Lastman
8.2
Lastman

Dessin animé (cartoons) France 4, france.tv Slash (2016)

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J'apprécie beaucoup la BD Lastman. Elle débute d'une manière inoffensive mais assez mignonne pour rapidement prendre des chemins inattendus, très éloignés de ce que présentait le 1er tome. On se retrouve avec un foule de personnages et de nombreuses influences manga bien digérées pour un récit qui prend de plus larges proportions. Je suis toujours cette BD avec grand plaisir et vous la recommande.


Pourtant l'annonce d'un dessin animé préquel ne m'a fait ni chaud ni froid, alors qu'il s'agissait quand même d'un exemple rarissime de dessin-animé français de genre (bigre), pour adultes (fichtre), avec de la boxe, des gangsters, des codes de nekketsu et du fantastique mélangés ensemble (bwaaaaaah qui c'est qu'a financé ça ?). Je ne saurai vraiment pas dire pourquoi j'avais cette absence de hype. Je m'y suis quand même lancé et l'épisode 1 ne m'avait pas convaincu du tout : je boudais l'animation statique de la scène d'action sans trop me rendre compte que le budget n'a pas dû être pharaonique vu le statut casse-gueule de la série. Je grognais devant ce Richard Aldana que je ne reconnaissais plus, ce qui était normal puisqu'on revenait sur sa relative jeunesse alors que c'était un peu un petit con. Je pestais devant cette amorce de nekketsu archi-basique avec un méchant imbattable et méprisant tandis qu'on annonce que Richard va probablement devoir s'entraîner sévère. Mes réserves initiales ont fait que j'ai d'abord choisi de retenir les défauts plutôt que les qualités, mais la poursuite du visionnage m'a conquis.


Déjà ce qu'ont les personnages, ce ne sont pas des bouches mais des mitraillettes à vannes. Pas de la petite blague que tu balances en désespoir de cause parce que tu dois absolument te faire remarquer même quand ton imagination s'est barrée dans un bar minable pour oublier que t'es tellement pas drôle que même la tête de Poutine suscite plus d'envie de rire que toi. Nan, ça c'est de la bonne réplique élevée en plein air et nourrie avec du bio. Il suffit de lire les titres des épisodes qui sont toujours des citations de la série: "Tu dis ça parce que j'ai une grenade", "Sors de ma mère", "Il a une sale gueule ton bernard-l'hermite" et d'autres plus cryptiques au premier abord mais qui sont toujours judicieux pour définir leur épisode. Richard Aldana c'est notre Onizuka, toujours là pour en balancer une bonne quand il ferait mieux de la boucler, toujours là pour en remettre certains à leur place. D'ailleurs la grande galerie de personnages qui l'accompagne a de la gueule et de bonnes voix, la série sait nous faire regretter la disparition de certains. Il y a des moments avec un excellent tempo comique qui fait enchaîner les bonnes répliques au bon moment, c'est vraiment travaillé autant dans l'écriture que la mise en scène.


L'histoire se déroule dans un pot-pourri d'influences geek : des mafieux, des boxeurs, des monstres, on pourrait se croire dans Mutafukaz. Et si je cite cette BD qui a elle aussi droit à une adaptation animée, c'est bien parce que ce mélange des univers se fait tout seul. On rentre assez vite dedans et les éléments fantaisistes s'ajoutent avec modération malgré quelques sursauts fendards (l'épisode "Tu pourrai me passer la moutarde ?" :D). On n'a pas de saturation avec trop de bizarreries geeks qui s'empileraient sans prévenir, la série s'en tient à son univers et sait justifier l'apparition de nouveaux éléments fantastiques. On a toutefois quelques éléments kitsch comme l'uniforme des membres de la secte qui hurle "ON EST DES MECHANTS !".


Richard Aldana est un boxeur désinvolte qui va devoir s'occuper d'une jeune fille menacée par une organisation secrète et par une maladie étrange qui lui fait faire des crises (oui c'est une métaphore de la puberté). Il aura deux objectifs à accomplir en parallèle : il faut gagner la coupe du championnat de boxe local et affronter des Roitelets, des créatures malveillantes dans une enveloppe humaine. Le premier objectif a une structure de nekketsu (entraînement et dépassement de soi) avec des adversaires fantasques de jeux-vidéo. En revanche les Roitelets font définitivement basculer la série dans le domaine de l'horreur d'une manière que je n'avais pas vue venir. Certains épisodes sont déconseillés aux moins de 16 ans, ce sont généralement ceux là. Les Roitelets sont une menace particulièrement prise au sérieux qui apporte des moments bien glauques avec même des séquences sexuelles dérangeantes au possible. Les personnages ont beau avoir du bagou à revendre, ils ne font pas les malins durant ces séquences et ne cassent pas l'intensité par des blagues malvenues (prenez ça les Marvel et Dead Landes). Ces affrontements sont de qualité variable mais ils ont le mérite de se diversifier en présentant diverses perversions humaines de notre société.


