Ignominie quotidienne et führer de vivre, "The man in the high castle" est l'adaptation réussie d'une ignoble dystopie. Imaginée mais seulement effleurée, à mon goût, par K. Dick, l'adaptation parvient à la fois à approfondir de manière cohérente l'univers original et à respecter l'approche de l'auteur: le regard de personnages simples et réalistes, que l'on observe à leur insu, évite toute hagiographie et tout discours suffisant et rassurant sur ce que l'on prétendrait faire face au fascisme. Les motivations de certains personnages restent nébuleuses et sont laissées au soin du public, de sorte que chacun se projette en eux et se demande, sincèrement (voire constate) "Mais moi, qu'aurais-je fait?".


Bien entendu la série n'est pas exempte de défauts. Des cadrages trop serrés, qui viennent, certes, appuyer l'oppression des personnages par la structure du fascisme vigilant, mais qui viennent surtout rappeler que le budget, ou le savoir-faire n'était, parfois, peut-être pas au rendez-vous.
Des personnages peu intéressants: un gay, gay parce que ça fait bien de mettre un gay, un ou deux personnages que l'on aurait mieux fait de perdre de vue tant leur sort ne nous touche pas, etc.
Cela étant dit, aucune situation n'est téléphonée et je n'ai pas souvenir d'un dialogue prévisible et convenu, à aucun moment on a l'impression que le scénario coche les cases établies par la to do list sensée aboutir à la conclusion. On a vraiment le sentiment que ce sont les personnages qui s'expriment dans un lâché prise réaliste où les mots jaillissent d'eux-même à partir d'un faisceau de ressentis qui forgent l'état émotionnel dudit personnage. Au-delà des dialogues certaines trames sont particulièrement réussies: le foyer des Smith, famille d'un militaire haut placé dans la hiérarchie du Reich, est criant de crédibilité, on y perçoit des personnages sincères, des situations plausibles; certains groupes rebelles et leurs péripéties que je ne vous spoilerai pas; l'efficacité et l'ignominie nazies, échos d'un peuple qui vendit son âme pour entrer au concert des nations, et qui en fin de compte détruisit toutes les autres puissances, à l'exception du Japon, se renouvellent dans l'horreur et tapisseront votre état émotionnel d'une envie de vomir continue. Les japonais également ont leur style mais à côté de la crème de la crème de l'horreur ils paraissent presque sympathiques.


Le maître du haut château est donc une réussite, une série originale et atroce, bref dans l'air du temps. Âmes sensibles s'abstenir.


(PS: si j'avais pu j'aurai mit 7,5, et 7 me paraissait trop peu, d'où ma note)

William_Le_Cam
8
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le 7 déc. 2019

Critique lue 666 fois

William Le Cam

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