Pour le coup, ma critique sera longue. Je la diviserai en quatre points : Animation / Musique / Personnages / Histoire
• ANIMATION.
En terme d'animation, c'est honnête. Les personnages ne sont pas trop mal dessinés. Ce n'est pas non plus excellent, mais c'est franchement bien fait. D'autant plus que l'animation, à proprement parler, est assez fluide et dynamique. C'est honorable pour l'année 2011.
Le character design a le bon goût de ne pas être trop marqué par le BL. Ainsi, l'animé a le bon goût de ne pas chercher à définir un uke et un seme. Les personnages formant le couple principal sont avant tout des jeunes hommes normaux. Et les autres personnages sont aussi bien conçus.
Mais surtout, cet animé a certaines scènes vraiment belles et vraiment bien pensées. L'animé n'hésite pas à assumer un aspect plus artistique et, en l'occurrence, il le réussit plutôt bien ! Je maintiens que cette scène (à ne pas regarder si vous ne voulez pas vous spoil) est l'une des plus intenses que j'ai vues dans un animé.
• MUSIQUE.
C'est un peu moins bon, mais ça reste plutôt honnête. La bande-son est souvent correcte. Elle a en tous cas le mérite de ne jamais déranger et de ne jamais vous sortir de l'action. Elle ne s'amuse pas à dominer l'action non plus. Elle est sobre, mais efficace. Certains thèmes, de surcroît, sont plus intéressants car plus recherchés. Auquel cas, ils sont agréables parce que de grande qualité. Il arrive même parfois que l'animé utilise des chansons pour placer son ambiance. Et elles sont très bonnes !
L'opening et l'ending sont également très corrects. Ils ne sont pas excellents, mais ils sont tout à fait satisfaisants.
• PERSONNAGES.
Eh oui ! rien que ça ! Désolé, mais à quelques imperfections minimes près, c'est juste excellent.
Shion est le premier des deux personnages principaux. Et, vous vous en doutez bien, il est très bon. C'est un personnage plus positif que Nezumi (que je n'appellerai pas "Rat"), l'autre protagoniste principal. C'est un personnage que vous avez déjà vu ailleurs. Il est positif, curieux, sait être badass quand il le faut, mais n'est pas un Gary-stu pour autant. Il est classique, mais il est très bien fait.
Nezumi est un personnage un peu plus pessimiste, mais est surtout un excellent partenaire pour Shion. Ils ont des visions du monde qui se complètent. Elles s'opposent, mais pas au point de les rendre incompatibles. Mais au-delà même de son rapport avec Shion, Nezumi est un très bon personnage. C'est un personnage dur, mais néanmoins bienveillant, solide mais malgré tout faillible, très réaliste mais ouvert aux arts... Bref, un excellent personnage.
En outre, je le développerai dans l'histoire, mais leur couple fonctionne à merveille. Ils se complètent et, aussi hasardeuse que soit cette expression, "vont ensemble".
Les personnages secondaires, que ce soit Maître-Chien, la mère de Shion, Safu (qui a d'ailleurs une réplique culte) et d'autres sont tout aussi excellents. Je vous laisse les découvrir, mais sachez-le bien : ils n'ont pas été négligés.
• HISTOIRE.
Ah, l'histoire ! La magnifique, grandiose, intelligente et sublime histoire ! Vous trouverez la note peut-être un peu basse, mais j'y viens.
L'histoire est une histoire de science-fiction classique, jusqu'à un certain point, mais j'y viens. On pourrait se dire qu'elle est classique donc ennuyeuse. Mais que nenni ! elle n'en demeure pas moins très intéressante, très bien construite et très bien faite. Elle reprend la thématique classique de l'utopie et de la dystopie, mais réfléchit très bien sur ce thème. Les personnages ont tous une opinion réellement bien construite sur cette thématique, et se battent pour défendre un idéal. C'est d'autant plus inacceptable que... j'y viens ! De surcroît, les dialogues bien écrits entre Shion et Nezumi permettent de bien réfléchir sur ce sujet.
Car parlons-en enfin, de ce couple ! Il est excellent ! Pour diverses raisons, bien sûr, mais surtout pour l'une d'entre elles, qui m'a frappé dès le premier épisode : SHION ET NEZUMI ONT UNE ALCHIMIE DU FEU DE DIEU. Bon sang, j'ai rarement vu des personnages aller aussi bien ensemble ! Vraiment. Au premier épisode, le comportement qu'a Shion avec Nezumi ne paraît même pas absurde ! Objectivement, il l'est, mais tout semble si naturel. Cet animé est un shonen-ai, et y réussit excellemment. On croit que les personnages éprouvent des sentiments forts l'un pour l'autre. Ainsi, l'animé, s'il leur fait avoir quelques scènes bien senties ensemble, peut se payer le luxe de se concentrer sur son scénario l'air de rien assez complexe. Il y réussit excellemment bien.
