Saison 1:


J’avais besoin de voir une bonne série, bien écrite, avec son lot de personnages complexes, à la psychologie subtile et de bons comédiens pour incarner avec ce qu’il faut de talent. Cette première saison tombe à point nommé. Le contraste avec la dernière série que j’ai vue (The walking dead) est saisissant. Je ne sais pas encore ce que réserve la suite (mais je vais au moins goûter à la saison 2), une chose est sûre : la saison 1 pose quelques jalons d’ores et déjà intéressants.


De prime sur abord, j’ai quelques craintes devant la forme faisant clairement penser à Mad men, les deux séries évoluant à la même époque. Les costumes, les décors, les comportements guindés n’allaient-ils pas nous resservir le même genre d’histoires sur l'évolution des mœurs ?


D’une certaine façon, c’est un peu le cas il est vrai, mais l’écriture est assez fine pour donner du fil à retordre aux personnages, à l’intrigue et donc pour complexifier une trame et une atmosphère de “déjà-vu”. Des deux héros principaux, le Dr William Masters (Michael Sheen) et son assistante Virginia Johnson (Lizzy Caplan), sans doute le premier est-il le plus difficile d’accès, le moins linéaire ? Et par conséquent, ses difficultés à communiquer, à s’ouvrir au monde permettent de compliquer un tant soit peu la lecture primaire que l’on pourrait s’en faire a priori, au bénéfice donc de notre plaisir de spectateurs. Progressivement, il étoffe sa personnalité. Au départ très coincé, il laisse de petites ouvertures, présente en quelque sorte des promesses de béances pour l’avenir. Le comédien jouant sur les nuances met véritablement bien en chair et expressions les douloureux conflits que ne manque pas de subir son personnage.


Face à lui, Lizzy Caplan endosse un rôle tout aussi compliqué finalement. Dans un premier temps, elle pourrait laisser à penser que son personnage est celui d’une femme libérée, donc en lutte pour sa place dans la société. Mais au delà de ce canevas essentiel, elle doit ajouter un enthousiasme de plus en plus flagrant pour l’étude de Masters, une fascination pour Masters lui même et pour finir construire une relation difficile à appréhender pour un troisième larron joué par Nicholas d’Agosto, un personnage aussi paumé que Masters, mais dans un sens adolescent attardé. Bref, Virginia est a priori simple, mais se révèle de moins en moins facile à comprendre. Elle aussi densifie la lecture que l’on fait de cette histoire d’amour pas comme les autres.


Comme les grandes, cette série réserve son lot de bonnes surprises, de scènes foutrement bien écrites, émouvantes, ou bien intelligentes, percutantes, équilibrées et qui procurent un plaisir immense.


De plus, certaines de ces séquences sont très bien filmées. On voit qu’un grand soin a été pris pour proposer une image léchée, très cinématographique. Les chefs-op ne sont pas des manchots. Sur la forme, la série a réussi aussi à m’épater. Le tout dernier épisode est à ce titre l’un des plus beaux, je trouve, et participe de cette envie de poursuivre avec la saison 2.


Trombi et captures saison 1




Saison 2:


Cette saison aura eu son lot de belles scènes, tout autant sinon plus que lors de la première. Le plaisir de voir évoluer ces acteurs est renouvelé. Siroter de petits détails, la précision tout en sobriété de leur jeu est un ravissement continu pour moi, ce qui fait le sel des séries, format qui donne au spectateur bien plus de temps et de confort pour apprendre des acteurs, leur manière de s’approprier les personnages et la narration même. Avec Masters of Sex, je suis servi.


Les comédiens sont succulents. Michael Sheen entre encore plus dans son personnage de Bill Masters, en précise la psychologie avec sûreté, sans dépasser les bornes. Il charge le personnage émotionnellement avec sobriété, avec saveur et nuances, dans un heureux équilibre.


