Maniac
7
Maniac

Série Netflix (2018)

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Cette critique a été écrite pour le site Seul le cinéma, sur lequel elle est corrigée, et illustrée. Vous pouvez y accéder avec ce lien.


Depuis quelques années s’est créé un certain engouement autour des années 80 dans les productions cinématographiques et télévisuelles. Nous pourrions trouver une origine de cette nostalgie des années 80 avec Les Gardiens de la Galaxie de James Gunn, film de super-héros où le personnage principal est d’abord un gosse de cette décennie, qui reste attaché à son walkman et ses cassettes audio, mais c’est surtout avec la série fantastique aux multiples références Stranger Things, qu’une mode de la décennie des Goonies explose. L’effet Stranger Things est tel que toute série ayant un quelconque rapport avec cette période sacrée est directement connotée, comme Dark, production germanique pour Netflix, qui est vendu sur les réseaux sociaux comme le « Stranger Things » allemand. Et c’est dans ce contexte que va sortir et se démarquer Maniac, production Netflix créée par Patrick Somerville, et réalisée intégralement par Cory Joji Fukanaga, qui revient à la série, quatre ans après le succès critique et public de la saison 1 de True Detective.
Nous suivons deux marginaux, Owen et Annie, interprétés respectivement par Jonah Hill et Emma Stone, qui acceptent de servir de cobaye à des essais cliniques contrôlés par un superordinateur, tests qui tournent autour du rêve et du subconscient. Cette histoire prend place dans un univers particulier, un New-York alternatif où la technologie ne semble pas avoir dépassé celle des années 80. Ainsi, Internet, les smartphones, ou encore les écrans plats sont absents, pour laisser place aux bons vieux écrans cathodiques et aux ordinateurs qui ne peuvent afficher que du texte. Cette vieille technologie va cependant être poussée à l’extrême, pour créer des bornes de métro robotiques à usage vocal, des « shit-eaters », petits robots destinés à ramasser les crottes de chien dans la rue, ou encore des consoles de jeux-vidéo utilisées pour la masturbation, dont les accessoires ont un design qui n’est pas sans rappeler celui des consoles Nintendo des années 80. A travers ces créations fantasques se dessine une première critique de la nostalgie des Eighties qui a envahi les productions audiovisuelles (surtout du côté de la SF et du fantastique) ces dernières années, en montrant une nouvelle manière d’utiliser un univers technologique obsolète, et en évitant de ressasser diverses références vues et revues, même si, il faut l’avouer, la série rappelle parfois (peut-être malgré elle) Brazil de Terry Gilliams, film où il est aussi question du rêve dans un univers rétro-futuriste.
Une première alternative à ce décor de science-fiction occidentale va être mise en place dans le laboratoire où vont être effectués les tests, par une esthétique japonisante. Outre une bonne partie des docteurs et laborantins japonais, les ordres pour lancer les tests étant effectués dans cette même langue, nous retrouvons divers objets, symboles appelant directement le pays du Soleil Levant, comme le bonzaï au milieu de la table de repos, ou encore les « pods » qui servent aux cobayes de couchettes, qui rappellent certains hôtels japonais, où les chambres sont de simples petites boîtes. La seule référence purement américaine gardée en ce lieu est le logo arc-en-ciel, qui renvoie directement au Magicien d’Oz, conte dans lequel l’héroïne, Dorothy, en changeant de monde, passe symboliquement de l’autre côté de l’arc-en-ciel. Or, lorsque les tests sont lancés, tout cet univers, semble assez limité : une frontière se crée par la vitre séparant scientifiques et cobayes, et là où on pourrait croire ces derniers enfermés et surveillés, c’est en vérité les laborantins qui sont emprisonnés au milieu de leurs écrans et claviers, contrôlés par un super-ordinateur, pendant que les autres, endormis et rêveurs, vivent diverses aventures mentales. Par cette fracture entre le rationnel scientifique, et le fantastique du rêve va se dessiner une opposition passé/futur, opposition d’autant plus forte, plus marquée à travers les personnages.
Si, intuitivement, nous pourrions croire que la science est plus portée du côté du futur, ce n’en est rien dans cette série. Les deux scientifiques principaux, les docteurs James K. Mantleray, et Azumi Fujita correspondent d’abord physiquement à des clichés de savants, lui, par coupe daté et son air ahuri, de savant fou plutôt occidental, et elle, par son carré précis, sa minceur, et ses quinze cigarettes à la minute de première de la classe japonaise. Interprétés respectivement par Justin Theroux, et Sonoya Mizuno, tous deux bons dans leurs rôles sans être exceptionnels (et vu les acteurs qui interprètent les personnages principaux, ce n’est pas étonnant), ils s’exprimeront souvent, lorsqu’ils s’occupent des tests, avec un charabia technique et inintelligible, histoire d’envoyer un « ta gueule, c’est scientifique » au spectateur, curieux de comprendre comment marche cette science. Paroles savantes qui, au final, auraient très bien pu être passées sous silence. Ces deux personnages, dont l’objectif de leurs expériences, soit guérir l’humanité, est tourné vers l’avenir, vont, au cours de la série, être happés de plus en plus vers le passé, en ressassant tous les deux leur histoire d’amour commune, et, plus particulièrement pour James, sa rivalité avec sa mère. Ils termineront par détruire l’ensemble de leurs travaux en coupant le superordinateur essentiel à leurs recherches, avant de recommencer leur idylle (et donc en ressuscitant une histoire passée), élément de l’intrigue prévisible quand on suit bien la série dans son ensemble. Nous pouvons cependant voir la destruction du superordinateur comme le démembrement symbolique d’une machine Hollywoodienne formatée, qui ne laisse place à aucune création si celle-ci ne figure pas dans son algorithme (l’ordinateur essayant, à la fin de la série, même de contrôler les rêves des cobayes).
A l’inverse de ces deux scientifiques, nous avons Owen et Annie, qui vont d’abord être liés à un certain passé, et vont, au fur et mesure de la série, réussir à s’en détacher pour se tourner vers un avenir indistinct. Ce premier, schizophrène, plus ou moins exclus de sa riche famille, sauf quand elle a besoin de lui, permet à Jonah Hill de composer un rôle calme, timide, parfois mutique, plutôt éloigné des rôles comiques, et parfois assez poussifs dont il a l’habitude, comme dans War Dog, C’est la fin, ou Le Loup de Wall Street. Cet éloignement se traduit aussi par son corps, étant donné que l’acteur, habituellement assez corpulent, a perdu beaucoup de poids pour ce rôle, accentuant ainsi le côté maladif d’Owen. En outre, Jonah Hill va, et c’est une des forces de la série, multiplier les rôles lors des différents rêves, passant du père de famille américain un peu beauf, à coupe mulet, au gangster au grand cœur. Il gardera dans chacun de ces personnages, une gentillesse, une sensibilité plus ou moins exprimée, et surtout une envie de bien faire, élément inconscient du personnage qui rendra prévisible l’issue du procès, compte à rebours lancé dès le premier épisode, qui met le personnage face à un choix difficile (protéger sa famille ou dire la vérité). Un défaut par rapport à l’écriture de ce personnage est l’absence de scène de rêve dévoilant ce qu’il voit avec la première pilule des tests, en nous laissant seulement avec les dires d’Owen, ce qui a pour conséquence de mettre au second plan, de façon assez maladroite, une information assez importante, voire capitale du héros. Héros qui va, malgré lui, passer un peu dans l’ombre du second personnage principal, Annie.
Rongée par une culpabilité immense, Annie s’est, elle, marginalisée toute seule. Sans cesse à la recherche des premières pilules du test, qui nous révélerons son passé dans le troisième épisode (et c’est l’un des meilleurs), elle participera aux tests plus par manque de cette drogue que pour gagner de l’argent ou aider la recherche. Pour le personnage d’Annie, Emma Stone va un peu renouer avec le rôle de Sam qu’elle interprétait dans Birdman, junkie en période de sevrage, en retrouvant surtout un côté blasé et fermé. Côté blasé qui la suivra dans certains de ses rêves, rendant ses autres rôles fantasmés, de la femme fatale à l’elfe, un peu moins marquant que ceux de Jonah Hill.
On notera quelques longueurs, manque de rythme dans certains épisodes, et surtout une fin mièvre, dégoulinante de bons sentiments, soit une conclusion trop peu nuancée qui n’est pas à la hauteur de l’originalité globale de la série. Cela est d’autant plus dommageable que Maniac commence avec une narration intéressante, par ses deux premiers épisodes, qui se concentrent, l’un sur Owen et l’autre sur Annie, et se terminent au même moment, montrant ainsi au spectateur les différences de points de vue entre les personnages. Mais, si l’on oubliera vite cette fin peu mémorable, on retiendra une originalité globale dans les scènes de rêves, les quêtes des personnages dans leurs introspections étant plus étranges les unes que les autres, comme, par exemple, la recherche du lémurien dans l’épisode quatre.
Malgré quelques déséquilibres et maladresses, Maniac est une série passionnante, qui crée son propre univers en s’éloignant des carcans habituels de la production sérielle actuelle, carcans sur lesquels elle porte un regard critique, par ses scènes de rêves aux histoires originales et multiples qui exploitent le plus possible le talent des acteurs principaux. Elle donne une nouvelle marche à suivre, en prouvant qu’il est possible d’inventer, de créer, en partant d’un modèle préétabli, plutôt que de se complaire dans un collage de références évidentes, qui traduit une nostalgie somme toute aliénante.

Hell-Crosses
8
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le 17 nov. 2018

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