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D'un côté, on a le livre de Philip Roth, l'un des plus grands écrivains américains du siècle dernier, qui, face aux menaces contre la liberté individuelle suite aux mesures "sécuritaires" post 9/11 de l'administration Bush, avait imaginé raconter - une fois de plus - l'histoire de sa famille dans le contexte uchronique d'une Amérique menacée en 1941 par la montée de l'extrême-droite. D'un autre, HBO et l'équipe "star" David Simon / Ed Burns, impeccables chroniqueurs du fonctionnement de la société et des institutions américaines, avec un sens de l'empathie exceptionnel vis à vis des populations opprimées, le tout à un moment de l'Histoire où la question du leadership des USA se pose assez tragiquement. A priori, "The Plot Against America" ne pouvait être qu'un nouveau chef d'oeuvre...


Il ne l'est pas tout-à-fait, malheureusement, même si l'on vole évidemment très haut avec cette mini-série impeccablement réalisée et interprétée par un casting solide, au milieu duquel se distingue néanmoins clairement la encore peu connue Zoe Kazan (petite-fille du gigantesque Elia Kazan). Le crescendo de la montée de l'intolérance sous le couvert du pacifisme prôné par un Président incompétent et largement absent, et de la persécution des juifs américains est extrêmement efficace, et le choix audacieux d'une fin anti-spectaculaire, comme en pointillés augmente encore la crédibilité d'une écriture qui ne privilégie jamais les coups de force ou la dénonciation facile (même si l'épisode "patriotique" du discours de la Première Dame fait un instant craindre le retour aux mécanismes "hollywoodiens" classiques).


Et pourtant, "The Plot Against America" ne fonctionne pas complètement, peut-être parce que l'ombre de Roth a été trop pesante et a empêché les showrunners d'emmener la série vers ces aspects plus politiques et sociaux où ils excellent habituellement. C'est peut-être aussi - paradoxalement, car on parle-là d'un divertissement SF - le fait que la série "The Man from the High Castle" venait il y a peu d'adresser un sujet assez similaire (la dangereuse proximité entre les "valeurs américaines" et les doctrines nazies, et le risque fasciste inhérent) de manière il est vrai très impressionnante, et pas moins complexe.


Mais, en l'état, c'est-à-dire avec un léger déficit et d'émotion et d'ambition, "The Plot against America" permet au moins à chacun de se poser de bonnes questions sur la meilleure manière de se comporter quand le monde autour de nous commence à se déliter : fuite, résistance ou collaboration ? Ces questions sont toujours aussi pertinentes en 2020.


[Critique écrite en 2020]

EricDebarnot
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le 15 mai 2020

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Eric BBYoda

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