C'est un animé très sensible qui traite de beaucoup de choses : il y a l'idée de la création qui dépasse le créateur ; il y a le conflit entre la notion de résistant et celle de terroriste ; il y a le thème de la ségrégation et de ce qui peut la justifier qui est merveilleusement bien traité. Il y a une piste qui semble un peu étrange, mais on se dit qu'elle sert surtout à développer l'un des personnages, et, dans l'absolu, la scène où cette piste est levée est assez classe.
De plus, notons que No.6 a pris le parti que ne prennent pas suffisamment les shonen-ai/yaoi : il veut raconter une histoire avant que de mettre en scène deux mecs dans une relation homosexuelle. Il cherche à vous apporter quelque chose. Il ne veut pas racler les bas-fonds de la médiocrité en sachant que des gens aimeront parce qu'on y trouve des mecs sexy ensemble (hein, Yuri!!! on Ice). Ainsi, cet animé aurait pu être un chef-d'œuvre du shonen-ai. Oui, car il est temps de passer au point qui fâche. L'animé se foire sur son dernier épisode. Le dernier épisode est objectivement mauvais, tant en terme de rythme que d'écriture. Mais il devient médiocre dans la mesure où il contredit totalement ce qu'a été la série auparavant. Je ne peux, par contre, pas manifester mon désarroi sans spoil. Alors... voilà !
Premier point qui fâche : cet épisode veut être grandiloquent plutôt qu'être une conclusion bien pensée. Vous les aurez vos personnages qui meurent mais pas vraiment, vous les aurez vos explosions, vous l'autre votre sang, ET VOUS AUREZ MÊME VOTRE FUCKING DÉESSE ABEILLE GÉANTE. C'est toujours assez difficile de mêler SF et fantasy, parce qu'on vire souvent au grotesque. Et No.6 ne parvient pas au miracle. On est déçu quand on retrouve Safu, parce qu'elle vous balance un point de scénario qui n'a quasiment jamais été abordé, et qui est très mal abordé. On a peur quand Nezumi est blessé, mais ce n'est pas assumé. On pouffe de rire quand on voit se pointer la déesse. On a certes peur quand Shion meurt, mais... Ah oui. Parlons-en. L'animé commet une faute de goût en utilisant une recette que je n'ai trouvée bien utilisée que dans L'Ecole des femmes de Molière (même Racine la rate dans Iphigénie ! Jean fucking Racine !) : le Deus ex machina. Littéralement, "Le Dieu sortant de la machine." C'est un procédé scénaristique qui consiste en une chose : tout se règle par magie. Pouf ! les problèmes disparus ! Et No.6 est grotesque. Shion meurt. Alors Nezumi chante. Dès lors, la déesse ABEILLE GÉANTE intervient. Finalement, le virus qu'elle a répandu tue tous les méchants pas beaux, et laisse en vie tous les gentils (hein, pas ceux des bidonvilles, non ; ceux qui habitaient dans la cité mais qui avaient remis en cause le système au moins intérieurement restent en vie). Et elle ressuscite Shion. L'animé nous montre qu'il n'assume même pas ses choix scénaristiques, et c'est dommage. D'autant plus que là, il se contredit : il devient manichéen. Shion était positif, certes, mais n'était pas un crétin profond qui niait toutes les réalités du monde. Nezumi était négatif et était persuadé que des individus différents n'avaient rien à faire ensemble, mais Shion lui prouve le contraire. Et pourtant, on tue les méchants pour que les gentils vivent en paix ! C'est un comble lorsqu'on sait que les scénaristes avaient jusque-là tout fait pour camper des personnages intéressants, crédibles et complexes. Alors conclure sur : "Le bien triomphe et le mal meurt, youpi", non. Je n'ai rien contre le manichéisme (c'est d'ailleurs pour cela que j'adore le personnage de Maléfique), mais il faut que ce soit assumé. Ici, ça ne l'est pas, c'est rien de plus qu'une facilité scénaristique.
Et la scène des adieux entre Shion et Nezumi ! Je sais, si vous avez vu l'animé, je vous vois d'ores et déjà scandalisé. Vous hurlez : "Cette scène est émouvante, et conclut très bien l'histoire !" Alors, la mise en scène est top. La musique est top. Les dialogues sont corrects. Mais je reviens à mon problème initial : ça veut davantage vous en mettre plein la vue que de conclure l'animé avec une réelle intelligence. Une fois n'est pas coutume, je troque la critique pour faire un peu d'analyse. Parlons de symbolique.
