BOSS
7.6
BOSS

Série Starz (2011)

En ces heures de grande animation dans la vie politique que la télévision ne cesse de marteler il convient de regarder ce qu’offre la fiction du petit écran. Quand on parle des séries TV politiques reviennent inexorablement les mêmes noms : la mythique The West Wing, la danoise Borgen, la médiatique House of Cards (US). D’autres séries comme la légendaire The Wire font de la politique l’un de leur champ sans y être exclusif. Il existe toutefois une série dont on ne parle malheureusement que trop peu, Boss de Farhad Safinia, sur Starz. Pourtant Boss avait des atouts à faire valoir : Gus Van Sant à la production et aux manettes du pilot, Kelsey Grammer en tête d’affiche, et Chicago en arène. Mais non, Boss a rejoint les séries sacrifiées sur l’autel de l’audience.

Arrêtée au bout de deux saisons, Boss va peut-être connaitre une véritable fin avec un téléfilm de deux heures. En attendant, ceux qui ne l’ont pas vu peuvent toujours s’y plonger, les arcs narratifs principaux étant résolus au terme de la seconde saison, aussi brillante que la première. Boss, c’est avant tout un ton impulsé par Gus van Sant, producteur et réalisateur du pilote, qui joue sur les variations de rythme et n’hésite pas à être contemplatif. Cette froideur peut déstabiliser le spectateur, et il doit s’agir là de l’une des raisons de son échec à l’audimat (3M/ep en saison 1, 2,4M/ep en saison 2) ; peu importe, il convient de saluer les positions du showrunner qui a assumé de forts parti-pris formels. La série suit donc Tom Kane, maire de Chicago, ainsi que ses proches – familiaux et surtout professionnels – au cours d’errances politiques rendues difficiles par sa maladie : Kane se découvre en effet au début de la série une démence des corps de Lewy, qu’il décide de cacher, par amour du pouvoir.

Cette dévotion au pouvoir, c’est le nœud du drama, et quoi de mieux que la corrompue Chicago comme arène pour ce récit aussi mythologique que sociologique. Le rôle de Kane est sublimé par Kelsey Grammer, qui porte ce personnage à une dimension phénoménale, tandis que le reste de la distribution n’est pas en reste : couplé à une écriture précise et incisive, chaque personnage dépasse de loin le cadre par lequel il est défini, et se dote d’une vraie profondeur. Les personnages, ce sont eux l’essence de la série. Ils ne sont pas les plus fouillés ou les plus charismatiques qu’on ait vu, mais tous ensemble former une cohérence, une justesse rare que l’on doit aussi aux acteurs. « Personnage », « acteur », voilà des termes qu’on emploie régulièrement pour désigner des membres de la vie politique ; doit-on s’en étonner ?

Boss est animée d’un regard sociologique – on est obligé d’évoquer The Wire – sur la politique, mais aussi sur la gestion d’une grande métropole, sur la complexité de ses composantes, sur les élections, le journalisme, et les liens mafieux qui relient le tout. Son atmosphère, son rythme, autant d’élément qui ont fait de Boss une série d’une immense qualité, mais qui font se priver d’une certain frange des spectateurs, peu enclin à apprécier la réalisation léchée indie, et à suivre des histoires de corruption et de dégénérescence mentale d’une ordure de maire véreux. Loin des traits sexy d’House of Cards, loin du sensationnalisme d’autres séries, Boss dresse un portait complet sur la vie publique d’une grande ville, met en lumière les liens et réseaux entre les hommes et femmes qui constituent Chicago ; à moins que ce ne soit l’inverse…
Cthulhu
8
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Créée

le 1 oct. 2012

Modifiée

le 11 avr. 2014

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