Ch'tiderman
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Les séries françaises ne brillent généralement pas pour leur qualité, mais il arrive de temps en temps qu'un éclair de génie illumine ce paysage audiovisuel bien terne. P'tit Quinquin, la mini-série écrite et réalisée par Bruno Dumont, en fait partie.
L'histoire met en scène une série de meurtres sordides venant troubler la quiétude d'une petite bourgade du Pas-de-Calais. Enfin troubler, c'est un bien grand mot. À part des journalistes avides de sensationnel, personne au village ne se soucie de cette affaire. L'intrigue n'est en fait qu'une excuse permettant à Dumont de faire ce qu'il semble faire de mieux : filmer ses personnages dans leur quotidien. Le réalisateur met en scène une caricature des gens du nord, où tout le monde est laid et simplet. Mais ce n'est jamais fait avec mépris, d'une part parce que la démarche n'est pas du tout naturaliste, et d'autre part parce que Dumont va chercher la beauté dans chaque protagoniste. P'tit Quinquin est l'exemple le plus flagrant : ce gamin est turbulent, boudeur et parfois vulgaire, et pourtant j'ai rarement été aussi ému que lorsqu'il étreint Eve, son amoureuse.
La recherche de ces moments de sincérité ne fait pas oublier au réalisateur qu'il dirige une comédie, bien au contraire. L'ensemble est baigné dans un humour complètement absurde, qui a un peu de mal à fonctionner si, comme moi, vous n'êtes pas très réceptifs à ce registre. Mais une fois plongé dedans, c'est un délice. La série multiplie les trouvailles (la vache folle, Ch'tiderman) et réserve les meilleures pour les longues scènes, qui étirent les gags jusqu'à ce que le spectateur n'en puisse plus (le restaurant). Comme on peut s'y attendre, l'accent du nord mélangé au patois est le ressort comique le plus utilisé, et cela ne tombe jamais à plat grâce à des acteurs amateurs extrêmement convaincants. Le personnage du flic est évidemment le sommet de cet humour. Son attitude se situe constamment à mi-chemin entre le "je ne me suis pas réveillé" et le "j'ai un petit coup dans le nez", ce qui rend ses expressions perchées et ses nombreux tics vraiment irrésistibles.
Pour terminer, j'aimerais revenir sur les dix dernières minutes de la série. Le ton se faisait déjà plus tragique dans le dernier épisode, mais ces derniers instants font, on ne sait de quelle manière, ressurgir toute la tristesse qu'on aurait du ressentir tout au long de l'enquête. D'habitude, je n'apprécie pas beaucoup les changements brutaux d'ambiance, mais P'tit Quinquin maîtrise totalement ce basculement et se conclue avec un plan magnifique. Si ça pouvait être comme cela à chaque fois...
Cette série qui au départ ne me faisait pas très envie est une excellente surprise. Le créateur/réalisateur/scénariste déverse son cinéma dans une histoire à la fois glauque et absurde pour obtenir un produit totalement unique. Merci Arte, et surtout merci Bruno !
Créée
le 7 mars 2016
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