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Au commencement, il y a la maison. Hill House. Imposante. Immuable. Ténébreuse. Terrifiante. La maison hantée, typique du genre horrifique. Dédale pétrifiant de corridors obscurs, de pièces grinçantes, de portes battantes ou mystérieusement closes. Lumière noire d’un royaume sépulcral où se tapissent les fantômes d’innommables tragédies. Temple de mort réclamant sa ration de vivants pour perpétuer son aura maléfique.


Quand la famille Crain vient s’installer à Hill House en 1992, dans le but de retaper la bâtisse pour la vendre à prix d’or, elle est loin de s’imaginer toute l’ampleur du cauchemar dans lequel elle va s’embourber. Grattements dans les murs, aboiements lointains de chiens chimériques, apparitions effrayantes de figures spectrales, mauvais rêves incessants… Une peur insondable finit par s’emparer des Crain jusqu’à une nuit d’horreur absolue où Olivia, la mère, perd la vie dans d’étranges circonstances. Plusieurs années après la tragédie, en 2018, alors que les cinq enfants Crain ont grandi rongés par ce traumatisme commun (Steve, l’aîné, a choisi la voie de l’écriture pour tenter de s’en accommoder, sa sœur Shirley la thanatopraxie, Theodora la psychologie, Luke l’étreinte vénéneuse de l’héroïne, Nell, sa jumelle, s’est enfoncée dans la dépression), les fantômes de Hill House reviennent les tourmenter de plus belle lorsque Hugh, leur père, reprend contact avec eux.


Série d’angoisse assumée et brillante dans les codes horrifiques qu’elle embrasse, The Haunting of Hill House se démarque néanmoins, dès son épisode pilote, de la plupart des productions actuelles qui se reposent entièrement sur les effets les plus spectaculaires et les plus éculés du genre. Par la rigueur et la précision de son écriture. Par le choix d’une narration éclatée mais toujours cohérente, où les époques s’entremêlent, se percutent et se répondent. Par le développement psychologique vertigineux de ses personnages, tous terriblement attachants autant par leurs éclats que par leurs failles. Par le soin inouï apporté à la photographie, exploration graphique des ténèbres sous toutes leurs formes, de jour comme de nuit, autant dans les portraits en clairs obscurs des personnages que dans la peinture anxiogène des lieux. Par la tonalité dépressive, désespérée, qui suinte de chaque séquence.


Car si The Haunting of Hill House sait se montrer redoutablement angoissante dans l’exhibition parcimonieuse de ses fantômes, la série se donne avant tout à voir comme la triste fable, le conte amer d’une famille dévastée dont les survivants tentent de recoller les fragments chancelants de leurs frêles existences. Véritable clé de voûte de ce thrène familial révélant délicatement ses noirs secrets, la figure maternelle, incarnée par la bouleversante Carla Gugino, s’érige à mesure qu’elle implose comme l’incarnation absolue de la mélancolie. Ange éploré, matrone du chagrin, Olivia irradie la série de son aura paradoxal, à la fois follement protectrice et grièvement morose. À l’image de la maison, monstre vorace sous des oripeaux de foyer tutélaire. Une ambivalence thématique, voire poétique dans les errances magnifiques de l’intrigue, qui maintient le spectateur dans un état de fascination hypnotique jusqu’à la toute dernière minute du dernier épisode. Plus qu’une série d’horreur, The Haunting of Hill House est une puissante allégorie, un poème initiatique et organique sur le poignant fardeau d’être parent, de fonder un foyer, une ode lancinante aux terreurs enfantines, à l’angoisse que l’on ressent lorsqu'on grandit, au chaos effrayant et sublime de l’existence humaine. Du grand art !


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le 20 août 2019

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