Bron
7.8
Bron

Série DR1 (2011)

Voir la série

Comment dit-on "Brillant" en Danois / Suédois ? [Critique saison par saison]

Saison 1 :
Égaler, voire dépasser "Forbrydelsen", voici le défi relevé par "Bron / Broen" ("The Bridge" en Danois et en Suédois), et ce n'est pas rien ! Une intrigue extraordinaire, qui voit un criminel surdoué manipuler les media et la police de deux pays (la Suède et le Danemark, donc, reliés par ce fameux pont où débute et se termine l'histoire) afin d'arriver à ses fins ; un couple de flics dépareillés, au sein duquel chacun suit un trajet inverse, l'un - sociopathe au comportement assez hilarant, il faut l'avouer - (Saga) vers (un peu) plus d'humanité, l'autre - magnifiquement interprété par le charismatique Kim Bodnia - (Martin) vers l'horreur ; une description précise des différences (voire des tensions) culturelles existant entre ces peuples voisins que sont les Danois et les Suédois ; une construction narrative inhabituelle et souvent brillante, qui fait apparaître des personnages "secondaires" bien en amont de leur implication dans l'intrigue principale, composant ainsi un fascinant microcosme, une vision en coupe de la société, depuis les SDF des bas-fonds jusqu'aux magnats de l'immobilier ; surtout, et c'est ce qui fait la différence avec un "Forbrydelsen" plus télévisuel, une mise en scène régulièrement inspirée, aussi bien dans la narration d'une histoire aussi complexe, que dans la création d'une ambiance très particulière, qui contribue largement à la fascination qu'exerce "Bron / Broen" sur le téléspectateur. Quand se termine le superbe dixième et dernier épisode, résolvant cruellement toutes les énigmes en suspens, on reste totalement bouleversé, stupéfait devant l'intelligence de cette série sans défaut, sans aucun doute l'une des meilleures jamais réalisées. [Critique écrite en 2015]


Saison 2 :
Soyons honnête : après une première saison stratosphérique, un certain niveau de déception était inévitable avec la seconde saison de "Bron / Broen"... Mais la légère baisse d'intensité reste quand même parfaitement admissible, puisqu'elle est - logiquement - liée au fait que nous ne découvrons plus cette fois les deux personnages extraordinaires de Saga et Martin (le gros, gros atout de cette série par rapport à la concurrence, indiscutablement), mais nous les accompagnons dans leur évolution, d'ailleurs plutôt difficile, puisque, une fois encore, le pessimisme radical sera au rendez-vous à la fin des dix épisodes. L'intrigue de cette seconde saison - d'ailleurs inachevée - a l'intelligence de s'aventurer dans d'autres domaines que celui des inévitables serial killers : on parle cette fois d'éco-terrorisme et d'amour incestueux, mais la tension - surtout dans la seconde partie de la saison - est à nouveau à son comble, au point qu'il est bien difficile de ne pas sombrer dans le binge-watching et de ne pas boucler le visionnage des 10 heures en deux jours de marathon (toujours un bon signe, non ?). Deux petits bémols néanmoins, qui n'entachent pas vraiment le plaisir du téléspectateur : pas mal de petites incohérences simplificatrices dans l'avancement "à marche forcée" de l'intrigue, et surtout une tendance un peu lourde à faire de l'humour un peu facile, de manière systématique, sur le comportement asocial de notre héroïne affligée du syndrome d'Asperger. Il reste que, grâce à la complexité des personnages - même les personnages secondaires sont traités avec respect par le scénario, et échappent aux stéréotypes - et à une mise en scène souvent inspirée de Henrik Georgsson, principal réalisateur, "Bron / Broen" vole toujours très très haut. [Critique écrite en 2016]


Saison 3 :
Certaines voix critiques se sont élevées pour dénoncer un éloignement du concept initial (le lien / l'antagonisme entre la Suède et le Danemark à travers une enquête de police transfrontalière), et il est vrai que la disparition du personnage tellement charismatique joué par Kim Bodnia paraissait un défi impossible à relever pour "Bron / Broen". Et pourtant, force est d'admettre après dix heures d'une intensité et d'une intelligence jamais démenties, que la troisième saison de notre série policière préférée est du niveau, sinon même supérieure à la première. Ceci grâce à l'introduction d'un nouvel enquêteur danois passionnant, et littéralement hanté, qui forme avec la charismatique Saga (Sofia Helin, de plus en plus bluffante avec les années qui passent et la marquent) l'un des plus beaux couples d'enquêteurs vus depuis longtemps. Grâce également à un script somptueux, qui mêle brillamment une enquête comme d'habitude redoutablement complexe et riche en péripéties avec un retour douloureux du personnage de Saga sur vers les sources de son traumatisme. Le tout mis en scène avec le brio habituel de Henrik Georgsson, qui offre une lisibilité parfaite à une histoire pourtant labyrinthique, tout en construisant cette ambiance particulière, tellement "scandinave" qui fait que "Bron / Broen" ne pourrait se passer nulle part ailleurs (d'ailleurs les adaptations américaines, anglaises ou autres, ont toutes fait long feu…). Bref, si le terme de chef d'œuvre est trop souvent appliqué ces temps-ci à des séries, "Bron / Broen" est sans doute l'une de celles qui le mérite le plus. Maintenant, il nous faut attendre plus de deux ans pour la quatrième saison. Ca va être très dur. [Critique écrite en 2016]


