La fois où Éric Judor a failli faire une bonne série
Autant dire qu'avec Platane, on attendait Eric Judor au tournant. Avec le teaser de Canal + "Créateur original de programmes originaux" et l'énorme enthousiasme qui s'est monté autour de Platane, la nouvelle série phare française avec une vraie réflexion en amont et en aval, on peut dire qu'Eric avait intérêt à être à la hauteur le pauvre. Surtout quand on savait qu'il ne la faisait pas avec Ramzy et donc que cela impliquait de s'éloigner de l'humour qu'on leur connaissait.
Il faut dire que j'avais un peu lâché l'affaire avec le duo Éric & Ramzy. Leur humour décrépissait à vue d'oeil, notamment avec le décevant et affligeant "Halal, police d'état", même si l'on est habitué au genre humoristique d'Éric & Ramzy, la comédie est assez écoeurante et se regarde difficilement. Si bien que je n'ai même pas cherché à voir "Il reste du jambon?" et je vivais même dans la peur qu'ils puissent faire un film qui s'appellerait « Le poulet mange du jambon halal » (Oui, ce jeu de mot est incroyablement nul, mais croyez-moi, il est à la hauteur de ce que sont capable de faire Eric et Ramzy en terme d’humour).
Donc avec Platane, j’attendais beaucoup de Mr Judor, je m’attendais à une série profonde, sérieuse, plutôt triste avec un humour pas nécessairement fin mais tout de même un peu plus relevé et assurément une histoire à dévorer.
C’est avec déception et après visionnage que je vous écris ces quelques lignes pour décrire la malheureuse expérience que j’ai eu face à ce Platane, qui est sensiblement la même que celle d’Eric dans la série.
L’idée scénaristique d’Eric est assez intéressante pour bien des raisons, en effet son commencement est dramatique et immédiatement inattendu, ce qui sera le principal évènement de la série malheureusement. La mise en place de l’intrigue est donc directe et ne traîne pas en longueur et la mise en place des personnages se fera progressivement au fil de l’histoire. Pour sa courte durée (12 épisode), la série ne s’en porte pas plus mal et cela permet de se concentrer sur le scénario, les intrigues, les rebondissements etc sans perdre de temps sur des détails parfois peu intéressants, inutiles ou que l’on peut deviner soi-même au fil de l’histoire avec un peu de réflexion. Sur ce point là Eric réalise une bonne mise en scène. Par ailleurs, basée sur la réalité, où la majeure partie des personnages joueront leurs propres rôles et ce de façon assez fidèle, l’on se questionnera sur le genre de la série. Est-elle partiellement ou entièrement autobiographique (en dehors de l’histoire même) ou fait-elle partie d’une pure comédie fictionnelle ? Car finalement l’histoire en elle-même à beaucoup de points communs avec la réalité puisqu’elle met en scène une situation où Eric Judor souhaite réaliser un film plus sérieux sans son acolyte Ramzy. Ce qui revient à la réalisation de Platane. Et sur ce point, Eric réalise véritablement une bonne histoire, même si le thème n’est pas inédit.
Cependant c’est à peu près tout ce qu’aura Platane comme avantage. En parallèle, cette série a une foule de défauts assez flagrants et décevants.
Ce qui se démarque avant tout le reste et qui saute aux yeux, Eric dans cette nouvelle série se démarque de tout ce qu’il a fait jusqu’ici avec un thème plus complexe cependant il garde le même humour. C’est une bonne chose que l’humour soit toujours présent, et surtout que l’humour ne soit pas entièrement sérieux, sarcastique ou noir, malheureusement, l’humour de H ou de La tour Montparnasse Infernale ne colle absolument pas à l’ambiance de Platane et Eric ne s’en est pas détaché pour autant. Bien sûr tout l’humour n’est pas comme ça, mais lorsqu’il est différent, il est pire. On ne pourra s’empêcher de rire bien des fois car malgré tout certaines blagues sont tordantes, certaines situations comiques sont très réfléchies et étonnantes par leur mise en scène, et bien sûr nous aimons Eric & Ramzy pour leur humour (si nous les aimons bien évidemment) et retrouver cet humour est parfois un sincère bienfait, mais absolument pas en surdose.
Autre fait qui à défaut d’en être un, reste à la fois étonnant et repoussant, est le caractère d’Eric dans la série. Il est incroyablement énervant, aigre, éreintant et en devient un personnage que l’on déteste souvent plus que l’on ne l’apprécie. Accouplé du genre réaliste de la série on en vient à facilement haïr Eric lui-même et non son personnage.
Quand on y pense, faire haïr le personnage principale de sa série est également une bonne idée, et là aussi, même si ce n’est pas non plus inédit, c’est plutôt rare. Malheureusement cette idée n’est soit pas suffisamment exploitée, soit bien maladroitement. En effet, ce personnage est bourré de défauts caractériels, tout le monde l’est, et lui comme tout le monde possède également d’excellentes qualités, c’est pour cela qu’en plus de le haïr on le soutiendra malgré tout d’une certaine manière. Mais là où Eric Judor possède des défauts, les autres protagonistes n’en possèdent pas (ou très peu). Et quand ils en possèdent ça ne dépasse rarement le stade de la crétinerie ou parfois un genre de malice, ruse ou félonie. Ce qui fait que cela renforce trop l’amertume que l’on ressent envers ce personnage et fait passer les autres pour des saints. À l’exception de ceux que l’on ne voit pas (ou très peu) et dont on ne se soucie pas (ou très peu).
Enfin, dernier point qui partait d’une possible bonne idée mais qui s’avère être finalement une bien piètre expérience, est la malchance du héros. Celui-ci se retrouve à lutter quasi inévitablement avec la loi de Murphy. Toujours affublé d’un incompétent, de parents indignes ou encore d’une maladresse frisant l’idiotie, Eric échouera presque tout ce qu’il entreprendra (et pourtant…) ce qui rend le scénario prévisible et attendu (sur la courte durée du moins). Seulement si encore cela était cohérent, ou simplement fait intelligemment, l’histoire aurait tout de même un intérêt, mais ce n’est pas le cas, c’est parfois digne de ce que ferait un enfant de 10 ans. Ainsi on se retrouve très vite à s’ennuyer car on sait que de toutes façons ça se finira encore plus mal que ça n’avait commencé. Et quand bien même le mystère plane encore sur le déroulement, ce dernier étant tellement basique (quand il n’est pas affreusement pitoyable) que ça n’alimente même pas notre curiosité.
En bref, Eric Judor avait de très bonnes cartes en mains mais n’a pas su construire son jeu convenablement et son château de carte s’est écroulé sur lui.
Malgré tout il subsiste encore quelques bons points non mentionnés. Le premier est ce petit malaise que le réalisme parvient à faire naître en nous. Nous qui connaissons depuis bien longtemps le duo d’humoriste que la série s’est fait un malin plaisir à détruire avec acharnement. Ce malaise donc planera encore un peu après la fin de la série laissant le doute sur la réalité et la fiction de celle-ci. Deuxièmement, les dialogues sont d’un naturel assez frappant. Ici, aucune phrase culte ou super bien placée ne restera gravée dans nos mémoires, mais chacun des dialogues sont assez pertinents en rapport avec le caractère propre aux personnages. J’aurais même tendance à dire que les répliques sortent du cœur. Elles sont sincèrement fidèles aux personnages qui les prononce et à leur caractère souvent assez spécial.
