Rome
7.8
Rome

Série HBO (2005)

Une série barbare, gore et sexuelle. La bonne époque de la politique.

Rome est une série intense et radicale, qui prend son sujet à bras-le-corps.
A l'image de ses citoyens romains maîtres du bon mot, queutards, mystiques et capables de tout, Rome est hardcore et folle, dépeignant avec inspiration la violence du jeu politique romain.
Car ici, derrière la truculence et la science du dialogue se cache toujours une stratégie cynique pour dérober ou conserver le pouvoir, et, comme l'indique l'affiche, c'est dans le sang que se construit la nation Romaine.

La fiction pour dépeindre au mieux l'Histoire.
L'Histoire de Rome est si passionnante, édifiante, qu'elle pourrait ne pas avoir besoin de la fiction pour être attractive. Néanmoins, c'est avec brio que les créateurs de la série passent la grande Histoire à la moulinette des codes narratifs propres à une série.
Et force est de constater que la narration en feuilleton colle à merveille avec ces manipulations constantes, cette tension politique perpétuelle, ces retournements de situations incessants, autant de sujets en or pour rendre dynamique et captivante une série.
Et outre les passages obligés comme le passage du Rubicon, la rencontre avec Cléopâtre, la relation César-Brutus, brillamment traités, c'est la manière dont les deux héros Lucius Vorenus et Titus Pollo intéragissent avec l'Histoire qui marque. Si le pilier narratif de la série, le duo Vorenus-Pollo, a un fondement historique (ils sont brièvement mentionnés dans La Guerre des Gaules de César, qui les dépeint comme deux héros assoiffés de gloire et de batailles), les créateurs prennent de nombreuses libertés pour rendre leur péripéties rocambolesques et la fiction pertinente.
Ils sont les témoins de la grande Histoire, influent parfois de manière décisive sur elle (Titus entraine la guerre civile en réglant un différend dans la rue qui ne concernait a priori que lui, Titus encore qui couche avec Cléopâtre pour que la reine d'Égypte puisse clamer attendre un enfant de César, etc...
Le spectateur découvre en suivant les aventures de ces deux grosses brutâsses les rouages complexes de Rome, trimballé qu'il est de sanglantes campagnes militaires aux jeux impénétrables des hommes politiques que servent Vorenus et Pollo, en passant par les guerres de gangs romains.

Une reconstitution Historique tout sauf poussiéreuse.
Loin d'une adaptation historique empêtrée dans le classicisme, Rome dépeint la ville comme vivante, organique, comme le démontre le générique qui voit les graffitis, les statues, les ornements s'animer.
En toute logique, les graffitis permettent à plusieurs reprises aux protagonistes de prendre la température de la situation politique, que ce soit les coucheries (César avec Silvillia) ou les complots que tout le monde pressent (Brutus poignardant son père).
De même, les personnages qui font l'Histoire n'apparaissent pas comme de grandes figures sages et pétris d'idéaux intemporels mais bien plutôt comme de simples êtres humains, parfois faibles (César et ses crises d'épilepsie, Cléopâtre et sa dépendance à l'Opium), souvent mauvais (Auguste et son goût pour le sado-masochisme au lit), tous ayant en commun de se servir du pouvoir pour assouvir leurs ambitions personnelles.
C'est dans cette perspective démystificatrice que sont abordés de nombreux moments clés, notamment l'assassinat de César (SPOILER) au Sénat, qui donne lieu à un triste ballet, obscène et sanglant, où César, agonisant, n'aura pas la force de délivrer la célèbre formule « Toi aussi, mon fils » à Brutus. Dans ce cruel manège politique qu'est Rome, il n'y a de place que pour la réalité la plus crue, pas pour les grands mots.

Un sens certain du jusqu'au-boutisme.
Tournée dans les studios immenses de Cinecitta, la série s'appuie sur des décors d'une ampleur juste hallucinante, qui relève de l'inédit pour les canons télévisuels.
Et cette ampleur déborde sur tout les autres aspects de la série, abordés avec une franchise absolue et bigger than life.
Sur le plan des personnages, ils sont tous franchement engagé dans un combat inégal contre leurs démons intérieurs (Lucius Vorenus qui clame être le fils d'Hadès), et, du centurion au scribe, de la servante au futur empereur, ils suintent tous le sexe, la vilenie et la turpitude morale.
Sur le plan de la narration, l'ensemble des intrigues est traité avec une radicalité qui fait vraiment plaisir. Ici, les différends se règlent à coups de poignard dans la gorge, de décapitions sommaires, de sort jeté à la face, d'empoisonnement, etc...
Les moments épiques sont légion, notamment la fin de saison 1 qui voit Titus et Vorenus affronter dans l'arène plusieurs gladiateurs, dans une débauche d'héroïsme gore ultra trippant.

Au final, Rome est une série brillante et courageuse, déconstruisant l'Histoire pour mieux rendre compte des vices de l'époque (qui reste à bien des égards contemporains, coucou DSK).
Le créateur Bruno Heller, parrainé par le grand John Milius, a appris en cours de saison 2 que la série ne serait pas reconduite, il a donc incorporé les intrigues prévues pour les saisons suivantes dans la fin de saison 2, et si cela se ressent, les évènements se succédant à une vitesse frénétique, la qualité reste toujours présente, et on lui sait gré d'avoir apporté une conclusion fracassante aux intrigues.
On se souviendra longtemps de Rome pour cette vision follement inspirée de l'Histoire et des péripéties de ces deux satanés héros du peuple que sont Lucius Vorenus et Titus Pollo. Un sans faute.
Dalecooper
9
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le 6 août 2011

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16 j'aime

Dalecooper

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