Legion
7.3
Legion

Série FX (2017)

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On avait salué à juste titre l'audace de Netflix et de ses quatre séries (finalement inégales, où seule Jessica Jones réussit à convaincre intégralement (EDIT : du moins pour sa première saison, la seconde malheureusement rattrapée par les faiblesses inhérentes à Marvlix verse - mais la 3eme renoue avec la première sans pour autant l'égaler, mais bref, je m'égare), les trois autres, disais-je donc, ayant leurs défauts, notamment le syndrome du ventre mou, et la dernière en date au moment de l'écriture de cette critique, Iron Fist, tenant de l'échec cuisant). Netflix osait la noirceur Millerienne de DD, l'adaptation de la série Max pour Jessica Jones, une ambiance et un propos solide pour Luke Cage, bref, osait trancher avec le Marvel Cinematic Universe et son coté trop lisse et surtout inégal, culminant avec le magnifique Avengers (inspiré directement des Ultimates), sans jamais réussir à retrouver cet état de grâce. Netflix osait la noirceur, osait passer à une échelle humaine, regarder les événements à partir du sol.
Pas à dire, c'était probablement ce qui s'est fait de mieux en matière de super héros depuis Avengers.


Puis est arrivé Legion.
Et v'là la claque de forain que représente cette série!!!


Pour les plus jeunes d'entre vous qui n'ont pas eu la chance de goûter aux Nouveaux Mutants, cette collaboration entre le scénariste Chris Claremont, l'homme qui a su insuffler une dimension tragique dans les Nouveaux X-Men, qui a façonné le personnage de Wolverine, l'homme à l'origine des plus beaux arcs narratifs de ma jeunesse (Vivre Libre ou Mourir avec les Broods, la saga du Phoenix Noir, la période avec Rachel Summers et John Romita Jr au dessin, l'inégale et pourtant séduisante époque de Mr Sinistre... émotion...), et le dessinateur le plus dark de son époque, l'excellent Bill Zienkewicz.
Dès que le gaillard arrive au dessin, il se passe un truc, les choses deviennent plus sombres, plus malsaines, flippantes. D'ailleurs, peu de temps après son arrivée sur la série jusqu'alors plutôt lisse, LUG a décidé d'arrêter la parution des Nouveaux Mutants (comme pour Daredevil de Mazuccelli et Frank Miller).
Ne restait donc que quelques épisodes amputés de nombreuses pages, un souvenir visqueux d'un trait à la fois brouillon et habité, un sentiment de malaise, et une trilogie réédité en librairie.


C'est à cette époque et sous le trait singulier de l'artiste que Legion a été maturé.


Depuis, les Comics ont eu leur heure de gloire, les rééditions vont bon train, Sienkewicz est reconnu pour son talent flirtant avec l'abstraction (mais continue de fiche la migraine au lecteur non averti), bref, tout a changé.


Ce petit rappel pour poser les origines de la chose, et les attentes qu'on pouvait avoir pour Legion, la surprise de voir la série commencer sur ces bases, l'apparente rupture avec les origines du mythe, voire la petite déception mâtinée de curiosité suite à un premier épisode qui flirte entre un humour pince sans rire, une mise en scène clairement maîtrisée, un générique final donnant dans l'art abstrait, bref, un épisode qui poses les cojones sur la table, osant prendre le spectateur, initié comme béotien, à revers.


Pourtant, au fil de la série, c'est littéralement l'explosion de génie! Au final, elle renoue indirectement avec les réelles origines de ce segment oublié de l'histoire du comics, et surtout elle le fait avec classe!


Les prétentions artistiques sont revendiquées, assumées, les références au pop art, à l'art abstrait, à l'expressionnisme, à la beat generation, au cut-up sont Legion (...hum...), et font écho à la force évocatrice du trait de Sienkiewicz, son audace.


Ainsi, l'on passe d'une ambiance so british à des moments évoquant frontalement le cinéma d'épouvante (les épisodes 4 et 5 notamment - enfin je crois que ce sont ceux-là - m'ayant carrément foutu la pétoche!), la série jongle avec les codes, les cadres sont composés avec une finesse qui se place en rupture avec cette tendance qu'ont les séries télévisées à singer - souvent avec élégance, d'ailleurs - le cinéma pour trouver une identité et un rythme qui lui sont propres.
Plus proche d'Utopia et de Jessica Jones que des Avengers, Daredevil et autres Flash.


Et ce soin dans la mise en scène est soutenu par des acteurs tout simplement excellents pour la plupart. Certains se contentent de faire le taf, comme ce sosie décrépit de Tom Waits dans le camp des "méchants", ou le poète Beat perdu dans les Limbes, ou encore le moyen télépathe permettant de revisiter les souvenirs.
Mais d'autres sont juste un régal et crèvent littéralement l'écran.
David, le héros, réussit à être touchant, décalé, drôle, sans agacer, belle performance pour un rôle qui aurait pu glisser vers le geignant à tout moment. Sa douce et tendre Syd Barrett (...oui, ça ne s'invente pas!) campé par la belle Rachel Keller, réussit à s'imposer de façon nuancée, discrète sans être effacée pour autant.
Et surtout, surtout, Lenny!! Ce sans faute tout en prise de risque, qui commence pourtant de façon un peu bancale, et qui s'affirme au fil des 8 épisodes!


En dire plus serait spoiler, mais la scène du Bolero de Ravel version electro sur un segment en noir et blanc muet, avec les panneaux de dialogues à l'ancienne, et Lenny plus férale que jamais!


Bref, vraiment, je m'arrête là car approfondir dans le détail serait en dire trop sur cette série qui comporte son lot de surprises, et nombre de moments de grâce.


Concluons en précisant que Legion n'est pas seulement une excellente série de super héros, c'est une excellente série tout court, qui manie les codes pour mieux s'en affranchir et imposer son propre rythme et ses propres règles en exploitant avec brio son format de mini série, et rejoindre la panthéon des séries phares de ces dernières années, aux cotés d'Utopia, True Detective, Stranger Things, Jessica Jones et consorts.


EDIT : La seconde saison n'a malheureusement pas réussi à me choper à la gorge, peut-être un peu trop prétentieuse, bascule dans un coté un peu indigeste que la première saison avait réussi à éviter avec brio, sur le fil du rasoir.
Mais la 3eme saison étant en route en ce moment, il faut que je lui redonne sa chance, pour voir si c'est juste moi qui était devenu flemmard ou si le problème venait bien de ladite saison.

toma_uberwenig
9
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Plus de 23 fantastiques séries fantastiques que vous auriez dû déjà avoir vues pour la plupart..., et Les séries qui ont changé votre vie

Créée

le 17 avr. 2017

Critique lue 1.5K fois

4 j'aime

toma Uberwenig

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