Messiah
6.5
Messiah

Série Netflix (2020)

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Nike partenaire officiel du Messie 2020 "Just pray it"

En décembre 2016, Netflix diffusait sans tambours ni trompettes une fiction imaginée par Britt Marling et Zal Batmanglij. The O.A retraçait la chaotique histoire d'une jeune fille qui prétendait être dotée de pouvoirs surnaturels. Cette femme mystérieuse créa alors un véritable culte autour d'elle en racontant à un petit groupe de personnes son histoire ahurissante. Durant la petite dizaine d'épisodes, le spectateur était tiraillé entre sa rationalité de base (qui ne disparaît jamais totalement même en fiction), et l'envie de croire au merveilleux. Une envie pas si éloignée de la foi religieuse.


Ce jeu constant autour du doute m'évoque la première saison de Messiah. Dans les deux cas c'est l’ambiguïté qui fait une grande partie de l'intérêt de visionnage. Si le cadre était bien plus original - et parfois aussi ridicule - dans The O.A, l'ensemble demeurait également plus audacieux que la création de Michael Petroni, scénariste un brin tâcheron aux manettes de plusieurs scénarios horrifico-religieux dispensables (Le Rite, Miracles). Bref un scénariste pas réputé pour sa finesse ou sa culture.


Car le sujet est certes couillu vu le contexte mondial plus tendu que jamais en matière de religion, mais pas forcément original. Qui ne s'est jamais dit : "que se passerait-il si le Messie revenait sur terre ? On le mettrait à l'asile ou en prison..." étant les réponses les plus évidentes à ce jeu d'anticipation. Et Messiah reste très sage... tellement sage qu'il ne propose rien de plus à son postulat de base qu'un contenu telenovelesque où les conséquences concrètes et dangereuses de cette néo croyance ne sont jamais vraiment abordées.


Ce messie en survet' Nike n'ébranle pas vraiment la planète, en revanche il fait du buzz. On en parle, mais concrètement, il ne bouleverse même pas tant que cela les personnages qui l'entourent : La famille américaine à problèmes qui l'épaule n'a que trop de peu substance. Le père, au physique de lunetier bonhomme est un homme de Dieu prêt à foutre le feu à sa paroisse parce que personne ne la fréquente plus. Sa fille, loin d'avoir une épiphanie au contact de cet envoyé de Dieu n'est grisée que par la perspective de voir le nombre de ses abonnés Instagram grimper en flèche avec son déplorable  évangile 2.0. Et c'est le propre des autres personnages, tous nombrilistes, tous obnubilés par leurs soucis personnels et qui n'envisagent à aucun moment le bien commun et l'impact sur l'Humanité tout entière de cet événement qu'ils ont la chance de vivre et même d'approcher de prêt.


Le personnage d'Eva Geller (Michele Monagham) est déjà une caricature de femme forte, mais les scénaristes ont eu la main lourde. C'est femme flic qui a un cancer, qui doit gérer son père souffrant d'Alzheimer... vous vouliez du perso féminin avec de la charge mental XXL Netflix vous en sert sans trop regarder le dosage. Bref, elle ne desserre pas la mâchoire de la série et traque ce Messie du fond de sa cafétéria déserte en néons Windn Reffniens. Aviram Dahan (Tomer Sysley), militaire tortionnaire qui lutte contre les fantômes à grosses rasades de whisky est un personnage tout aussi stéréotypé qu'il est difficile de prendre au sérieux.


La figure centrale du messie bénéficie de la sobre interprétation de Mehdi Dehbi. Bon on comprend que les scénaristes marchent sur des œufs, et que ce messie doive être œcuménique, absolument pas dogmatique et plutôt progressiste. Mais à part cette facette sympathique, son discours est assez politiquement neutre et on comprend mal qu'il puisse guider des millions de personnes par cette frêle autorité.


Les prophètes étaient des tribuns, charismatiques et doués pour le Verbe. C'est pas trop le cas ici, Al-Massih est économe de parole, et finalement c'est son physique de beau gosse mutique à la Benoit Tremoulinas et ses tours de passe passe façon Garcimore qui sont les plus efficaces.


Il y a de fortes chances pour que la seconde saison soit aussi ratée que celle de The OA, et ce pour les mêmes raisons : Imposteur ou nature divine ?  Dans les deux cas de figure, la révélation semble intenable pour des scénaristes petits bras.

Negreanu
4
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le 2 sept. 2020

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