Etrange mélange de biopic, documentaire et documensonge (ou docufiction)

Un biopic est une mise en scène et contient nécessairement une part d'invention pour pouvoir lier les éléments historiques entre eux. Et bien souvent dans les biopics, certains éléments historiques sont même trahis pour servir la qualité du film. C'est au public d'en avoir conscience et de ne pas croire les biopics sur parole.

Mais ici, les différents mensonges et raccourcis sont très étrangement légitimés par les passages de commentaires des historiens, qui se décident soudainement à croire au script de la partie film (certains des mensonges n'apparaissent même que dans les commentaires et non dans la partie mise en scène).

Non, en réalité la fille d'Attale et son bébé ne sont pas morts de la façon décrite (le bébé n'est pas brûlé mais égorgé, tandis que la mère ne meurt pas dans un bain mais pendue).

Non, Attale n'a pas reçu une lettre de Darius, mais de Démosthène de Athènes.

Non, l'épouse de Darius, Stateira, ne lui donnait pas de légitimité royale (ce très surprenant mensonge est répété lors de 3 épisodes successifs et par 2 historiens différents). D'une part, on ne connaît quasiment rien d'elle, et il est même possible qu'elle était sa sœur ou demi-sœur de Darius, comme cela est courant chez les Achéménides). D'autre part, Darius descendait bien des Achéménides....

Tant qu'à faire raconter des conneries, pourquoi ne pas avoir donné ce rôle là à des narrateurs fictifs, à l'image de l'oracle de Siwa internes au récit, plutôt que des historiens ?

Si il faut vraiment nous couper du divertissement de la partie biopic, le rôle de ces commentaires d'historiens est au contraire de nuancer ce qui est montré, de parler des incertitudes, et d'ajouter des éléments qu'on ne montre pas. Ce rôle est bien sûr parfois respecté, des remarques pertinentes et justes sont effectivement dites, mais on attend d'un documentaire qu'il soit rigoureux.

Ainsi, il n'est fait aucune mention du viol collectif qu'a subi Pausanias d'Orestide, le meurtrier de Philippe II, alors que ce viol pourrait être l'unique motif de l'assassinat (Philippe II ne l'ayant pas défendu contre ce viol), les historiens préférant ne faire que suggérer l'hypothèse Olympias en tant que seule responsable de l'assassinat (d'autres hypothèses encore existent...), comme pour justifier le choix scénaristiques de la partie film... Mais quel intérêt de réduire l'immersion de la partie film, si c'est pour dire les mêmes choses fausses, approximatives ou incertaines, qu'un film biopic doit faire par besoin scénaristique ?

C'est dommage, car j'ai par ailleurs trouvé la mise en scène pas trop mal (c'était pour moi plus agréable à regarder que le film d'Oliver Stone). Pour moi, le projet aurait justement dû se limiter à être un pur film, un bon divertissement, plutôt que d'emprunter cette surprenante voie du documensonge.

Notons ces plus ou moins brefs remplissages d'images de fouilles à Alexandrie (dans 3 épisodes différents quand même) qui n'apportent absolument rien, si ce n'est un inattendu petit côté nanar au documentaire ("To find Alexander in his coffin with precious treasures around him, oh my god, if we manage to find this, it will be the most greatest discovery in the whole world.")

Notons également un bon nombre d'erreurs sur les costumes (notamment les sabres des perses et leurs turbans qui font sarrasins du Moyen-Age et pas du tout perses...) et l'absence totale d'un personnage important, Sisygambis, la mère de Darius, qui a été capturée avec Stateira (qui est peut être sa fille) et qui est devenue amie avec Alexandre. Le personnage semblerait avoir été fusionné avec celui de Stateira dans cette fiction.