Saison 4 :
Nous aurons dû alors accepter plus de deux ans d’attente avant de pouvoir regarder la conclusion de la série, puisque c’est en janvier 2018 qu’elle sera – discrètement – mise en ligne. Il nous faudra encore attendre pas mal de temps avant une disponibilité plus large en France, sans doute due à la relative – même si incompréhensible – confidentialité de "Bron / Broen". Sur le modèle de la troisième saison dont elle constitue la parfaite prolongation, cette dernière enquête de notre chère Saga va mélanger la traque d’un criminel machiavélique qui opère “au second degré” avec la résolution des deux sujets restés ouverts : qu’est-il advenu à la famille de Henrik disparue depuis de nombreuses années, et la mère de Saga a-t-elle réellement tué la sœur de celle-ci sous l’emprise “d’un Munchhausen by proxy” ? En liant habilement ces trois sujets et en leur apportant une résolution satisfaisante, sans tomber dans aucun happy end facile – puisque la vraie vie ne croit pas au bonheur – Camilla Ahlgren et son équipe de scénaristes nous offrent une conclusion sans défaut (mêmes si nous aurions naturellement aimé savoir ce qu’il advenait de nombreux personnages “secondaires” auxquels nous nous étions attachés…).


Les dernières scènes, moins noires que les conclusions des précédentes saisons, nous obligent toutefois à admettre que si un nouveau départ est toujours possible, il y a un prix élevé à payer : jeter sa vie passée par-dessus la rambarde du “Pont”, accepter que les seules frontières qui comptent sont celles de l’esprit – ou peut-être du cœur -, et sacrifier ce qu’on a aimé pour pouvoir marcher à nouveau vers la lumière. Alors que "Bron / Broen" se clôt pour la dernière fois sur "Hollow Talk", la superbe chanson de Choir of Young Believers qui est devenu pour nous une sorte d’obsession au fil des années, on réalise que Saga Nordén a toujours été plus proche du personnage de Harry Hole (chez Jo Nesbø) que de celui de Sarah Lund (dans "Forbrydelsen") : son Asperger, comme l’alcoolisme de Hole, a causé au fil des épisodes la destruction de tous ceux qu’elle aimait, jusqu’à ce que, dans cette quatrième saison, elle commence à apprendre la relativité des jugements et l’importance de la subjectivité dans les rapports humains. Il est sans doute illusoire d’imaginer que quelqu’un souffrant d’autisme puisse ainsi triompher de sa maladie, mais c’est au moins une raison de se réjouir de la conclusion de "Bron / Broen" (… en attendant la sobriété définitive de Hole !).


[Critique écrite en 2021]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2021/11/19/bron-broen-the-bridge-lune-des-plus-grandes-series-policieres-modernes/

EricDebarnot
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleures séries des années 2010, Les plus belles claques esthétiques et Les meilleures séries de 2011

Créée

le 7 sept. 2015

Critique lue 6.9K fois

43 j'aime

7 commentaires

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 6.9K fois

43
7

D'autres avis sur Bron

Bron
Plume231
8

Meurtre(s) à la sauce suédo-danoise !!!

Saison 1 (7,5/10) : Une femme est retrouvée coupée en deux sur le pont de l'Øresund, à la frontière entre le Danemark et la Suède, et force les deux pays à collaborer. En voilà une idée de départ...

le 15 juil. 2015

26 j'aime

5

Bron
Val_Cancun
8

Sacrée Saga

Saison 1 : 8/10 Indiscutablement, "Bron I Broen" est une bonne série policière, dotée d'un scénario accrocheur et d'une interprétation convaincante. A ce sujet, une certaine unanimité se dégage, donc...

le 15 avr. 2015

21 j'aime

11

Bron
geoffrooy
9

Critique de Bron par geoffrooy

Le pitch est simple : un jour, un cadavre est découvert sur le pont d’ Øresund, découpé en deux et déposé juste à cheval sur la frontière entre la Suède et le Danemark. Voilà qui force les polices de...

le 2 sept. 2012

20 j'aime

6

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

204 j'aime

150

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

190 j'aime

103

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

184 j'aime

25