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L'incidieuse montée du fascisme... et ce que l'on en fait.

Quand nos showrunners-sociologues préférés David Simon et Ed Burns sont sur un nouveau projet, on tend tout de suite l'oreille. Le concept semble assez éloignée des habitudes du duo puisque cette mini-série de 6 épisodes est l'adaptation de l'uchronie de Philip Roth. Il s'agit ici de suivre les bouleversements de la vie d'une famille juive américaine dans le New Jersey entre 1940 et 1942 après que Charles Lindbergh, aviateur star, héros de guerre, républicain et favorable à la neutralité dans le conflit mondiale, et aux positions passablement anti-sémites, accède au pouvoir en lieu et place de F.D. Roosevelt.


A partir de là, la série s'efforce de démontrer comment, à coups de normalisations des idées discriminatoires, d'apparente bonne volonté d'assimilation et de discours pacifiques, le fascisme et l'antisémitisme d’État vont régir la vie de cette famille. Une montée progressive, sourde, sans violence apparente (la réalisation fait le choix clair de ne filmer quasiment aucun acte violent) mais inaltérable et incontrôlable.


Chaque membre de cette famille illustre une position différente face à cette invasion idéologique. L'apprentissage des inégalités, l'embrigadement, le désir de fuite, la résistance, la compromission, la vengeance, le déni et la collaboration. C'est tout un panel d'émotions et de réactions possibles à la montée de l'injustice et du danger qui est savamment et intelligemment illustré ici, sans glorification. C'est aussi la destruction de la communauté et de la famille qui est présentée comme une conséquence directe des politiques discriminatoires.


On retrouve toute la science de David Simon et sa clique, un montage rapide, le quotidien filmé de façon très didactique, toujours pour illustrer une idée, une logique et ce rapport très politique à l'intime. L'injustice et les mécanismes très actuels de maintien des inégalités (on a des échos très directs avec les dérives actuelles notamment sur l'usage de la force et l'utilisation des médias) sont saisissants de vérité et on ressort des épisodes lessivés, révoltés, parfois énervés. Le choix anti spectaculaire de rester au niveau de ces personnages est payant. On est dans un équilibre savant qui permet d'ancrer dans le réel une fausse page de l'Histoire.


Soulignons aussi un casting assez fantastique avec notamment John Turturro et Zoe Kazan, magnifiques de justesse.


On pourrait lui reprocher un certain flou assumé sur le dénouement et la pertinence inégale de certaines sous-intrigues mais The Plot Against America reste une mini-série dense et et percutante, brillamment politique, dans le plus noble sens du terme, et complétement réussie.

Mafelele
8
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleures séries de 2020

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le 14 déc. 2020

Critique lue 60 fois

Antoine Maf

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