Alex Rider
6.5
Alex Rider

Série Amazon Freevee (2020)

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Y a des œuvres pour lesquelles il est dur de rester objectif. C'est notamment le cas des adaptations d'œuvres littéraires que j'apprécie beaucoup, ce qui concerne directement Alex Rider, Anthony Horowitz pouvant prétendre au titre de mon écrivain favori.

Je suis d'autant plus regardant qu'il y avait déjà eu une adaptation dans les années 2000, loin d'être satisfaisante (même si un revisionnage ne serait pas de trop). J'ai l'impression que cette adaptation en série passe plutôt inaperçue en France, ce qui est à la fois positif et négatif.

Je vais commencer par l'essentiel, oui, la série n'est pas trop mal foutue. Dans le choix des décors, des lumières, de la musique, on peut voir une volonté de dégager une identité propre qui n'est pas du tout incompatible avec l'univers d'Alex Rider. Cet aspect un peu froid, brut de décoffrage, se retrouvait souvent chez Horowitz.

En terme de jeu d'acteur, pareil, nombreux sont les protagonistes à être bien incarnés et à proposer une certaine crédibilité. Je pense notamment au duo Alan Blunt/Jones, fort appréciable.

Mais une fois qu'on passe ces qualités, il faut néanmoins se rendre à l'évidence: Alex Rider est une série d'espionnage pour ado/jeune adulte qui fait le taff, mais qui pourrait difficilement prétendre être une bonne adaptation.

Certes, certaines idées ne sont pas à jeter malgré leur éloignement de l'oeuvre originale. Je pense notamment à l'ajout du pote d'Alex, Tom, dès la première saison alors qu'il n'arrive que dans le cinquième livre. Pareil, je ne peux pas directement condamner le choix de ne pas adapter Stormbreaker et de passer directement à Pointe Blanche. Je pourrai presque même tolérer le fait que la série fasse l'impasse sur Skeleton Key en raison de son contexte (un général russe qui projette une attaque nucléaire depuis Cuba...).

Cela dit, j'aurai amplement préféré que tout se fasse dans le bon ordre, notamment pour le développement de personnages. Alex Rider repose sur le principe d'un collégien de 14 ans embauché à chaque fois de force par le MI6. Sa tentative de faire cavalier seul dans le tome 4 a donc une plus grande force si on assiste aux 3 précédentes missions. Ici, on a juste 8 épisodes qui adaptent le tome 2 pour s'y préparer. De même, le personnage de Sabina, dont le père est blessé, apparaissait jadis dans le tome 3 avant de revenir dans le 4. Gageons qu'une adaptation de ce tome aurait donc été plus que bénéfique au lieu de créer cette relation entre Alex et elle le temps de quelques épisodes de la 2ème saison.

Les lacunes d'adaptation ne sont donc pas dues uniquement au fait qu'elles ne respectent pas trop l'œuvre, mais surtout au fait que la série aurait été bien meilleure en suivant les livres. L'impact émotionnel et l'investissement du spectateur aurait été bien plus grand si certains aspects avaient été conservés. Tout d'abord, Alex Rider est censé avoir 14 ans tout en étant plutôt grand et sportif. Il se retrouve souvent isolé au cours de ses missions, parfois aidé par les gadgets inventifs de Smithers. A partir de là, comment justifier ce choix de caster un acteur trop âgé (il avait 14 ans...en 2010)? Je ne dis pas qu'Otto Farrant n'est pas crédible ou joue mal, au contraire, il a bien saisi le rôle et le caractère du personnage. Mais bon, il reste âgé d'une bonne vingtaine d'années, et ça se sent. On a pas le contraste du collégien confronté à une violence adulte.

Pareil, pourquoi persister à lui coller des amis entre les pattes alors que justement, il devait originellement se retrouver tout seul dans une majorité de situations? La saison 2 est un exemple parfait de pourquoi ça ne marche pas. Encore une fois, les personnages ne sont pas mauvais, l'ajout de la hackeuse, certes très stéréotypée (et doublée curieusement en français) n'est pas une mauvaise idée. Mais ça prive Alex de mérites auquel il pouvait prétendre dans les bouquins. Lorsqu'il va à Amsterdam, il est initialement accompagné de sa gouvernante qui le laisse faire son infiltration sans trop poser de questions, pas d'une bande de potes à vélo en mode Stranger Things. La manière dont il trompe les gardes est d'ailleurs bien plus inventive dans les livres, notamment grâce aux gadgets.

