Stranger Things
7.6
Stranger Things

Série Netflix (2016)

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Il est parfois difficile de distinguer l'hommage du plagiat, mais il existe pourtant une différence fondamentale entre ces deux termes. Un réalisateur souhaitant rendre hommage à un long-métrage, un genre filmique ou quoique se soit d'autre ne devrait pas se contenter de reprendre ce qui en faisait l'intérêt et la spécificité. On attend de lui qu'il aille plus loin, qu'il détourne les codes établis par son modèle, qu'il propose une vraie réflexion métaphysique sur le genre qu'il met en scène ou qu'il se l'approprie pour l’emmener vers des directions insoupçonnées.


Ainsi :
-Ed Wood est un bel hommage aux séries Z des années 40-50 parce qu'il raconte l'histoire d'un réalisateur de nanars et que toute l'esthétique cheapos et bizarre de ces films est ici réutilisée pour insuffler au long-métrage la même atmosphère, ceci afin de créer une sorte de mise en abyme.
-Le dessin-animé Les Animaniacs est un bel hommage aux cartoons des Looneytunes parce qu'il en reprend toutes les caractéristiques et les principaux ressorts mais en les modernisant, en les détournant, en s'adaptant à l'époque où la série fut diffusée, en y incorporant des références à notre culture populaire et en poussant le délire et l'humour absurde bien plus loin que cela n'était permit dans les années 30-70.
-Django Unchained est un bel hommage aux westerns parce qu'il en reprend toutes les caractéristiques et les principaux ressorts afin d'aborder une thématique propre à l'époque du genre mais jamais traitée auparavant, les dérives de l’esclavage. Le tout avec une mise en scène, une violence et une BO qui fait de ce film un western moderne, s'inscrivant parfaitement dans son époque et ne paraissant jamais désuet.
Toutes ces œuvres très référencées ont su témoigner leur admiration pour leurs aînées sans pour autant rester prisonnières de leur statut de film/série hommage. Ils ont su créer quelque chose de singulier et de profondément personnel qui leur donne une personnalité propre.


A côté de ça, Stranger Things est une pâle copie de certains films à succès des années 80 (principalement ceux réalisés par Spielberg/Carpenter/Scott ou Dante) parce qu'il en reprend toutes les caractéristiques et les principaux ressorts pour les réutiliser tels quels, uniquement parce qu'ils ont prouver leur efficacité par le passé. Et ça voyez vous ça fait toute la différence.
Cette série n'est pas un hommage, elle s'inscrit dans une mouvance filmique bien précise dans laquelle elle fait pâle figure à côté de ses aînées tant elle semble dénuée de personnalité.
Ce qui faisait la force d'un E.T ce n'est pas tant son esthétique de banlieue américaine un peu paumée, ses protagonistes adolescents geeks, naïfs et courageux avec leurs vélos ou la présence de surnaturel dans un cadre somme toute banale et quotidien. Non ce qui rend ce film aussi fort y comprit pour des enfants totalement insensibles à ce que je viens de vous évoquer, c'est surtout sa mise en scène, son ambiance, la façon dont Spielberg nous racontait son histoire et comment il conférait à celle-ci une puissance émotionnelle incomparable, ainsi qu'une grande affection pour les personnages. Il n'y a rien de tout ça dans Stranger Things. Tout est plat comme de l'eau minérale. La réalisation est basique au possible, on filme se qu'on doit filmer le plus lisiblement du monde, avec un rythme soutenu pour que le spectateur se fasse pas chier et une musique electro totalement insipide en guise de BO. C'est tout. Aucun partit prit, aucune ambiance, des champs-contre-champ presque à chaque dialogues et des moments de "suspens" tous filmés de la même façon, c'est à dire comme on l'a vu 200 fois dans tous les films d'horreurs depuis 35ans.


