Bref.2
7.9
Bref.2

Série Disney+ (2025)

Bref 2 : une suite qui oublie son propre message

La première saison de Bref a été pour moi une révélation, une bouffée d’air frais, tant sur la forme que sur le fond. J’y ai découvert un personnage habité par ses démons, perdu, empli de défauts mais aussi touchant, tentant de comprendre tant bien que mal sa place dans le monde. Un être humain en somme, comme nous tous.

Dans cette deuxième saison, la remise en question et la volonté de changer sont au centre de l'œuvre. Un tournant bien sûr pertinent, mais qui, à mon sens, a été terriblement mal réalisé. En voyant les critiques dithyrambiques s’accumuler, je me suis demandé si je n’étais pas passé à côté de quelque chose. Pourtant, impossible de me défaire de l’impression que ces thèmes ont été abordés de manière maladroite, voire problématique.


Le point central qui illustre le mieux cela et qui servira de fil conducteur à cette critique est la métaphore du Malacompagnax 3000. Si je prends une pilule uniquement pour ne plus être seul et rassurer mon ego, alors le Malacompagnax, ce n’est pas moi : c’est mon ou ma partenaire. Et j’aurais honte, à l'image de Billie, d’en jeter la dernière boîte en me sentant libéré, prêt à tourner la page. En me disant que je vaux bien mieux que d'être mal accompagné. Petit flocon de neige si unique et pur que je suis.

Et si j'en parle à des amis, j’espère qu’ils me ramèneront à la réalité. Qu’ils me feront comprendre que mon comportement a aussi pu causer de la souffrance et qu’attribuer cela uniquement à l’autre montre justement un manque de remise en question.


Et quand je dis que ce sujet de la remise en question a été maladroitement traité, cela peut notamment s’illustrer à l'aide d’un personnage : Ben.

Le personnage principal, en pleine introspection après avoir réalisé la terrible personne qu’il était en 4K au Pathé du coin, décide de changer. Il est soutenu et encouragé par ses amis et sa famille, malgré ses comportements récents.

Son groupe d’amis, d’ailleurs, ne supporte pas Ben, mais l’accepte parce qu’ils sont ravis de traîner avec le protagoniste, qu’ils considèrent être la copie conforme d’un personnage de film jugé unanimement comme une mauvaise personne. Bancal, pour ne pas dire incohérent, mais pourquoi pas.

Néanmoins, dans ce cas, n’est-il pas dommage que le protagoniste, qui a eu la chance d’être soutenu, ne fasse pas preuve du même soutien envers son ami d’enfance, manifestement en détresse ? Vous ne croyez pas ? Mais non, celui-ci est maintenant dans le camp des gentils, très très gentils, et on ne le reprendra plus à ingurgiter compulsivement ce satané Malacompagnax 3000 ! Il va s'éloigner de son ami d’enfance et fonder une jolie petite famille avec l’ex de celui-ci. Quel héros. Quel courage.


Vous me direz alors peut-être qu’il a essayé de l’aider, mais que son comportement est devenu inacceptable et incontrôlable. Et vous aurez raison.

C’est justement là que se trouve, à mon sens, le nœud du problème. Ben est montré comme un personnage méchant, très très méchant, pas gentil du tout ; de telle façon que le spectateur accumule du ressentiment contre lui jusqu’au climax de fin de saison, créant ainsi un effet de justice cathartique. On lui fait faire les pires crasses possibles au point que cela relève clairement de la pathologie.

Mais je pense que ce personnage est symptomatique d’une série qui n’accepte pas son propre propos : l’humain est imparfait, mais peut changer et s'améliorer, surtout s’il est aidé. Le personnage principal était impulsif, parfois agressif, se mentait à lui-même et a attendu d'avoir 40 ans avant d’en prendre conscience et de tenter de se corriger. Il a été aidé par ses amis qui ne faisaient que le supporter jusque-là et acceptaient ses débordements. Mais quand il voit son ami d’enfance suivre la même route qu’il aurait prise s’il n’avait pas eu cette révélation et ce soutien, il arrête de lui répondre et se case avec son ex.

C’est le bon vieux deux poids, deux mesures, vous savez. Celui qu’on peine à voir lorsqu’on juge nos propres comportements : "Non mais moi, c’est différent. Je ne suis pas méchant, je ne suis pas toxique… Je prenais juste du Malacompagnax 3000."


Cette hypocrisie dans la remise en question est, je crois, parfaitement illustrée par le film réalisé par Sarah, qui servira de conclusion à cette critique.

Dans Bref 2, il semble normal d'écrire un film pour donner son avis sur son ex, sans autre forme de procès que notre propre subjectivité. Il y a toujours plusieurs points de vue à une histoire, et même si je pense que l’on sera tous d’accord pour dire que le protagoniste a fait beaucoup d’erreurs et est bourré de défauts, si nous avons tous regardé et re-regardé la première saison de Bref, c’est bien parce que celui-ci était attachant et que nous nous reconnaissions tous, au moins un peu, en lui.

Nous avons tous été en position de rassurer un ou une ami(e) qui venait de rompre. Nous l’avons écouté déblatérer sur son ex, nous expliquant que ce n’était pas de sa faute, que c’est l’autre qui s’était mal comporté. Hors cas d’horreurs ou de violences, nous savons que la vérité est plus nuancée, qu’il y a toujours au moins deux points de vue et deux vécus dans une relation. Bien que nous encouragions notre ami, on sait qu’il n’y a pas simplement un gentil et un méchant. Juste la fin triste et douloureuse d’une histoire entre deux personnes qui ont partagé un bout de vie ensemble.

Donc non, exposer son point de vue unique pour diaboliser son ex dans un film grand public n’est pas un geste anodin et montre une nouvelle fois que la série ne comprend pas ce qu’est la remise en question et à quel moment celle-ci devrait avoir sa place.


Il y a une chose qui m'inquiète plus que tout dans Bref 2. C’est la possibilité d’une mise en abyme. Si Sarah considère normal de donner son point de vue subjectif sur sa relation avec le protagoniste, je ne peux éloigner de moi la crainte que les auteurs aient fait pareil avec Ben. Qu’il existe quelque part une personne qui sait qu’on parle de lui, qui se voit diabolisée et haïe, sans pouvoir donner sa propre version de l’histoire.


On est tous le Ben de quelqu’un. Et si vous ne voulez pas être mal accompagnés, attendez de trouver une personne qui vous correspond. Sinon, ne rejetez pas l'entièreté de la faute sur l’autre. Remettez-vous en question.

Siromenthe
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le 23 mars 2025

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