Le Cinéma de Durendal
4.2
Le Cinéma de Durendal

Émission Web YouTube (2012)

Supposons que vous êtes quelqu’un qui aime bien regarder des films, aller au cinéma, en parler avec vos amis et faire profiter vos découvertes (bonnes ou mauvaises) à des inconnus sur internet. Et si vous lanciez une chaîne sur youtube ?


Sauf qu’en matière de cinéma vous ne connaissez pas plus que ce que tout le monde connait déjà. Enfin pour quelqu’un qui a moins de 30 ans. Vous avez bien fait une école de cinéma mais vous avez encore du mal à assimiler tout le jargon du milieu. Eh puis les vieux films vous n’aimez pas vraiment ça, pas plus que le cinéma d’auteur que vous avez trouvé plutôt chiant toutes les fois que votre prof vous a demandé d’en regarder un. Et les films étrangers s’ils ne sont pas américains ou des animés japonais, globalement ça vous emmerde aussi très souvent. Et même parmi les films de genre : les films de gangsters, les Westerns, les films de guerre, les films d’espionnage, le Médiéval-Fantastique, les films d’animation Disney et le Cinéma bis vous n’aimez pas beaucoup plus. Des histoires où vous n’arrivez pas à vous identifier aux personnages : c’est nul. Si on rajoute à tout cela que vous n’avez jamais aimé lire et pas même des BD, des Mangas ou des Comics, autant dire que votre horizon culturel est très limité.


Bref, il ne serait pas question de faire trop le malin dans vos vidéos, surtout que vous avez tendance à bafouiller. Donc déjà vous allez faire quelques recherches rapides sur le film en question avant d’en parler, histoire de ne pas dire un truc plus gros que vous et de passer pour un m’enfoutiste. Ensuite vous éviterez de présenter ce qui n’est que votre simple avis pour une critique de film, voire même une analyse. Bien sûr le conditionnel sera de rigueur : ne laissez pas penser chez ceux qui vous regardent que votre opinion est plus légitime que la leur. Vous avez fait une école de cinéma mais de toute évidence vous n’en êtes pas ressorti cinéphile. Votre panthéon de réalisateur se compose tout de même de Besson, Bay, Emmerich, Schumacher et Paul W.S. Anderson. Vous avez même aimé des films avec Kev Adams ! Et votre liste noire elle fait peur aussi : Kubrick, les Coen, Haneke, Ridley Scott, Scorsese et plein d’autres encore que vous n’osez avouer.


Bon et évidemment on n’insulte pas, que ce soit vos viewers ou les réalisateurs des films que vous n’auriez pas aimé. C’est malpoli et du reste vous n’êtes tout simplement pas en mesure de donner des leçons à qui que ce soit. Oh et sa vie privée, en dehors d’anecdotes rigolotes, on laisse ça de côté. On s’expose assez comme ça sur Internet. Ainsi avec ce minimum de bienséance absolument personne ne vous reprochera de parler de cinéma dans votre coin. Vous ne faites de mal à personne et vous plairez même à des gens qui vous ressemblent. Rien que du bon sens.


… Sauf que le bon sens a dû passer de travers chez Durendal : Il a en effet décidé de faire tout le contraire de ce que je viens d’écrire. Alors forcément il cumule les tares en étant à la fois prétentieux, malpoli, susceptible, impudique, condescendant, égocentrique, hypocrite, jargonneux, bonimenteur, de mauvaise foi, pratiquant les sophismes et avec un humour pour le moins merdique. J’en devine déjà m’écrire que l’attaquer sur son humour c’est quelque chose de méchant et parfaitement subjectif. Sauf que je ne connais personne capable de rire de bon cœur à des blagues de Laurent Ruquier. Or celles de Durendal sont pires encore. Du reste la méchanceté aurait été d’évoquer ses coupes de cheveux et son style vestimentaire.


Ainsi Durendal c’est quelqu’un qu’une partie de l’opinion aime, assez pour le défendre à toute occasion, et toute une autre qui se partage entre un désintérêt méprisant à son égard et une détestation parfois féroce. Et moi j’aime détester Durendal. Etre le témoin régulier de toutes les sottises qu’il peut faire et raconter m’intéresse à un point qu’il est parfois difficile d’expliquer. A première vue ce n’est qu’un beauf excessivement prétentieux et par beauf j’entends quelqu’un d’ignare et vulgaire, qui le sait et en fait même son étendard jusqu’à qualifier de snobs ceux qui auraient l’affront de lui faire remarquer sa pauvreté cinéphilique et sa difficulté à appréhender un film un tant soit peu subtile. Durendal c’est le genre de personne à patauger dans la boue et à vous cracher au visage alors que vous lui tendez une main pour l’en sortir.


