Trouble jeu

Cette nouvelle production Netflix jouit d'une critique quasi unanime, et effectivement nombreuses sont ses qualités.
La direction artistique et très léchée, rendant parfaitement cette ambiance 60's tant par les décors, la lumière, la bande originale, les costumes ou les coiffure. Le casting, quant à lui, est aussi une de ses forces, notamment avec une Isla Johnston promise à de grands rôles. Bien sûr, impossible de ne pas parler de la performance d'Anya Taylor-Joy, mais celle-ci est aussi une des lignes de fractures du show.
Le sujet des compétitions d'échec, enfin, de part la rareté du sujet traité est un vent de fraicheur (souvent les échecs ne sont qu'une métaphore du combat intellectuel entre le héro au grand coeur et le méchant machiavélique).

Mais une critique commence déjà a émerger dès la fin du magistral 1er épisode : qu'est ce que ce Jeu de la dame veut bien raconter ?
- La chute et la reprise d'une victime de la vie - métaphore de la place de la femme dans cette période peu égalitaire ? Mais pour cela encore faudrait-il que l'héroïne ne soit pas tout le temps soutenue bravement par des alliés circonstanciels, et ne sorte pas tout le temps grandi de chaque exaction.
- l'émergence d'une championne (shonen stÿle) ? A nouveau, l'enchaînement de victoires providentielles et l'absence de vraies résistances n'aident pas à impliquer le spectateur sur cette voie
- l'ouverture aux autres d'un personnage traumatisé ? Non, aucun changement chez cette Beth, qui est hautaine, égoïste, manipulatrice, et solitaire, du début (ce qui se comprend vu son histoire) à la fin

Et c'est là que le castin d'Anya Taylor-Joy pose un soucis : l'actrice est magnétique en diable, et la réalisation l'icônise et la sexualise à chaque instant. Comment alors voir et croire en la noirceur du propos ? Comment adhérer à sa victimisation, alors que chaque homme qu'elle croise (et femme aussi, avec cette modèle finissant discrètement dans son lit à Paris) ne peut qu'être hypnotisé par elle ?
A nouveau, aucune résistance, aucun obstacle sur sa vie d'adulte. Des embuches, oui - mais tout le monde est plein d'empathie pour elle et elle en ressort grandie. Une addiction oui - mais à nouveau elle ne semble pas en souffrir, tellement ses séquences "d'abus" semblent sortir d'un clip de rock psychédélique.

Tout ceci fait du Jeu de la dame un très bon divertissement, à la réalisation impeccable et au thème original, mais au propos trouble et confus.
Comme une partie d'échec regardée par un néophyte ?