Je suis très partagée sur la qualité de cette série. Tout d’abord, la « couverture » avait tout pour me plaire. Une dystopie racontant la bascule de notre société vers un monde ultra-conservateur où les femmes fertiles sont considérées comme des objets utiles à la reproduction : y a de l’idée. Le problème, c’est que la série n’approfondit pas suffisamment ces idées et souffre de (lourds) défauts.


Commençons par le concept de base, pas celui de la baisse de la natalité, mais celui de la crise écologique (et économique) qui, donc, a entraîné la baisse de la natalité. On voit bien que Gilead a adopté un nouveau mode de vie, mais on ne comprend pas bien en quoi il est différent du précédent : il y a toujours des supermarchés, les habitants s’éclairent grâce à l’électricité et possède, visiblement, tout le confort moderne même si la déco intérieure a un peu changé depuis que « Blessed Be the Fruit ». En parlant de crise économique et écologique, c’est un peu frustrant de ne pas en savoir plus, et qu’on n’argue pas que le point de vue est celui de June et que donc, c’est normal. A plusieurs moments, on apprend des choses sur le monde extérieur, notamment par le Commander et la délégation du Mexique. On aurait aimé savoir comment Gilead s’en sort de ce point de vue, quel est l’état des finances, ou mêmes des réserves de nourriture… pourquoi ils ont tant besoin de commercer avec d’autres pays. Que leur manque-t-il ? Comment produisent-ils des richesses ? Ont-ils changé leur mode d’agriculture ? Je trouve que la focal sur la maison des Waterford et quelques rues autour ne permet pas de prendre toute la mesure de ce nouveau monde et laisse une impression de superficialité un peu désagréable.


Ensuite, peut-être que ça vient de moi, mais des éléments manquent d’explication. Dans un monde où la natalité est ce qui est le plus important, comment expliquer que les femmes accouchent dans une chambre, sans aucun matériel ou personnel médical ? Matériel ou personnel qui existent puisque de la chirurgie est utilisée à plusieurs reprises sur des personnages dans la série. C’est quand même prendre un risque énorme de faire accoucher les servantes dans des conditions pareilles. Même si c’était justifié par un précepte religieux (ce qui n’est même pas le cas, ou alors j’ai loupé l’explication), ça ne tient pas la route. Pourquoi seules les femmes sont déclarées fertiles et obligée de coucher avec des Commandants infertiles ? Un être humain pourvu d'un minimum de sens commun aurait fait coucher ensemble des femmes et des hommes fertiles pour ensuite récupérer les enfants. Et puis, comment peuvent-ils décider de lapider, à la fin, une servante encore capable d'enfanter ? Je vais être horrible, mais si on pousse la logique, la nana se fait enfermée et violer jusqu'à tomber à nouveau enceinte, non ? Bref, pour des gars obsédés par le fait d'avoir des enfants, y a deux-trois trucs qui clochent que j'aurai pu leur expliquer moi-même.


Dans l’ensemble, je trouve les acteurs bien choisis mais parfois mal dirigés. Les réactions de certains personnages me semblent incompréhensibles. June, tout d'abord, qui arbore la même expression tout au long des épisodes, c'est quand même dommage. De plus, je n’ai absolument pas compris le Commandant : est-il absolument stupide ou juste indifférent ? Comment peut-il croire une seule seconde que June apprécie passer du temps en sa compagnie quand le visage de sa servante est défait la moitié du temps et qu’elle pleure l’autre moitié ? Il n’y a que lorsqu’elle lui demande de retourner au bordel pour récupérer le paquet qu’elle joue à peu près bien la comédie et on se demande même pourquoi elle y arrive là, tout d’un coup. Selena, la femme du Commander est un personnage plus intéressant et plus développé, ça ne l’empêche pas de souffrir de plusieurs défauts : pourquoi frapper sa servante quand elle apprend ce que le Commandant lui a fait subir ? A priori, elle peut imaginer que June n’était pas tout à fait d’accord, surtout que la servante précédente s’est suicidée (allo). Et puis c’est quoi cette réaction what the fuck quand on vient lui prendre sa servante (et donc son futur enfant) ? La meuf en était à faire des prières un peu incongrues devant un test de grossesse recouvert de pipi, on aurait pu imaginer une réaction un peu plus violente et déchirante quand on vient lui prendre ce qu’elle désire le plus.


Dernière chose très gênante, de mon point de vue, les flashbacks. Ils sont trop longs, trop nombreux et trop niais. Dès le début, j’ai senti l’arnaque avec ça. Je sais qu’ils sont censés nous faire entrer en empathie avec les personnages, mais à quel moment ? L’histoire d’amour de June et son mari (je ne sais plus son nom tellement il est inintéressant) est vraiment fadasse et tous les moments trop kiki en famille, à un moment donné, stop. A chaque fois, je me disais juste : oh non, je veux connaître la suite de l’histoire, ça je m’en fous. J’ai également été déçue par le bouleversement politique qui s’opère, si une ou deux scènes fonctionnaient vraiment bien (quand elles font leur jogging et se prennent des remarques sur leurs tenues dans un café ou quand le patron de June licencie toutes les femmes), la protestation contre les nouvelles mesures prises par le gouvernement est vraiment faiblarde -une petite manifestation et puis s’en va.


Après tout ça, je vais terminer par les points positifs, parce qu’il y en a quand même, d’où mon sentiment mitigé. J’ai beaucoup aimé l’esthétique, je sais que certains trouvent que c’est « trop » (flous et ralentis), personnellement ça ne m’a pas dérangé, l’ambiance très lourde est également bien retranscrite, dans des décors souvent sombres. Le soin apporté aux couleurs fait plaisir à voir. Certains personnages secondaires m’ont aussi bien accrochés, Tante Lydia notamment, fascinante et repoussante à la fois, le personnage joué par Alexis Bledel (partie trop tôt), et même les jeux de la servante borgne et de la meilleure amie de June, qui en font parfois un peu trop à mon goût, restent convaincants.


Dans tous les cas, je regarderai la suite (il paraît qu’une saison 2 est en préparation), en espérant que la série gommera ses défauts et saura exploiter tout son potentiel. On y croit !

Adolphine
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le 8 août 2017

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