The Eddy
5.9
The Eddy

Série Netflix (2020)

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The Eddy, ou comment avoir beaucoup de choses à dire alors qu'il n'y a pas tant de matière que ça.


Déjà on va parler de l'attrape-nigaud de la série : Damien Chazelle. On va un peu remettre les choses dans leur contexte. Netflix était très fier il y a quelques mois d'annoncer sa collaboration avec le réalisateur oscarisé pour une série qui tournerait autour du jazz. Je n'en savais pas plus. J'avais aperçu quelques images, mais c'est tout ce que je savais en voyant la série. Et puis, surprise, la communication autour de celle-ci se réduit au néant. La sortie approche, mais plus personne n’en parle.


Et en fait, quand on se penche sur le sujet, on comprend pourquoi. La série est en réalité dirigée et écrite par Jack Thorne, qui a écrit quelques épisodes de Skins mais qui a surtout commis Harry Potter et l'Enfant maudit. Pour la musique, pas de Justin Hurwitz à l'horizon, qui est à la fois un pote de fac de Chazelle mais aussi son compositeur attitré. Chazelle ne réalise que 2 épisodes, les premiers, et en 16 mm s'il vous plaît. Trois autres réalisateurs prendront le relais pour les 8 épisodes qui forment la mini-série. En me baladant sur les réseaux asociaux de service, je remarque que beaucoup abandonnent en cours de visionnage. Pourtant des séries où il ne se passe rien, les gens en raffolent.


Une fois qu'on sait tout ça, on a juste affaire à une série polyglotte où le club de jazz n'est qu'une toile de fond pour des péripéties policières ou sociales franchement pas engageantes. On n’a plus le cachet Damien Chazelle pour pouvoir fièrement dire "Nan mais c’est quand même vachement bien". Chaque épisode porte le nom d'un personnage, ce qui va mener à des épisodes très inégaux selon le personnage au centre du récit, avec un épisode choral (et bancal pour moi) pour clôturer la série, mais on y reviendra.


D'abord, je le reconnais quand même, j'ai bien apprécié le travail des acteurs, en particulier Andre Holland, Leïla Bekhti, Amandla Stenberg et Adil Dehbi. C'est le reste où ça coince un peu pour moi, à savoir la réalisation et l'écriture.


Les deux épisodes de Chazelle se démarquent beaucoup des autres car la caméra est plus tremblante, le grain dû au 16 mm est omniprésent sur l'image et ça lui donne un aspect à la fois inquiétant et authentique. On gardera les mouvements de caméra incertains dans les épisodes suivants, mais avec une photographie qui respecte les standards des séries Netflix. Une image nette, bien éclairée, très propre. Et c'est bizarrement quelques passages de l'épisode sur Amira qui m'ont le plus plu... Parce que la réalisatrice imitait Chazelle dans sa façon de filmer le groupe de jazz.


La série nous montre une ville de Paris pas du tout édulcorée, on est même parfois proche de la caricature inverse de la façon dont les américains voient Paris. Tout y est crade et grisâtre comme dans la vraie vie (désolé les parisiens je ne trouve pas que la ville de Paris soit particulièrement jolie et c’est pas grave d’ailleurs), avec carrément des jeunes de banlieue qui dealent de la drogue et des embrouilles. Le tout avec un club de jazz immense et plutôt bien rempli au milieu de tout ça.


La série est cosmopolite et c'est un bon point car ça me semble à la fois réaliste et pertinent. Hélas le fait que les personnages parlent plusieurs langues mène à des situations surréalistes où les acteurs vont jongler entre les deux au sein d'un même dialogue sans raison apparente.


Du fait du format "un épisode par personnage", on a des épisodes qui ne sont juste pas intéressants. La sous-intrigue liée à Jude est inutile et celles de Maja et Katarina auraient pu être réduites à quelques scènes. D’ailleurs ce qui est à l’origine du titre de ma critique m’interroge sérieusement. Quel est le message de cette scène en particulier de l’épisode centré sur Jude. Que les gens n’écoutent plus de Jazz et ont donc des goûts pourris ? Que les musiciens doivent jouer la soupe qu’on leur demande au lieu d’être libres de s’exprimer comme ils le souhaitent ? Que le Jazz c’est finalement ringard puisque ça n’intéresse personne ? Je cherche encore à comprendre.


La caractérisation des personnages n'est pas des plus folichonnes non plus. D'un côté Elliot dégage beaucoup de sympathie mais on a du mal à saisir pourquoi il se met plus dans la mouise qu'il ne l'est déjà, de même pour Katarina qui galère avec des frais de santé pour son père dans un pays où on a la sécurité sociale... Je suis totalement d'accord sur le fait qu'en France les handicapés ne sont clairement pas les mieux lotis, mais sa situation désastreuse me semble assez peu probable. Et Julie c'est peut-être le personnage qui me pose le plus problème. On a tantôt envie de la baffer, tantôt envie de lui tendre la main. Et moi ça me gêne parce que comme on a plus souvent envie de la baffer que de la voir vivre des choses bien, c'est qu'il y a un problème à mes yeux. Ok on explique qu'elle a eu une vie pourrie et on rabâche 40 fois dans la série qu'elle a 16 ans, mais ce qu'elle fait vivre à son père et le fait qu'elle se mette aussi souvent en danger juste par besoin d'attention relève d'une insolence innommable.


Alors Jack Thorne, au milieu de tout ça, n'a même pas envie de donner une fin à la série, et c'est embêtant. J'ai vu sur le net que certains comparaient l'intrigue policière de la série à un téléfilm France 3. Bon, ça me semble fort de café, mais la conclure c'était quand même un minimum... Là tout est tellement incertain pour les personnages qu'on pourrait nous refourguer une saison 2 facilement.


L’avis que je viens de donner peut paraître dur, mais j’ai passé un meilleur moment quand même à regarder ça que la dernière saison d’une série américaine à la mode.

GuillaumeL666
6
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le 10 mai 2020

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Guillaume L.

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