Ce qui est parfait avec Durendal, c'est qu'il n'est pas cinéphile.
Si c'est le seul mot qu'affiche l'adresse de son site, il y a deux raisons. Soit il est là pour faire croire aux Godard en mauvaise herbe qu'il a un minimum de crédibilité, et qu'il a une place grandement légitime dans le milieu de la critique ; pour attirer le pigeon. Soit il qualifie Durendal avec son sens le plus large du mot " cinéphile ", et dénué de toute perversion onanistique des Cahiers qui se prenaient pour des dictionnaires : dans le sens de quelqu'un qui aime inconditionnellement le cinéma. Et dans le cinéma, il y a étymologiquement le mouvement.
Le mouvement c'est celui des images, des spectateurs les moments où ils entrent et sortent de la salle, et le mouvement des modes. Durendal est étudiant en cinéma et redore à lui seul le blason de ce cursus où sortent de tous les amphis les dialogues de vérité de l'âme humaine sur fond de musique inaudible des films de Rohmer. Parlons de chose plus intéressantes plutôt que de cracher sur les géniteurs de tous les membres de SensCritique par les mêmes moyens qu'eux utilisaient pour cracher sur le public ; Durendal, plutôt que d'être étudiant en cinéma, est étudiant en arts du spectacle.
Spectacle est un mot qui ne retrouve plus beaucoup de sens aujourd'hui ; autant dans le théâtre, abattu sous les assauts des théories de mise en scène du début du XX° après avoir cohabité deux millénaires avec toutes les tensions qui l'habitaient ; que dans le cinéma, abattu quarante ans après sa création et qui apprend, lentement, à se relever depuis les années 1980 et à marcher depuis les années 2000. Durendal, c'est un peu un papa, qui aime prendre l'enfant-spectacle par la main, et apprendre à ceux qui le regardent à apprendre à marcher. C'est quelqu'un qui aime tant le cinéma qu'il sait que le vrai amour, c'est d'aimer les spectateurs encore plus que l'œuvre (et l'œuvre plus que l'auteur, mais c'est une évidence absolue sans laquelle on ne peut pas vraiment aimer ce critique (surtout sur un site où Murnau et Fritz Lang vous accueillent à bras ouverts pour sucer votre sang)).
S'il aime les spectateurs, il leur conseille donc ; il leur donne des informations préalables et des recommandations ; jamais il n'empêchera d'aller voir un film, et toujours il se consacre aux films sortis dans la semaine, entre lesquels des spectateurs hésitent. Durendal ne s'emmerde pas à aller chercher un pseudo-chef d'œuvre cinquantenaire à critiquer pour avoir l'autosatisfaction de parler de lui et de ses goûts dépassés. Il pourrait donc parler de n'importe quoi d'autre que de cinéma, voire se diversifier. Il devrait exercer son point de vue sur le théâtre, la lecture, le jeu vidéo ; puisqu'il a très bien compris que l'art, c'est un monde on l'on joue. Et à ceux qui se paluchent sur l'argument qu'il aurait raté sa voie car il a choisi le cinéma, c'est en partie vrai ; certes, il s'y fait lyncher, mais avec ce point de vue révolutionnaire il se serait fait lyncher partout. Alors, autant choisir le domaine où le contraste entre ses goûts qui sont ceux d'un spectateur et les goûts des autres qui sont ceux des auteurs est le plus élevé.
Notre vie passe. On n'est pas grand-chose. Il ne sert à rien de s'attarder sur notre petit destin (RIP les autobiographies et l'omniprésence de l'auteur à peine déguisée) Cela, Durendal l'a compris. Alors, si la vie passe, il reste toujours une trace un peu plus importante de l'art. Il suit son créateur, c'est quelque chose que l'on fait plutôt que quelque chose qu'on se contente de vivre. Et le cinéma de Durendal, c'est un cinéma qui ne parle pas de son créateur et qui en est bien distinct, ou en tout cas qui ne le montre ni ne s'en vante. Au contraire, c'est un cinéma qui parle à son public. C'est ce cinéma-là, avec Besson, avec Lucy, avec des quasi-teenage movies, avec la science-fiction, que Durendal veut sauvegarder.
Prenez soin de vous, allez voir des films ; mais prenez avant tout soin du cinéma, et aimez-le.