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Partant du schéma connu du survival concoctant des machinations mortelles version Saw ou Cube, Alice in Borderland (notamment dans sa deuxième partie) deviendra par la suite une sorte de Battle Royale à la sauce Kinji Fukasaku mélangé à La Plage de Danny Boyle, une œuvre décomplexée, juvénile puis assoiffée de sang et de folie contagieuse.


En additionnant les genres comme qu’il le fait, allant du thriller au drama ou du survival au teen movie, Alice in Borderland, adaptation d’un manga d’Haro Asō, arrive à trouver son rythme de croisière, sans jamais perdre en pertinence ni en tension. Dans ce Tokyo désertique, devenu un immense terrain de jeu de manipulation, la série déploie tout son attirail technique et narratif pour tenir son scénario en éveil. On découvre des personnages perdus dans un Tokyo vide de toute population, où trois amis et d’autres personnes vont devoir participer à des jeux machiavéliques et grandeur nature pour survivre. Alice in Borderland comprend les codes inhérents au genre, et sans passer par la case « explication pour les nuls », permet au spectateur de s’approprier cet univers tangible et sombre (la compréhension des couleurs et des motifs des cartes), de prendre parti pour ses personnages attachants (Arisu et Usagi), d’apprécier une riche variété de jeux sanglants et visuellement prenants (le tueur à la tête de cheval ou le jeu du loup et des agneaux), puis d’assimiler la mécanique ludique et angoissante notamment dans ces trois premiers épisodes forts en émotion.


Une chose sera notable dans la série : alors qu’elle aurait pu dévoiler son intention d’emblée et connaître une baisse de régime en fin de saison, la série ne ralentit jamais et poursuit sa route avec puissance et cohérence, notamment à partir de la découverte de « La Plage », un lieu désinhibé mais totalitaire, fun mais manipulé, un sanctuaire qui deviendra un abattoir où de nombreux joueurs se réunissent pour trouver les cartes ensemble et finir le jeu. Avec cet endroit, la série passera la deuxième vitesse et verra les choix moraux des personnages se durcir, la violence de l’Homme être un cancer pour sa survie, son regard sur l’humanité s’acidifier et observer que le pouvoir aux mains des hommes est une gangrène pour chacun d’entre eux. En ce sens, la volonté d’être autre chose qu’une simple série qui ne tiendrait que grâce à son « high concept » est l’une des qualités premières d’Alice in Borderland.


Derrière cet assemblage « fantastique » fait d’aventures, de visages adolescents, de surjeu éhonté et d’ambiances sanguinolentes, se construit une série qui parle aussi beaucoup du Japon. Un peu l’instar d’une série animée telle que Paranoia Agent de Satoshi Kon ou même Devilman CryBaby pour ne citer qu’elles, qui étudiaient beaucoup un Japon en eaux troubles, l’idée de rendre Tokyo vide de substance permet aussi aux personnages de se recentrer sur eux-mêmes et de penser à leurs vies précédentes. Les différents épisodes alternent parfaitement le présent et le passé, pour que les deux se connectent l’un à l’autre.


En parlant de transsexualité, de harcèlement scolaire, de pression familiale, de hiérarchisation professionnelle, d’abus de pouvoir, d’isolement social, d’amitié, de sacrifices ou même de réappropriation de soi, Alice in Borderland (et son faible nombre d’épisodes) puise dans de nombreuses thématiques pour faire de cette course contre la mort une œuvre qui puisse parler à toutes et à tous. On pourrait parfois être vite décontenancés par la multitude de genres poussés à leur paroxysme, notamment le drama et ses grands violons étirés en longueur et cette sempiternelle recherche d’émotions, mais cela renforce le charme d’un objet télévisuel ludique qui préfère jouer la carte de la générosité plutôt que celle de l’austérité. Avec son casting haut en couleurs, ses missions périlleuses, ses moments de respiration adolescente, ses personnages captivants, sa violence aussi morale que graphique et son univers toujours plus vaste à chaque épisode, Alice in Borderland est une réussite à ne pas rater.


Article original sur LeMagducine

Velvetman
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le 25 janv. 2021

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