Mais Durendal est fascinant car même parmi les beaufs il en tient une bonne couche. Comment fait-il pour détester autant de bons films ? Comment peut-il trouver drôle cette comédie franchouillarde navrante ? Mais qu’est-ce qui a bien pu l’effrayer dans ce film d’horreur à deux balles ? Mais pourquoi préfère-t-il toujours le pire film d’une Saga ? Comment peut-il trouver que la 3D est excellente dans ce film ou que tel autre navet est bien réalisé ? Pourquoi continue-t-il de parler d’un auteur que manifestement il ne connait pas ? Et surtout : Va-t-il enfin dire quelque chose d’intéressant ? Durendal c’est un mauvais goût qui défie toute concurrence au point qu’on en vient à penser qu’il le fait exprès. Sur ce point : non. On peut lui accorder le mérite d’être sincère dans ce qu’il dit. Enfin façon de parler… préfère-t-on vraiment être idiot plutôt que malhonnête ?


Durendal n’est même pas un rabat-joie ou à l’inverse un bon public : c’est juste une boussole qui indique le sud. Et c’est une véritable énigme car en dépit de ce que Durendal peut penser de ses capacités d’analyse il est incapable de juger les films sur des critères artistiques mais uniquement sur des points « techniques » et égocentré en parlant de lui et de ce qu’il a ressenti, mais vous n’en apprendrez pas plus. Ce ne serait pas grave s’il n’essayait pas de se revendiquer « critique de cinéma » ou même de faire passer ses vidéos pour des documentaires. Parce qu’il est payé pour cela : environ 1000€ tous les mois via Tipee et c’est sans compter les revenus Youtube.


Durendal n’est pas cinéphile. Il expliquera souvent avoir ce besoin de se projeter dans un film ce qui supposerait de comprendre les enjeux d’un scénario et de s’attacher aux personnages. C’est pourquoi les deux genres qu’il plébiscite sont la SF et l’Horreur. La SF projette dans l’avenir et est un terrain fertile à l’imagination ; Quant à l’Horreur il faut bien entendu s’identifier aux personnages afin d’avoir peur avec eux. Au delà s’arrête sa curiosité et toutes ses découvertes le sont par obligation, pas par curiosité. Juste parce qu’il a besoin de montrer qu’il s’y connait. Comment pourrait-il donner envie de découvrir tous les contours du cinéma alors qu’il se l’interdit pour lui-même ?


Succès aidant Durendal a prit confiance en lui et son manque de sérieux ainsi que son attitude n’ont fait qu’empirer. Véritablement ses premières vidéos ne sont pas si détestables que cela et une vraie coupure est survenue une fois passée la première année. Il en est venu à critiquer violemment des personnes dont le travail est reconnu, usant parfois de l’insulte. Dans ces moments-là c’est un peu comme si un yorkshire aboyait sur un lion. C’est à la fois absurde et irritant. Durendal insulte mais n’accepte pas la réciproque se posant ainsi en victime ce qui renforce d’autant plus son idée d’être en vérité anticonformiste. N’a-t-on pas au départ moqué les esprits d’avant-garde ?


Néanmoins je possède un certain attachement à Durendal. Je veux connaître sa dernière connerie de sortie, savoir jusqu’où il va descendre en se ridiculisant d’avantage et qu’est-ce qu’il va encore pouvoir dire pour se sentir au-dessus du lot. Et vous savez quoi ? J’ai envie de partager ça avec vous. J’ai à cet effet créée des listes sur Sens Critique regroupant tout cela. Bien évidemment il n’y a pas tout, je compléterais au fur et à mesure.


Les bons films que Durendal n'a pas aimés
Les mauvais films que Durendal a aimés
Les bouffonneries de Durendal


Elles sont toutes annotées et je vous les invite à les lire car sa donne une vision d’ensemble très intéressante telle que le simplisme récurrent de son vocabulaire. Il y a de bonnes chances que vous découvriez un Durendal encore plus drôle/pire que ce que vous imaginiez. En tout cas il a réussi à me surprendre.


J’aimerais bien vous dire qu’il faut relativiser et ne prendre Durendal qu’à la rigolade mais la réalité est qu’à l’entendre il m’est arrivé plusieurs fois comme une brusque envie de me rendre chez lui et de lui fracasser la tronche à l’aide de son coffret intégrale Luc Besson. Un coffret qu’il expose malicieusement à côté de celui de Jacques Tati et Alfred Hitchcock (arrrggghhh !). Car la grande idée de Durendal c’est de présenter ses avis hors-normes à l’aide d’un débat virtuel à sens unique lui permettant de justifier ses positions sur tel film ou tel réalisateur. Sauf que Durendal possède bien trop d’amour-propre pour se remettre en question et manque ainsi de toute rigueur intellectuelle qui lui permettrait d’avancer des arguments autres que moisis. Et c’est là que vous allez apprendre à vraiment le détester. Y compris lorsqu’il s’agira de films dont vous n’en avez strictement rien à carrer au départ.


