Une pépite d'or au milieu du charbon !
Parmi les très nombreuses séries qui voient le jour chaque semaine sur les chaînes de programmes américaines, peu peuvent s'offrir le luxe de proposer un format et un style proches de celui du cinéma. "True detective" tente avec brio et audace ce délicat tour de force en faisant quasi disparaître la frontière qui existe entre cinéma et télévision.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que ma première impression sur ce pilote est excellente à tous points de vue. Le générique lui-même (du haut de gamme) annonce clairement la couleur d'entrée de jeu, faisant étrangement penser au générique du film "Seven" de David Fincher, tordu, gambergé et rempli d'images subliminales. S'en suivent les premières minutes de l'épisode, sous forme d'interrogatoire des deux héros principaux, auditionnés dans le cadre d'une vieille affaire qui va se trouver être le récit de ce pilote : le meurtre atroce d'une jeune fille en plein coeur de la Louisiane, à l'extérieur d'une petit ville qui semble totalement à l'abandon.
En lisant le script, beaucoup d'entre vous s'empresseront de hurler au manque d'originalité. "Encore des enquêtes sur des meurtres ; encore des policiers aux capacités exceptionnelles", etc. Je vous rassure tout de suite : on en est loin. Il suffit d'une poignée de minutes pour cerner la qualité du travail accompli.
Mise en scène & casting de haut vol
Aucune fioriture ni sophistication inutile. "True detective" se distingue nettement de la concurrence grâce à une mise en images soignée et intelligente, volontairement cadencée de façon lente, presque voluptueuse. Tout ce qui compose le récit a saveur d'authenticité, ce qui, compte tenu du lieu de la narration, offre une ambiance glauque dans la plus pure tradition, à la manière de certains films assez marquants. Je pense notamment à "Mystic river" de Clint Eastwood, "Monster" (le biopic d'une célèbre tueuse en série jouée par Charlize Theron), "Tueurs nés" d'Oliver Stone ou encore le magistral "Prisoners" sorti récemment (ma critique ici). Woody Harrelson jouant dans ces deux derniers longs métrages!
Le décor de cette horrible ville (comme il en existe des milliers aux Etats-Unis) n'est pas seule à contribuer à cette atmosphère lourde et pesante. La bande-son "creepy", bien que minimaliste, est savamment dosée, à des moments clé de l'épisode, pour intensifier la tension ressentie au cours du récit. Par dessus le marché, le duo Harrelson / McConaughey assure particulièrement bien dans ce cadre. En voyant évoluer ce dernier, je n'ai pu m'empêcher de repenser à ce film terriblement glauque de William Friedkin, "Killer Joe" (critique ici), dans lequel il joue le rôle principal, celui d'un tueur complètement déjanté et instable. On retrouve ici quelques une de ces traits de caractère dans ce rôle de flic pessimiste et résigné qu'il incarne. Une marque de fabrique qui semble lui coller à la peau comme un véritable trait de caractère, à se demander s'il joue entièrement la comédie.
Oui, n'ayons pas peur des mots : McConaughey est absolument énorme dans cet épisode pilote. Les joues creusées, le regard vide et absent. De nombreux kilos en moins. L'acteur de 44 ans est vraiment méconnaissable. On est vraiment loin du comédien musclé du "Règne du feu" ou de ses rôles pour midinettes dans "playboy à saisir" ou "hanté par ses ex".
Son rôle de flic décharné aurait largement pu se suffire à lui-même pour la série, mais il est accompagné par Woody Harrelson (rien que ça!) qui offre à son tour une prestation fidèle à ce qu'il sait faire, avec certes un peu plus de retenue (pour le moment en tout cas).
Ensemble, les deux hommes que tout oppose forment pourtant un duo complémentaire et brillant qui offre de belles perspectives pour l'avenir de la série. L'un torturé, méthodique, intuitif, l'autre acharné mais plus terre à terre et instinctif. Ces profils font clairement penser (encore une fois) au duo Freeman / Pitt dans "Seven".
Enfin, pour conclure sur les acteurs, petit bémol concernant la belle Michelle Monaghan, que l'on ne voit qu'à deux reprises au cours de cet épisode. Gageons qu'elle occupera une place plus importante par la suite, car c'est une comédienne de talent qui mérite sa place autant que ses collègues masculins.
Si je devais émettre une petite réserve, avec un peu de recul sur mon enthousiasme (j'ai un peu mal, j'avoue...), je dirais que le volontaire manque de rythme, bien qu'inhérent à l'ambiance tendue et oppressante, peut déplaire un public en mal d'action et de castagne. Que les choses soient claires : c'est une enquête dans les règles de l'art. Interrogatoires, scènes de crime, découvertes de preuves, etc. Pas de poursuites, de bastons, d'échanges de coups de feu interminables... Les prochains épisodes auront certainement plus d'action à offrir mais la série s'inscrit clairement dans le thriller policier psychologique, et pas dans le polar d'action pour bourrins.
Le final, prometteur et haletant, est à mon sens la promesse d'une magnifique première saison. Reste une question en suspens : vu le travail de qualité qui est apporté pour cette nouvelle série au format très cinéma, comment les producteurs pourront-ils assurer sa durée de vie? Notez qu'une seconde saison est déjà en cours de tournage, avec une diffusion par HBO prévue en Février 2015 si tout va bien. Léger détail qui pourrait permettre à la série de perdurer et rester crédible : True detective est ce que l'on appelle une série d'anthologie, c'est à dire que chaque saison aura un casting et une intrigue distincts. Quoiqu'il en soit, je vous recommande à tous cette série qui a d'ores et déjà sa place au panthéon des meilleurs séries policières de ces derniers Dix ans.
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