Enfin des personnages bien écrits !

Dans le Japon isolationniste du 17e siècle, être étranger ou métisse s'apparente à un crime. Mizu, dont les yeux Bleus trahissent ce fait, traque les 4 hommes blancs potentiellement responsables de son infortune et laisse sur son passage un siège sanglant et implacable. Bientôt rejointe ou poursuivie par son apprenti forcé le naïf Ringo, le samouraï humilié Heiji et son ex-fiancée en cavale Akemi, le périple de Mizu offre au travers de son regard du voyageur une traversée dans le Japon médiéval, ses coutumes, sa hiérarchie sociale et ses conditions de vie.

La première qualité de la série est avant tout son écriture de personnages. Ils sont à la fois complexes et cohérents et évoluent de manière plausible tout au long de la série. C'est un point à noter tant on voit d'œuvres qui préfèrent laisser leurs protagonistes dans une forme de statu quo plus malléable mais également plus monolithique et pauvre, tandis que d'autres opèrent des retournements psychiques un peu trop spectaculaires. Ici c'est l'interaction entre les différents personnages, leur manière à chacun de vivre les péripéties auxquelles ils sont confrontés et leur (in)capacité à l'empathie qui vont les faire évoluer et leur permettre de mieux cerner leur propre désir.

La série est également un vrai régal sur le plan technique. L'animation 3D texturée est magnifique et offre une très grande fluidité de la caméra. Les scènes d'action sont particulièrement réussies. Et si parfois je déplore quelques rendu un peu trop « plastique duplo» (les personnages en arrière-plan, les singes), le résultat est à la fois à la hauteur de l'ambition scénaristique et artistique en proposant quelque chose de fort.

Je me sens un peu plus flouée sur la musique. Je m'explique : si elle est globalement très immersive et évoque facilement le Japon médiéval, elle navigue un peu trop près d’Hans Zimmer avec son Dernier Samouraï ou encore des remix symphoniques de Paint it Black des Rolling Stones. Quant aux scènes d'action qui tendent vers le jeu vidéo, les emprunts aux musiques plus moderne à la manière de Tarantino sont pour moi une facilité assez en décalage avec le reste de l'œuvre. En gros la musique est bien, accompagne bien l’œuvre et dégage quelque chose de familier mais on aurait pu s'attendre à quelque chose d'un peu plus original.

Les différents épisodes se suivent de manière assez fluide et alternent avec habilité différents rythmes entre action et réflexion. C'est encore une fois cette alternance qui permet une évolution de l'histoire et des personnages consistante. Si la séquence du château offre un style jeu vidéo à la première personne intéressante, les séquences du théâtre de marionnettes ou de la maison close avec le renga sont bien plus envoûtantes.

Blue Eye Samouraï arrive à porter des thèmes assez profonds sur les conditions de vie comme sur les rôles genrés imposées par la société, le sentiment d'appartenance, l'estime de soi et l'affirmation, sans pourtant tomber dans l'anachronisme.

C'est donc une excellente série qui possède une dernière qualité, celle de vous laisser sur sa faim et d'avoir envie de voir la suite.