Lizzy Caplan applique à son rôle autant d’élégance et de féminité qu’auparavant. Des failles étaient déjà un peu apparues. Sur cette saison 2, ce côté un peu plus obscur est tout aussi parsemé avec parcimonie. On ne sait trop sur quel pied danser avec son personnage, sauf sur l’investissement personnel qu’elle met toujours dans l’étude, ce qui ne manque pas de troubler Bill Masters bien entendu, lui même pas d’une finesse psychologique salutaire dès lors que les sentiments intimes effleurent et qu’il en perd le sens.


La tension entre les deux personnages est toujours aussi importante et les deux comédiens parviennent à figurer les contours d’une complicité qui dépasse bien évidemment le cadre professionnel : les deux héros partagent bien plus qu’un objectif scientifique, on le sait depuis le premier épisode, mais eux s’efforcent de le taire, de l’étouffer, de revenir toujours à cette sorte de sujétion à leur étude. Toute l'ambiguïté de leur relation est formidablement incarnée, eu duo : médaille d’or olympique en incarnation synchronisée. C’est incroyable comme les deux acteurs sont au diapason de leurs personnages.


Comme je le sous-entendais, l’histoire et les enjeux se devinent facilement sur cette série, ainsi toute la substantifique moelle de Masters of Sex se situe dans la façon très subtile dont les scénaristes (et les acteurs) nous promènent. Le voyage en quelque sorte n’en est que plus intense.


Par contre j’avoue avoir été un embarrassé par les ellipses chronologiques très généreuses et donc perturbantes. Je ne sais quels sont les impératifs qui ont présidé à de tels dispositifs scénaristiques, mais les changements psychologiques des personnages sont alors trop radicaux, brutaux, sans parler de la frustration quant à la disparition de certains, sans aucune explication dans le récit. Pourquoi avoir tant misé sur eux dans la première saison, si c’est pour nous laisser en plan au milieu du guet? J’ai espéré le retour logique de ces enjeux en cours de saison, mais non, rien. Ce type d’incohérence marque les esprits, de façon négative. Là, pour le coup, le format de la série ne pardonne pas, ne permettant pas que l’on prenne tant de liberté et que l’on écrive un scénario trop dilettante : cela agace un tantinet la cervelle et le ventre.


Sur cette saison, ce qu’il faut noter avant tout dans les trames secondaires, c’est l’ascension salutaire de Libby Masters (Caitlin FitzGerald) et la relation fort intéressante qu’elle noue avec Robert Franklin (Jocko Sims). Là encore, on voit bien vite où on veut nous emmener : ce n’est pas tant l’effet de surprise qui est recherché je suppose que l’effet de maturation. Très bien écrit et joué.


Je suis un peu plus dubitatif sur l’apparition très artificielle ou pour le moins impromptue du frère de Bill (Christian Borle) qui ressemble à un rafistolage scénaristique de dernière minute pas crédible du tout, compte tenu du passé de Bill déjà largement évoqué précédemment.


Que dire de la tournure que prend la carrière du Dr Langham (Teddy Sears)? Elle est toujours pathétique. Et je confesse que je ne sais au fond ce que les auteurs ont réellement en tête à produire avec ce personnage. Est-ce juste une pincée de comédie? Est-ce que le ridicule du personnage ne devient pas trop glauque au fur et à mesure qu’il dégringole?


Si je résume, cette saison 2 m’a plu pour le jeu des comédiens, la symbiose des deux principaux surtout et les quelques très belles scènes qu’ils nous offrent, mais je suis devenu un peu inquiet par la tournure parfois incohérente que prend le scénario, la liberté que les auteurs prennent par moments me paraît périlleuse. Il n’en demeure pas moins vrai que bien accroché par la trame et les personnages je persiste à avoir l’envie de continuer l’aventure. Vivement la saison 3!


Captures et trombi saison 2

Alligator
9
Écrit par

Créée

le 2 mars 2017

Critique lue 475 fois

6 j'aime

Alligator

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