Voilà enfin une série qui a du coffre. En regardant Penny Dreadfull, j'ai enfin trouvé une alternative intéressante aux séries modernes qui ne savent plus comment se renouveler, et surtout qui finissent par toutes se ressembler à force de vouloir à tout prix imposer un suspens frénétique à chaque épisode.
Ici, la série prend son temps. C'est le maître-mot, le fil conducteur.
John Logan impose un véritable tour de force en se calquant sur les perles de la Littérature Fantastique de style Romantique, c'est-à-dire en insistant sur l'ambiance et le ressenti des personnages, plutôt qu'en faisant l'apologie de l'action et des rebondissements.
Ici, on se démarque.
Et tant mieux, car la série n'en est que plus lisible, plus profonde. Mais elle ne fonctionne pas pour autant à l'économie, avec des scènes d'actions aussi spectaculaires que bien senties; comme points d'orgues tous les deux ou trois épisodes.
Je trouve la répartition suffisamment juste pour ne pas faire dans la surenchère permanente et donc nuire au contenu. On obtient au final une série riche en dialogues, avec un contenu profond et cohérent, ce que j'adore dans une série télé, surtout quand on fait référence à mon style littéraire préféré.
On retrouve d'ailleurs dans Penny Dreadfull la plupart des oeuvres maîtresses de ce genre littéraire, avec une justesse qui force l'admiration car elle s'y réfère sans tout saccager. C'est suffisamment rare pour être cité, vu les lamentables bouses qui s'y sont essayées. (Van Helsing, la ligue des Gentlemen extraordinaires...) Ici on respecte l'ambiance des oeuvres sans trop en faire, on en fait un exercice de style plutôt réussi; allant même jusqu'à faire un clin d'oeil au contexte de leurs parutions avec les amours homosexuelles d'Oscar Wilde par exemple.
Je trouve ce choix d'autant plus marquant que notre actualité ressasse avec insistance des relents d'homophobie écoeurants, et que l'auteur s'était vu rejeté pour ses orientations sexuelles précisément pendant la période où se déroule la série. La direction artistique traite donc de sujets tristement contemporains sans faux-semblants, tout en faisant un pont cinglant avec notre réalité, mêlant fiction et actualité à la sauce vitriol. Mais encore une fois plutôt dans la suggestion que dans le graveleux, vu que l'allusion est plutôt fine et en appelle à un certain degré de culture. Mon ressenti global est donc très positif dans la mesure où le réalisateur s'autorise un fil du rasoir toujours dans la retenue et que ça fait mouche sur plusieurs degrés de lectures en permanence.
Bram Stocker, Mary Shelley ou Oscar Wilde défilent donc au rythme des allusions plus ou moins directes à Mina (la fiancée du jeune notaire Jonathan Harker) ou Van Helsing dans Dracula, au jeune Dr Frankenstein et sa créature dans Frankenstein ou le mythe du Prométhée Moderne, ou bien sur Dorian Gray dans le fabuleux livre d'Oscar Wilde. Je me risquerai presque en y trouvant un discret clin d'oeil à l'oeuvre de Sir Arthur Conan Doyle pour le côté enquête de terrain, mais ça frise le hors-sujet.
Par contre les amateurs de cinéma trouveront des clins d'oeils plus faciles à l'exorciste ou aux derniers Sherlock Holmes de Guy Ritchie, pour leurs ambiances respectives et certaines prises de vues.
Le résultat n'en est que plus classieux, à la fois respectueux des bases même du genre Fantastique et très moderne dans sa réalisation.
Côté acteurs, on en a pour ses exigences avec un Josh Hartnett qui s'impose et une Eva Green qui s'amuse dans un rôle aux petits oignons, saupoudré d'un zeste de second rôles impeccables.
La seule chose qui surprend le spectateur étranger à ce genre littéraire, c'est que l'action n'est absolument pas le maître mot, et cela peut choquer l'habitué aux canons du genre, friand de litres d'hémoglobine et d'action survoltée. Mais encore une fois, c'est précisément ce qui fait l'intérêt de cette série. Elle vous apprend à attendre patiemment le dénouement, à prendre votre temps en découvrant les personnages, leurs histoire et leur background. Elle vous laisse savourer une période Victorienne glauque et mystérieuse, pleine de brouillards et d'aventures prometteuses. Elle vous caresse délicatement l'échine avant de vous planter les crocs dans le cou, elle se promet vicieuse, vibrante et passionnante.
Bref, j'attends la deuxième saison avec impatience.