Si, si, les gadgets, ces trucs qu'on cherche désespérément dans la série alors qu'ils participaient au charme de la saga littéraire.

Passons rapidement sur l'adaptation de Smithers - un des meilleurs personnages des livres, censé être en large surpoids pour un plot twist scénaristique. Son acteur est très charismatique, mais j'y vois bien plus un Q de qualité qu'un Smithers. Là où c'est plus frustrant, c'est que l'aspect gadget est totalement éclipsé. A part un MP3 dans la première saison qui ne fait même pas l'effort de fonctionner (là où dans le livre, il disposait d'un lecteur CD qui se transformait en disqueuse, quand même!), nada. Le vélo incroyable d'Alex dans le tome 4, qu'adapte la saison 2 pour rappel, n'est pas là. Le clou explosif de Pointe Blanche non plus.

Enfin, pour encore revenir sur la saison 2 (un peu moins bonne que la première de par ses facilités scénaristiques et son adaptation un peu foireuse), je pense que les scénaristes n'ont pas entièrement compris le personnage de Damian Cray, cruel et pourri gâté dans les livres, uniquement mégalo dans la série. L'acteur fournit pourtant une très bonne prestation, mais sa personnalité est largement plus creusée dans les livres. Le plan de cet antagoniste terrifiant est bien plus intéressant dans la saga, notamment parce qu'on a le temps de découvrir un Damian Cray imbu de lui-même, pourri gâté depuis l'enfance, qui a juste un énième caprice un peu plus mortel que les autres. J'attendais avec impatience le moment où Alex Rider allait être envoyé dans une version réelle et mortelle du jeu vidéo de l'antagoniste, je peux toujours attendre.

Alors, que reste-t-il de la série? Une bonne ambiance globale tout d'abord. Le coté un peu sale et urbain de Londres apporte une vraie plus-value. L'incarnation du tueur Yassen Gregorovitch est pour le coup très réussie, même si son traitement reste bien meilleur dans le livre (grâce à ses nombreuses confrontations avec Alex). Les moyens ont été mis dans les décors, surtout pour Pointe Blanche qui est à la hauteur du livre. Enfin, encore une fois, les performances des acteurs sont très bonnes.

Mais derrière cet aspect formel satisfaisant, il reste un fond assez décevant. Je n'attendais pas une adaptation parfaite des livres, mais il aurait été pertinent d'en respecter l'esprit à la lettre. De nombreux choix plus stratégiques auraient donné à la série un aspect plus ambitieux et peut être plus culte, car l'écriture d'Horowitz permet en général de créer des choses mémorables. Là, on a l'impression de regarder une série pour ado un peu lambda avant tout, et Alex Rider vaut largement mieux que ça.

En plus de ça, il faut ajouter quelques erreurs de casting à la diversité peut être un peu forcée:

* La gouvernante Jack Starbright est censée être rousse, pas afro-américaine - ou alors mettez lui au moins des cheveux roux

* Sabina Pleasure est censée être le cliché de la love interest "plus mature que son âge", avec un certain caractère plutôt entreprenant dans le tome 3. Sa description physique dans les livres ne correspond pas particulièrement à l'actrice indienne/pakistanaise qu'ils ont choisi, mais pire encore, le personnage entier ne correspond pas vraiment, notamment parce qu'encore une fois, il aurait fallu le développer pendant une saison supplémentaire.

Je peux m'attarder un peu plus sur Jack d'ailleurs. Dans les livres, elle apporte une aide et une présence familiale à Alex. En faire un personnage dont la vie est généreusement montrée dans la série n'est pas pertinent. L'intérêt de Jack Starbright, c'est justement de pouvoir apporter une présence quand il le faut.

Je regarderai probablement les saisons suivantes par principe. Cela dit, je trouve vraiment dommage que l'adaptation n'ait pas été un peu plus rigoureuse, non pas par volonté de calquer complètement les livres mais juste pour avoir une plus grande consistance et un impact bien plus fort sur le spectateur. Alex Rider est une saga littéraire géniale sous plein d'aspects, c'est dommage de ne pas les retrouver dans une adaptation qui sait pourtant mettre du budget quand il faut.

lordwraith
7
Écrit par

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le 2 déc. 2023

Critique lue 34 fois

lordwraith

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