Et je serais prêt à pardonner cette réal digne d'un Téléfilm gros budget de Canal + (non aller.... de Canal + Family faut pas déconner) si à contrario il y'avait un vrai scénar inspiré et original derrière pour donner un véritable intérêt à cette série. Mais même pas. Les Duffer Brothers ont élaboré une intrigue simple et cousue par de grosses ficelles bien visibles, ainsi que par de gros raccourcis et autres clichés filmiques en tout genre. Les protagonistes sont des archétypes sur pattes et leurs développements sont grossiers et prévisibles. Que se soit la psychologie du héros, garçon timide peu à l'aise avec les filles qui du coup s'attache rapidement à cette meuf chelou pour laquelle il nourrit de grands projets, même si ces derniers ne pourront jamais aboutir étant donné que les deux tourtereaux sont trop différents pour faire partit du même monde. On a également l'ado qui sort avec un con frimeur tout ça pour se rendre compte qu'elle est superficielle alors que son voisin looser est tellement plus sympa que l'autre andouille avec qui elle est. La mère dévastée par la disparition de son gosse que tout le monde croit folle et qui ne sera caractérisée QUE PAR CA (rendant ainsi son perso insupportable). Le flic torturé et tenace prêt à contourner la loi pour résoudre son affaire... Vous les sentez tous ces arcs narratifs éculés que vous avez déjà vus 600 fois ailleurs et qui vous sont ressortis tels quels avec très peu de modification ? Eh ben imaginez ça durant 8h !!!! Parce que oui, clairement Stranger Things est un film étiré. Y'avait matière à faire un long-métrage d'1h40 avec cette histoire, mais comme on est dans une série en 8 épisodes, on accorde d'avantage de place au développement des personnages. Ce qui, dans n'importe quel série aurait été une qualité, ce trouve n'être ici qu'un défaut supplémentaire, tant la psychologie de nos héros est prévisible.
Pour autant, si ce programme avait été un film, je peux vous garantir qu'il n'aurait pas eu le même impact. Au lieu de l’encenser pour son prétendu hommage, on l'aurait immédiatement comparé à ses prédécesseurs. On aurait ainsi pointer du doigt son manque d'originalité et il aurait fait un petit bide avant de tomber dans les limbes de l'histoire du cinéma. Or, heureusement pour elle, c'est une production Netflix, elle bénéficie donc d'un traitement de faveur puisque le site de streaming commence petit à petit à se faire un nom parmi les sériephiles et qu'il est rare de voir un projet aussi coûteux et "ambitieux" à la télévision.
Et voilà comment un produit cinématographique pas terrible devient un produit télévisuel excellent auprès des aficionados du genre.


Mais est ce pour autant un mauvais produit ? Eh bien, malgré tous les défauts que je lui reproche, je dois bien avouer que cette histoire a su me captiver et me donner envie de la suivre jusqu'à la fin. Ce qu'il y'a de bien avec cette série c'est qu’elle sait entretenir son mystère, se dévoilant de plus en plus à chaque épisode avec une révélation qui nous intrigue et qui pousse le spectateur à voir l'épisode suivant immédiatement. Et une fois qu'on a tout découvert, les enjeux deviennent colossaux ce qui rend les derniers épisodes encore plus passionnant à suivre. Et oui même si c'est compliqué de s'attacher à des persos aussi artificiels dans leurs rapports entre eux ou dans leurs développements, la mayonnaise finit mystérieusement par prendre forme. Peut-être parce que leurs motivations sont suffisamment touchantes pour qu'on est envie de les voir réussir ? Peut-être parce qu'on a malgré tout une vraie notion de danger qui donne de la consistance au récit et à ses péripéties ? Ou tout simplement parce que des films avec une organisation gouvernementale secrète capturant une télépathe dans le but d'espionner des russes et qui, sans le faire exprès, ouvre un portail vers une autre dimension dans laquelle réside une créature capturant des humains quand elle s'aventure dans notre monde et les ramenant dans son propre univers; personnellement je ne l'ai jamais vu ailleurs.


Tout ceci fait de Stranger Things une série.... divertissante. Ça ne suffit pas à lui attribuer ses lettres de noblesse, ça n'en fait pas une oeuvre magistrale et intéressante, ça en fait juste un produit regardable. Et c'est tout ce qu'il faut en attendre.
Si vous vous contentez de ça très bien, mais ne venez pas crier au chef d'oeuvre ou qualifier ça d'hommage. Les Duffin Brothers sont de gros copieurs et le fait qu'ils mettent plus en avant leurs références que d'autres plagieurs ne les dédouane absolument pas de leurs méfaits. Ce n'est qu'un aveux de leur part, ils assument avoir copier sur leurs voisins surdoués, ne prétendent pas faire mieux qu'eux et se contentent de reproduire leur travail dans la limite de leurs propres capacités. Ni plus, ni moins.

Alfred_Tordu
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le 12 sept. 2016

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Alfred Tordu

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