Romance puissance 10, ça c’est sûr. Peu de séries dégagent autant de forces sentimentales, jo yeuses, tristes, et d’espérance, que cette histoire d’une rencontre impossible et d’un amour à haute intensité.
L’histoire repose sur une transgression: une riche manager sud-coréenne lors d’une manifestation en parapente se retrouve projetée par une mystérieuse tornade en Corée du nord. Elle y sera accueillie par un petit bataillon de soldats qui vont l’arrêter, puis la garder, et de plus en plus l’admirer et l’aimer, à commencer évidemment par le beau capitaine.
Le capitaine Ri Jeong-hyeok est joué par Hyun Bin, c’est à cause de lui que j’ai commencé à regarder la série. Je suis un fan de cet acteur découvert dans Secret garden, il a une voix charmeuse et une prestance qui assume toutes les situations. Il rend crédible l’impossible et avance fièrement et calmement parmi une dizaine de gros bras prêts à en découdre. Seule critique, dans cette série on lui a demandé d’être trop gentil, capitaine et pianiste virtuose, amoureux contemplatif, il est bon et aide tout le monde sur son chemin, oui mais être agressif réussit à cet acteur, comme dans Secret garden, et même ici quand il joue une scène horrible à sa grande amie pour la convaincre de sa version définitive.
Le personnage féminin Yoon Se-ri est jouée par Son Ye-jin, elle aussi a une voix juste et agréable, et surtout une capacité de s’adapter à de multiples ambiances, elle est fashion, royale, humble, égoïste, émue, rieuse, hagarde ou rayonnante. Elle assume tellement de nuances, toujours convaincante, dans son corps et dans son visage, on sent qu’elle a été choisie pour ce qu’elle est : une grande actrice.
Le plaisir n’est pas fini puisqu’il y a un autre couple, secondaire joué par la belle Seo Ji-hye (Seo Dan) et Kim Jung-hyun, séducteur et voleur (Gu Seung-joon / Alberto Gu), tous les deux apportant une note de jeunesse et de fraîcheur. Ils sont aussi les protagonistes du mariage arrangé entre Ri Jeong hyeok et la jeune Seo Dan, sept ans que cela dure et le capitaine n’a aucune attirance pour Seo Dan. Le voici avec deux fiancées ! peu à peu son engagement pour Son Ye jin va briser le projet de mariage et pousser Seo Dan dans les bras de Kim Jung hyun.
Il faut ajouter que si Son Ye jin est riche par son entreprise « le choix de Seri », elle vient d’une richissime famille sud-coréenne qui l’a plutôt rejetée. Le capitaine est lui aussi d’une haute famille nord-coréenne, son père étant un haut dignitaire du régime. Les parents de Seo Dan sont aussi de hauts et riches dignitaires mais plutôt moqués au travers de scènes désopilantes jouées par la mère de celle-ci, propriétaire d'un riche magasin de Pyongyang (humour) et qui tyrannise son général de mari.
L’architecture du récit passe par la présence d’un chœur : le capitaine est toujours accompagné de quatre soldats qui vont devenir aussi complices de l’héroïne ; le village a ses femmes admiratrices du capitaine qui deviennent amies de Yoon Seri laquelle est présentée comme la fiancée du capitaine et espionne nord-coréenne. Ce jeu de chœur est l’occasion de multiples échanges et scènes qui approfondissent les caractères et les qualités des héros. Tous les personnages sont très bien dessinés et joués, drôles et émouvants, mettant en évidence aussi différents points de vue sur les deux Corées.
Car si le but est la réalisation d’impossibles amours, le discours est aussi un discours sur les deux Corées. L’approche ne se veut pas idéologique mais plutôt riche d’humour et de gentillesse. C’est plutôt une douce moquerie des travers connus de la Corée du Nord : panne d’électricité, vols dus aux pénuries, marché noir et clandestin, écoutes généralisées, mais aussi entraide des habitants qui se débrouillent pour bien vivre et qui ont tous leur faille émouvante, y compris le personnage de l’espion du village, celui qui écoute les conversations, « la balance », qui se rachètera jusqu’à faire partie de la bande. On apprécie ce soldat qui ne connaît la Corée du Sud que par des dramas datant de 10ans, et le grincheux qui est bien sûr bon et généreux. Un spectateur européen ne s’attend pas du tout à ce que la Corée du nord soit traitée de cette façon respectueuse et moqueuse, avec la réunification comme gag et comme promesse. Peut-être ce drama a-t-il été tourné dans un moment politique d’ouverture, peu de temps après les jeux olympiques, mais cette série semble parier sur une forte unité de la culture coréenne.