La plupart du temps Durendal n’avancera que des affirmations parfaitement gratuites car impossibles à étayer :



Un critique qui accuse Luc Besson de faire un film vide souffre en fait d'être totalement réfractaire à une mise en scène visuelle



Quand il fournit un peu plus d’effort on retrouve alors chez lui quelques envolées sophistiques telles que la technique de « l’homme de paille » qui consiste à contrefaire l’argument adverse pour mieux s’acharner dessus :



On a fait le rapprochement ente Hunger Games et Divergente parce qu’on a deux femmes fortes qui se battent contre un pouvoir en place. Ni les femmes fortes, ni se battre contre un pouvoir en place ne sont spécifiques à la littérature jeunesse.



S’il ne le contrefait pas alors il en réduit la portée en prenant l’argument le plus risible que l’on peut faire à un film et le présente comme étant le seul :



Qu'est-ce que vous avez à faire chier avec le design des Tortues Ninjas ?



Pour faire passer son avis ou une idée il usera de l’intimidation :



Vous n'avez aucune idée du fonctionnement du monde du cinéma !



Du procès d’intention :



Haneke a tellement de haine pour l'humanité entière que ce mécanisme n'est ici utilisé que par pur sadisme.



De la technique du « chiffon rouge » qui consiste à déplacer le débat vers une position indéfendable :



Luc Besson ? Qu'est-ce qu'il y a de mal à faire du cinéma populaire ?



Ou une technique plus insidieuse comme celle de la « pente savonneuse » qui veut faire croire qu’adopter une autre position que la sienne amènera aux pires conséquences :



Transformers n’a pas besoin d’être plus qu’un film d'action con et jouissif. Vous voulez vraiment donner raison au cinéma français et dire que sous prétexte qu'on fait du divertissement c'est forcément de la merde ?



« L’appel à la pitié » est quant à elle une méthode qui consiste à plaider des circonstances atténuantes afin d’endormir vos critères d’évaluation :



Les 4 Fantastiques est un peu cliché et redondant mais les autres Marvel aussi.



Sortir une analogie douteuse y contribue également :



L'histoire est évidemment clichée vu qu'elle a 400 ans. C’est normal que le film 47 Ronin soit cliché !



Ajoutons à cela que Durendal use de la généralisation abusive :



Les films de Scorsese c’est toujours l'histoire d'un mec qui grandi dans un milieu de mafieux, qui va réussir dans ce milieu et qui finira par se faire arrêter.



Ou simplement de son propre cas :



Les réactions des personnages sont incompréhensibles pour quelqu'un de contemporain !



Enfin bien sûr l’argument d’autorité est omniprésent quand il nous balance son jargon technique ou lorsqu'il nous rappelle son cursus :



J'ai une capacité d'analyse qui est généralement plutôt bonne, d'après les notes que j'ai eues.



En enfin quand il se jette des fleurs à longueur de vidéos :



Il y a de petits éclats sur la pellicule. Moi je les voient mais vous je pense que vous ne les verrez pas.



Pour qui connait les astuces Durendal est un bon moyen de réviser les sophismes. Auprès de tous les autres malheureusement ils obtiennent les effets attendus : Durendal passe pour quelqu’un de sérieux qui a défaut d’avoir raison sait défendre ses points de vue. Il est même probable qu’il vous fasse rejoindre son avis, surtout s’il parle de quelque chose que vous ignorez ce qui est souvent la position dans laquelle se trouve son public qui est très jeune et/ou néophyte en cinéma. Et vu que nous sommes tous un peu des éponges, prêts à se soumettre à l’avis de quelqu’un nous apparaissant mieux renseigné que nous, les âneries de Durendal se verront répéter ici et là par des personnes persuadées de dire quelque chose de très pertinent.


« Je ne suis pas d’accord avec tout ce qu’il dit, mais il s’y connait » devient la phrase la plus employée chez les abonnés de sa chaîne. Car moins de réussir à faire penser les gens comme lui, Durendal a surtout besoin qu’on lui reconnaisse une légitimité à parler cinéma qu’il n’aurait pas sans cela. C’est donc avec ce mélange de provocation et de sophismes que Durendal parvient à rester la première chaîne cinéma sur Youtube. Qu’il rejoint Cyprien Gaming ou EnjoyPhenix dans leurs domaines respectifs est dans l’ordre des choses. La médiocrité ça brasse large.


Le véritable problème c’est lorsque Durendal devient la norme. Or moi, aussi rigolo que je puisse le trouver, je ne souhaite pas qu’on parle cinéma comme en parle Durendal. Je ne veux pas que quelqu’un qui méprise des pans entiers du cinéma devienne la référence de jeunes « cinéphiles » éduqués via Youtube. Je ne vois rien de bon à ce que l’on copie les procédés d’un ignare arrogant et vulgaire avec ça. Si j’ai une prétention à opposer à celle de Durendal c’est que le temps consacré à faire mes listes où j’expose son inculture, sa prétention démesurée et son étroitesse d’esprit puisse également servir à en convaincre parmi ceux qu’il arrive à berner. Réussir à gripper un tout petit peu la machinerie. Faire reculer la tumeur Durendal : ce cancer « critique » au stade terminal.

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le 11 févr. 2016

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Ashtaka

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