak

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