La série ne s'enferme pas pour autant dans la routine boxe/Roitelet et sait passer à autre chose au bon moment. Les épisodes font une douzaine de minutes, de quoi garder un rythme serré sans pour autant bâcler ses épisodes qui trouvent tous leur conclusion, les cliffhangers étant extrêmement rares et jamais putassiers. Mais surtout chaque épisode apporte quelque chose à l'ensemble. Ils ont presque tous quelque chose à raconter, un personnage à développer, un bout d'intrigue à faire progresser, un flashback informatif à fournir, une leçon à enseigner ou une critique sociétale à apporter, le tout en menant parfois deux récits en parallèle au sein d'un même épisode. Le récit parle principalement de la coexistence d'un glandeur qui ne sait pas quoi faire de sa vie et d'une jeune fille dont il doit s'occuper alors qu'elle traverse une sale période, tous deux attachants comme il faut, mais aborde beaucoup d'autres thèmes. La ville de Paxtown avait déjà ses vices mentionnés dans la BD donc il est normal que l'on retrouve une vision acide du monde hypocrite du showbusiness. D'autres sujets s'ajoutent avec naturel comme l'immunité des stars ou les traitements médiatiques à la BFMTV, confirmant que le passage de la BD à la série tv a été mûrement réfléchi pour profiter au mieux du changement de format.


Avec tout ça je n'ai toujours pas parlé du rendu visuel et sonore de la série. J'étais très sceptique au début : l'animation est réduite au minimum avec quelques séquences d'action où l'image est fixe comme une case de BD, on sent clairement que les artistes ont dû contourner les limitations de budget. Mais ils le font très bien tout en en gardant sous le coude pour un match de boxe final qui en jette. Ce qu'ils ne peuvent payer, ils le compensent par une excellente mise en scène. Les combats profitent d'un bon feedback, le genre qui fait sentir toute la puissance des coups portés de toutes les manières possibles, et ça suffit à donner une patate monstre malgré les ressorts classiques du nekketsu (moment de faiblesse -> remise en question -> regain de confiance en soi -> "BWAAAAAH PRENDS CA !"), tout en évitant les deus ex machina fréquents dans ce genre de production. Quand on passe à l'horreur, on la ressent. Je ne parle pas d'épouvante ni de jump-scare à la con mais de l'horreur de voir une créature abjecte se déployer sous nos yeux et de se sentir impuissant. Et là l'animation limitée devient une force car au lieu d'avoir un flot hystérique de passes d'armes que l'on n'a pas le temps d'apprécier, chaque moment où Richard se voit mis en danger est étiré. Quand il se fait bloquer le poing tandis que le Roitelet prépare son coup de faux mortel, on a tout le temps de le sentir en danger et de se demander comment il va échapper à cette attaque précise. Ça vous arrive souvent devant un combat d'apprécier chaque mouvement, chaque situation où le héros voit la mort arriver avant de l'éviter en une fraction de seconde ? Lastman valorise chacune de ces bonnes initiatives martiales, valorise chaque coup porté et nous fait serrer les dents chaque fois que le héros a un problème, alors que la concurrence a tendance à favoriser le dynamisme quitte à se qu'on ne retienne rien de chorégraphies stylées mais dénuées de frisson.


Ça c'est pour les combats, mais le reste est à la hauteur avec plein de trouvailles, on ne ressent jamais de paresse de réalisation. Un exemple : un policier dans son bureau se télécharge une petite photo porno tranquillou. L'image se charge progressivement du haut vers le bas, on devine la posture de la demoiselle affichée. Soudain une main cache l'écran du PC pour y mettre à la place la photo d'une femme fraîchement assassinée dans la même position, ramenant le policier à son boulot. Niveau douche froide et comparaison embarrassante ça se pose là. La série profite des compositions de Fred Avril et Philippe Monthaye qui font un excellent boulot, contribuant fortement au plaisir des joutes. Le détail que j'adore : le jingle qui accompagne l'apparition du titre évolue avec certains épisodes, permettant notamment aux derniers de dégager un vrai sentiment de grandeur, le genre qui vous fait redevenir un gamin qui a peur pour le héros qui doit affronter plus fort que lui. Ce double climax vous noue les tripes, on y croit à ce qui se passe.


Lastman n'est probablement pas parfait (le héros qui fonce à découvert vers des gens qui lui tirent dessus à la mitraillette pendant plusieurs secondes : non), mais il contient des moments précieux et fait partie des rares séries dont j'ai acheté les DVD après les avoir vu, et dont le revisionnage m'apporte le même plaisir. De la franche rigolade, de bons personnages, une vraie vision de réalisateur, un vrai développement, une identité et surtout il fait frémir le spectateur. Les épisodes s'engloutissent sans que l'on ne voit le temps passer, on en veut toujours un autre. De plus il peut être vu sans avoir lu la BD, cependant le spectateur devra alors se contenter d'un épilogue de quelques minutes qui laisse une large ouverture, largement supportable cependant. Il risque aussi de divulgâcher un point précis de la BD, mais là encore je pense que ça peut passer. Ça vous permettrai aussi de ne pas savoir à l'avance qui survit. La BD elle-même peut être lue sans voir la série, on y perdrait juste en background pour ce qui se déroule après le tome 9.

thetchaff
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Créée

le 20 févr. 2018

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thetchaff

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