Basée sur les livres de Leigh Bardugo, cette série Netflix possède un atout majeur : elle a engagé l’autrice dans son équipe de scénaristes, ce qui a permis à cette dernière de valider les adaptations de ses romans. C’est assez rare pour le souligner et je ne peux qu’apprécier ce choix. Il n’est jamais aussi pénible que de voir une œuvre déformée et trahie.
L’univers visuel est donc magnifiquement rendu, avec ses influences russes, ses éléments steampunks et sa magie omniprésente. Les décors sont superbes. Le palais dans lequel sont tournées certaines scènes s’inscrivent parfaitement dans cet ensemble, de même que les villages hongrois qui offrent leurs rues et leurs façades. On peut néanmoins critiquer le navire sur patins qui fait réellement toc et le maquillage d’Alina après sa transformation qui semble réalisé à la truelle.
Les effets spéciaux participent également à cette atmosphère uchronique plutôt originale et soutiennent une intrigue plutôt bien menée et riche en rebondissements qui accueille de nombreux personnages. Cela permet de construire une histoire sur plusieurs époques, qui plonge dans les deux séries de l’autrice, à grands coups de flashbacks et de contrepoints. Elle met en scène Alina, une jeune cartographe qui découvre ses pouvoirs de magicienne de la lumière alors qu’elle aspirait à une vie tranquille. Elle devient, malgré elle, le jouet de forces obscures et de convoitises.
Une fois passé ces côtés positifs, les détails ne sont pas toujours très encourageants. Certes les personnages secondaires sont excellents et bien développés, à commencer par Ben Barnes (déjà vu dans Narnia) qui incarne un Darkling très convaincant ou Freddy Carter qui joue Kaz, un filou pour le moins attachant avec sa comparse Inej (Amita Suman de The Outpost). Mais ce qui gêne, ce sont les deux protagonistes au centre de cette série : Alina Starkov (Jessie Mel Li, aussi charismatique qu’une bouche d’incendie et au jeu catastrophique) et Malyen "Mal" Oretsev (Archie Renaux, totalement monolithique et si peu convaincant que ça en devient risible). Tout cela gâche la fête, comme c’est aussi le cas du début de romances entre Alina, qui est une adolescente, et le Darklin, qui a apparemment plus du double de son âge et en réalité bien plus. C’est aux limites de la décence.
Autre point noir, plusieurs ébauches d’intrigues secondaires ne sont pas développées, comme celle de Nina, à peine survolée, alors que le personnage est attachant et visiblement complexe et celle d’Inej sur laquelle on sait si peu de choses. A l’inverse, le personnage de Jesper est horripilant et caricatural en homosexuel métis, joueur et comique, qui semble rassembler toutes les minorités en un seul personnage pour faire beau et qui est à peine esquissé dans son costume de cow-boy qui jure avec l’univers russe. Des incohérences et de nombreuses facilités narratives propres à certains romans pour la jeunesse font aussi tiquer. Je ne vais pas les énumérer, on en aurait jusqu’à la nuit.
Shadow & Bone n’est certainement pas le nouveau Game Of Thrones comme certains tentent de le faire savoir et comme le réalisateur a voulu le tenter : la scène de la baignoire d’Alina renvoie de manière pathétique à la scène du bain de Daenerys. C’est un bon divertissement, pas assez creusé en seulement huit épisodes, et qui aurait mérité un choix d’acteurs principaux bien meilleur.