Le groupe de soldats envoyé lui aussi en Corée du Sud va avoir à découvrir cette nouvelle société et s’y retrouver. Les scénaristes s’en donnent à cœur joie devant les découvertes de ces soldats toujours fidèles aux valeurs de la Corée du nord, mais pas trop, leur plaisir et leur transformation dans ce pays du Sud évidemment présenté comme riche et moderne et dans lequel, ils s’adaptent très bien. L’aspect menaçant est celui des mafias, le régime du Nord n’est pas critiqué, il y a seulement des militaires mafieux qui s’entendent avec les capitalistes voyous du Sud, c’est contre eux que les héros se battent.
La composition générale de l’action régit très bien le suspense et les rebondissements, tentatives d’évasion qui échouent, menaces de plus en plus dangereuses, solutions in extrémis et courageuses, voire lourdes de sacrifices qui construisent et affinent les relations amoureuses des protagonistes. L’amour apparaît comme une découverte progressive pour les deux héros, mais bien plus que l’action, ce sont les retours en arrière qui donnent profondeur et richesse à l’histoire par la mise en évidence d’un destin quasi magique qui les a réunis depuis longtemps. Le capitaine a été un jeune pianiste doué, récompensé en Suisse, il a rencontré sans le savoir l’héroïne en pleine crise d’angoisse, il l’a sauvée d’un désir de suicide, et elle a été la seule à entendre son morceau de piano dédié à son frère victime d’un accident criminel. Les images sont alors très belles ainsi que la musique, c’est en Suisse que se terminera la série, en Suisse et en parapente, bien sûr. C’est cette puissance du destin qui explique l’indifférence du capitaine pour la jeune Seo Dan.
Les séries coréennes jouent avec le réalisme des objets et de l’environnement. Ce réalisme est ici celui des objets du quotidien de la Corée du nord que le réalisateur a l’air de bien connaître, vieille manivelle à faire des pâtes, gardes manger sans électricité, modes de cuisson anciens, mais après tout ce sont sans doute des objets d’un passé pas si lointain. Et pourtant cet apparent réalisme est faux, et ce faux réalisme contribue justement au charme et à l’intérêt esthétique de ce drama (ce qui est valable d’ailleurs pour le genre entier) : les scènes sont des poses, ainsi tout le village nord-coréen est si délicieusement un décor, les rebondissements et leurs solutions si parfaites permettent des plans quasiment symboliques, ainsi le vol en parapente des deux amants, leur fuite en mer et leur pose devant le ciel étoilé et presque toutes les scènes de la Suisse.
Le drama est constamment cité comme référence, « dans les dramas les suspenses sont toujours faux » dit un des soldats, on dit et on fait comprendre que cela se passe comme dans un drama, les héros embrassent leur partenaire pour se sortir d’une situation difficile, il y a aussi la rencontre arrangée par Yoon Se-ri d’un des soldats nord-coréens avec une actrice vedette des dramas qui est son souhaitle plus cher. Cette constante référence éloigne le réalisme, mais renforce à mon avis le plaisir du spectateur.
Il y a donc constamment un échange entre l’histoire et des plans renvoyant à la vie des deux Corée, un mélange constant de styles, de scènes drolatiques aux pires scènes dramatiques. L’ensemble est magnifiquement filmé, rythmé par des musiques variées y compris classiques. Les enchainements des plans sont de qualité et des effets de surprise ponctuent chaque fin d'épisode Il faut ajouter aussi la place donnée aux costumes et à la mode, beauté des habits de Yoon Se-ri et de la jeune Seo Dan, mais ce sont tous les personnages qui seront relookés avec une grande élégance.
Il faut insister encore sur la qualité et la force du jeu des deux comédiens principaux qui rendent tous deux crédibles les invraisemblances, et rendent convaincantes les épreuves douloureuses comme cette veille silencieuse du capitaine à l’hôpital lorsque Yoon Seri blessée reste plusieurs jours dans le coma. Ainsi peut-on en arriver à cet improbable happy end, les deux amants resteront séparés par la division des deux Corées, mais peuvent se retrouver quinze jours par an en Suisse grâce aux voyages à l’étranger de Ri Jeong-hyeok, redevenu pianiste virtuose de la grande Corée du nord.
Touche finale. Un personnage secondaire s’est imposé à moi, montrant combien est complexe la composition du récit : la belle-mère de Yoon Seri. L’histoire suggérée par des flash-back est violente, puisque cette belle mère a cherché à abandonner Yoon Seri enfant sur une plage déserte, alors que celle-ci recherchait auprès d’elle amour et reconnaissance. L’approfondissement de l’amour pour Yoon Seri apporte aussi la résolution de cette blessure primitive et se termine par une grande entente entre les deux femmes réconciliées. Je trouve les traits et l’attitude de l’actrice, Bang Eun-jin, d’un grand sérieux, sa distinction semble veiller avec gravité sur toute l’histoire, elle est comme un gage du sérieux des épreuves et aussi de la beauté de cette série coréenne.
Bang Eun-jin, la belle mère de Yoon Seri
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