Lost : Les Disparus par Pipock
Lost est une série passionnante, autant dans ses égarements que dans ses moments de génie.
ATTENTION JE SPOILE DANS LES GRANDES LARGEURS
La première saison est un exemple d'écriture et de création d'un univers et de personnages. C'est bien simple, en quelques épisodes on connaît tout le monde et on s'attache à certains. La survie en milieu hostile se déroule plus ou moins tranquillement jusqu'à l'apparition de phénomènes fantastiques, notamment le fameux Smokey dont on ne sait absolument rien.
La saison 2 est moins palpitante mais a le mérite de présenter l'un des personnages les plus charismatiques, mystérieux, passionnant vu dans une série TV : Benjamin Linus campé par un acteur absolument extra-ordinaire. Et c'est là où Lost commence à nous perdre, ne répondant à absolument aucune interrogation de la première saison, ajoutant encore plus de questions à ce qu'on avait déjà. Ça enchaîne sur une saison 3 un peu molle car uniquement centrée sur les personnages. Je la trouve indispensable perso pour saisir tous les enjeux, tous les non-dits qu'on verra par la suite. Les rapports Jack-Ben, Jack-Ben-Sawyer, un John Locke un peu à part dont on devine l'importance croissante au fil des épisodes. A ce titre, comme Linus, Locke est absolument génial. La bataille qui fera rage entre les deux, bien plus impressionnante que celle qui oppose Ben à Wildmore fait partie des meilleurs moments de la série.
A ce moment là je suis persuadé que les scénaristes sont aussi paumés que les rescapés et n'ont pas beaucoup de coup d'avance par rapport au pauvre spectateur. Alors ça reste très bon parce que tout le mystère autour de la Dharma Initiative, parce que les phénomènes inexpliqués, parce que ça commence à causer de destinée etc... mais on est pas plus avancé qu'au début.
Et là coup de génie, les scénaristes reprennent les choses en main et donnent le sentiment de savoir exactement où ils vont en changeant tout doucement de ton sur les saisons 4 et 5. C'est bien simple, à partir de ce moment j'ai plus lâché. Ça va à 200 à l'heure (merci les 17 épisodes au lieu des 24 même si c'est pas forcément voulu), ça part carrément dans la SF avec des personnages géniaux donnant lieu à des épisodes mémorables (putain les Desmond centric...), un vrai miracle avec enfin des réponses à nos questions, des enjeux qui se définissent clairement, un Linus plus au centre de tout que jamais et cette merveilleuse idée des flash-forwards parfaitement introduite et utilisée. La saison 5 se termine sur une explosion et m'a laissé sans voix. C'était parfait, un sans faute.
La dernière saison en a laissé plus d'un sur le carreau d'après ce que j'ai compris. Elle commence pourtant merveilleusement bien avec cette réalité parallèle qui brise le continuum espace-temps si cher à Daniel Faraday. Et puis les scénaristes abandonnent toutes leurs idées, toutes leurs pistes SF si bien tracées dans les saisons précédentes. Ils prennent le parti de n'expliquer finalement ce qui ne nous passionne plus vraiment tant les voyages et paradoxes temporels ont pris le dessus, à savoir l'histoire de Jacob, son lien avec Smokey et leur rôle sur l'île. La saison n'est pas mauvaise en soi, elle répond à certains mystères de l'île. Mais au final on en sait pas plus sur la Dharma, l'énergie située au cœur de l'île et ce que les hommes cherchent à en faire. On ne comprend pas l'utilité des voyages dans le temps, on ne cherche pas à approfondir les interrogations passionnantes sur les boucles temporelles. Lost avait disséminé par-ci par-là des éléments passionnants notamment la possibilité pour les personnages de rencontrer leur double, le pouvoir de Desmond de voyager quasiment comment bon lui semble... j'y ai cru jusqu'à la fin, notamment en espérant voir comment les deux réalités parallèles allaient se rencontrer. Au final les scénaristes ont oublié le plus important, ce qui ne les empêche pas de raccorder les wagons avec la première saison alors que tout le monde s'en fout et a accepté depuis longtemps le tâtonnement des débuts. Le final est beau mais faire de la réalité parallèle un purgatoire c'est simplement tourner le dos à tout ce qui avait été si minutieusement construit avant. Je ne comprends pas, il y avait sûrement moyen de raccorder tout ça au prix de quelques incohérences insignifiantes au vu de ce gigantesque puzzle. Pour moi Lost n'est pas terminé, il y a encore beaucoup trop de questions. Je ne parle pas de fin ouverte, je parle d'éléments qui m'ont passionné sur plusieurs saisons, dont la maîtrise relevait du jamais vu à la téloche en rapport avec la longueur du show et qui ont été oubliés.
Reste que Lost est une série imparfaite mais extraordinaire. Elle fonctionne avant tout grâce à des personnages géniaux, un mystère qui m'aura tenu en haleine même au delà du show et une prod de haut vol. Je retiens un début magistral et deux saisons absolument parfaites, exemplaires de maîtrises. Je regrette un dénouement incompréhensible, pour moi ils avaient fait le plus dur, il suffisait de raccorder. Lost mérite quoi qu'il arrive son statut de série culte, autant dans son déroulement que dans sa (re)construction au fil des saisons.