A la fin de cette scène, avant la séparation, Shion embrasse Nezumi. C'est un symbole assez important dans la mesure où ils ne se sont embrassés que deux fois dans l'animé. Quid du premier baiser ? C'était une tactique de manipulation de Shion pour s'enfuir en cachette et abandonner Nezumi. Le baiser est associé à une séparation vile et lâche. Je veux bien admettre que la symbolique a un peu évolué dans la scène finale pour montrer l'évolution des personnages : ils se séparent avec tendresse. Et là, vous me dites : "Attends, tu reproches de mettre un symbole de séparation dans une scène de séparation ? T'es sérieux ?" Et là, c'est l'heure du coup de théâtre : symboliquement, cette scène n'aurait pas dû avoir lieu. Quel sens ça a, qu'ils se séparent à jamais ? Eh bien, c'est simple : ça veut tout simplement dire qu'ils étaient trop différents, l'un venant des bidonvilles et restes d'un peuple exterminé, l'autre venant de la ville et ayant fait partie un certain temps de l'élite, pour rester ensemble. Ainsi, l'animé encourage la ségrégation naturelle : certaines personnes, pour des raisons purement sociales, n'ont pas à rester ensemble. C'est une morale déjà douteuse, mais elle est d'autant plus intolérable que l'animé défendait la thèse contraire jusqu'à cette scène finale ! Merde, Nezumi qui abandonne le "je n'agis qu'en mon intérêt" pour supplier qu'on ressuscite Shion, ça servait à quoi ? Et ça amoindrit même la romance, finalement. Leur amour n'est pas assez fort pour briser les barrières instaurées par la dictature qu'ils viennent de renverser.
Les scénaristes ont fait une grosse erreur, dans la mesure où ils ont voulu faire une scène d'adieux impressionnante et déchirante pour émouvoir plutôt que de faire une fin cohérente avec leur projet. C'est un comble que cet animé commette une faute de goût aussi grosse, alors que tout le reste avait été géré haut la main ! La fin semble être mieux gérée dans le manga (dont je n'ai lu que la fin), où Shion, une fois rentré chez lui, se met sur son balcon et hurle : "Nezumi, reviens me voir comme tu l'avais fait ce jour-là !" Du point de vue de la symbolique, ça corrobore le message très optimiste qu'avait l'animé jusque-là sur la ségrégation : il n'est aucune bonne raison de séparer les gens, et des gens tout à fait différents sont à même de se rencontrer, de s'apprécier et de se construire ensemble.
Qui plus est, ce dernier épisode ne conclut même pas les sous-intrigues qu'il aurait dû conclure ! Quid des mouvements résistants au sein même de No.6 auxquels participait la mère de Shion, par exemple ?
• CONCLUSION.
Un animé qui avait tout pour être excellent. Les musiques sont correctes, l'animation est franchement appréciable, les personnages sont excellents, le duo principal est juste l'un des meilleurs que je n'ai jamais vus, et l'histoire est certes classique mais néanmoins intéressante. Même si vous êtes un habitué de SF, elle ne vous endormira pas ; si vous ne connaissez pas le genre, c'est un excellent moyen de le découvrir. On tenait presque un chef-d'œuvre du shonen-ai. J'insiste : on aurait eu le plus grand shonen-ai de tous les temps, aussi indétrônable que l'est Shigatsu wa kimi no uso dans le shonen que j'appelle "manga de sport" (vous savez, ce type d'œuvres auquel appartient Yuri!!! on Ice...). La différence est que, là où Your Lie In April ne souffre d'aucune fausse note, No.6 propose un épisode qui, non mécontent d'être médiocre, a en plus le mérite d'abrutir le propos du reste de l'animé et même, pire encore, de le contredire ! Pour peu que vous soyez vraiment pris dans l'espoir, cette fin est un coup de poignard, un crime de haute trahison. Certes, je me souviens des qualités de cet animé quasi-sublime en tous points. Mais, lorsque je pense à lui, je pense à un animé qui m'a profondément déçu. Certes, objectivement, c'est très bon, et infiniment meilleur que Pretty Rhythm : Aurora Dream. Et pourtant, au souvenir, c'est bel et bien celui-ci qui m'est le moins douloureux, parce qu'il ne m'aura pas trahi de la sorte.
Bien sûr, je vous recommande No.6. Mais ne regardez pas le dernier épisode, et imaginez votre propre fin.
Créée
le 25 août 2017
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