Very bad guy

Je ne pourrai pas oublier ce drama, cette horrible aura de détresse qu'il dégage. Cette option très déterministe de croire que notre destin est déjà écrit au moment de notre naissance. Comme un bagage, comme un fardeau, comme un parasite.
Cela me fait penser aux intouchables en Inde. Celui qui naitra dans une famille de nettoyeurs de toilettes, nettoiera de toilettes toute sa vie. Et ses enfants et ainsi de suite. Puisque c'est héréditaire, puisqu'il est impossible de changer de caste. En Espagnol on dit "si tu es né pour être un marteau les clous te tomberont du ciel". Une façon de dire si tu es né pour être malheureux, les malheurs te tomberont du ciel.
"Bad Guy", dans la lignée de "A love to kill" ou sans aller plus loin, "La doce vita", nous mène vers un chemin de désespoir impossible à contourner. Chaque personnage est une étude psychologique, une réalité, un univers. Nous pourrions être l'un d'entre eux, nous identifier à ce que le réalisateur a voulu nous montrer sans pitié, comme si on se trouvait devant un miroir.
Kim Nam Gil, à la hauteur de Bi Rain ou Lee Dong Wook, représente l'homme que toute femme voudrait avoir. Dans sa quête de vengeance doublée de son incommensurable besoin d'amour, il s'adapte à toute circonstance; se prend au piège et devient caméléon répondant parfaitement aux attentes de chacune de femmes de l'histoire. Pour une fois, pas vraiment de triangle amoureux. Ici, tout le monde aime tout le monde ou plutôt tout le monde aime la mauvaise personne. Le bad guy.
Dans le film Devdas, je me suis demandé maintes fois pourquoi Devdas est mort devant la porte de Paro sans réussir à la voir une dernière fois ; pourquoi Paro a couru et couru sans réussir à sortir de cette maison. Cela donne à l'histoire un aspect définitif de non retour, ne fait que confirmer le réel message du film. Comme un rythme, comme une chanson suivant sa cadence. Cherchait-il la reconnaissance ultime? Pourtant il aurait pu trouver confort dans les bras de Chandramukhi. Obsédé, obnubilé par son sort, il ne voit que son malheur.
Shim Gun Wook demande reconnaissance. Il ne voit pas que la place qu'il voudrait tant occuper, place qui lui revient de droit, est encore plus misérable que la sienne. Encore plus torturée.
Et puis, au milieu de toute cette vendetta très calculée, le rôle de la mère, omniprésente comme un corbeau de mauvais augure dans chaque drama. Est-ce que ces gentils personnages féminins qui se font draguer, charmantes et innocentes, pétillantes de beauté sont vouées à devenir… heu…"ça"?
Une indienne me disait il y a quelque temps que derrière des airs effacés et soumis, c'est quand même la femme qui dirige la maison, enfants et maris compris. La femme coréenne, derrière son "Yabo" à tout bout de champ (comme les autres avec leur "oppa!!"), cache une force titanesque. Accable, étouffe. Toute la répression subie pendant son enfance et jeunesse explose, se transforme en tyrannie défendant coûte que coûte le seul statut dont elle soit sure: elle la mère, la reine. Ses mots ne sont pas seulement des paroles mais des ordres à suivre à la lettre sous peine de… eh oui... de bannissement. Et de toute évidence la société coréenne flanche à la pensée d'une existence dépourvue du soutien maternel.
Époustouflée par le cinéma asiatique, je constate une fois de plus cette indéniable façon qui ont les réalisateurs d'aller jusqu'au bout de leur idée. De peindre un tableau sans arrondir les angles.
Je ne peux que vous conseiller ce drama, c'est un chef-d'oeuvre, un thriller qui vous tiendra en haleine jusqu'à la dernière seconde.