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Daisy Jones and the Six and the Petite Maison in the Prairie

Daisy Jones and the Six est une série qui m'embête. Je veux lui mettre un 5/10. Je veux aussi la mettre dans mes coups de cœur.

Compte tenu de l’amour que je porte à la musique de ces année-là, il m’était impossible d’être insensible à son charme : avec son ambition, son esthétique léchée, les efforts mis dans la musique et les représentations lives (par les acteurs mais aussi et surtout toute l’équipe créative musicale derrière) pour être le plus fidèle possible à un son type Fleetwood Mac, ses deux personnages principaux attachants et sa narration documentaire, Daisy Jones and the Six a réussi à me prendre par la main, et je me suis laissée porter par l’histoire qu’elle raconte avec plaisir.

Le plus gros point positif pour moi est Riley Keough que j’ai trouvé émouvante et juste, dotée d'une voix puissante (voire même électrisante pendant certains lives) et d'un grand charisme. J’ai apprécié la relation entre elle et Billy, notamment les moments d’écritures et de studios dans les premiers épisodes (je pense que c’est ce qui m’a paru le plus naturel et le moins « construit » dans la série). J'écoute encore certaines tracks de Daisy Jones and the Six et je hurle en choeur avec Daisy : I KNOW KNOW I KNOW I'LL TAKE YOU THERE I KNOW I KNOW I KNOW (aussi bien qu'elle). Je pense encore avec nostalgie à l'accent anglais de Suki Waterhouse et au gentil et paternel Teddy Price. Je me rappellerai à jamais des pommettes tranchantes de Sam Claflin et jalouserai pour toujours la garde-robe so flower-child de Daisy.

Mais la série manque à me convaincre complètement.

Je soupçonne Prime Vidéo d’être derrière ce que je lui reproche le plus. Son plus gros défaut, caractéristique du géant qui la produit, c’est que tout est lisse, tout est propre, rien ne dépasse.

L’esthétique et les cadrages parfaits et très professionnels empêchent de se projeter dans le monde des années 70, rempli certes d’une liberté, d’une créativité explosive et de paillettes mais aussi et surtout rempli de crasse, d'abus de drogues, de sexisme, de dérives sexuelles, de rage, de tristesse et et d'aliénation...

C'est difficile d'être convaincu par le traitement de l'addiction, grand thème durant toute la série et élément qui rapproche dans une passion destructive Daisy et Billy, qui ne semble exister que dans les paroles des personnages dans la quasi-totalité de la série. Difficile de croire à la « galère » du début pour the Six, qui arrivent à Los Angeles dans une baraque ressemblant à celle de Dakota Johnson et qui portent des vêtements tous droits volés du festival Coachella. Difficile d'adhérer au féminisme anachronique, portayé sans réalisme par personnages féminins (on dirait des Lagertha très édulcorées version Woodstock) aux réactions clichées piochées sur twitter, face à un patriarcat très gentillement sous-entendu et bien loin de la violente réalité de l'époque. Difficile de se projeter dans la vie supposément rock'n'roll que ces beaux gens sont censés mener alors qu'ils sont maquillés et coiffés à la perfection à chaque seconde, que les cernes et les pores sont invisibles, qu’on ne voit de leurs soirées dépravées que des gens qui discutent à l’arrière d’un van de tournée, que l’énergie qu’ils mettent sur scène semblent plus drivée par un bon 10h de sommeil qu’une tonne de coke dans le nez et que la voix de Sam Claflin ressemble à celle de Justin Bieber.

Quid des personnages ? Ils semblent avoir été écrit sur un mouchoir en papier (cliché n°1, cliché n°2...). Le peu de scènes qui se concentrent sur les personnages secondaires ou qui montrent les membres du groupe interagir entre eux ne sont pas là pour souligner leurs complicité préexistante (les gars sont censés se connaître depuis leur enfance, quand même) ou naissante (avec Daisy). Elles ne sont pas là non plus pour étoffer les personnages. Non, elles ne sont là que pour présenter les enjeux dramatiques qui participent à la carte postale « rock’n’roll » de la série. Et se projeter dans ces enjeux, lorsqu'ils ne sont pas sous-tendus par des personnages denses aux relations réalistes, c'est... Difficile.

J'aurais aussi aimé sentir la créativité explosive des 70’s : pour ne parler qu'en musique il y a le rock’n’roll, qui se transforme en glam, hard et progressive rock, qui côtoie le disco, le punk, le hip hop, l’arrivée du reggae et de la synthpop, le new wave, le funk et l’expérimental. C’est des années complètement dingues à explorer, et la série aurait bénéficié de plonger un peu plus dans les références et les inspirations multiples dans lesquelles les membres du groupe devaient hypothétiquement se délecter. (Suivre Simone à New York aurait pu être une excellente chance d’explorer ça un petit peu plus– mais tout reste en surface, là encore). L’écueil de cette réalisation en sorte de huis-clos, c’est de ne donner aucun point de vue élargi au spectateur, et donc de ne pas faire ressentir l’impact (et la grandeur) qu’à Daisy Jones and the Six dans le monde de l’époque et, comme diraient les inconnus, vice et versa. En enlevant à l’œuvre son contexte temporel, la série perd de sa crédibilité et de sa puissance.

Finalement, passé la photographie très esthétique, Daisy Jones n’explore rien en profondeur. Tout reste à la surface. (C’est une très jolie surface) C'est d'autant plus frustrant qu'en voyant les interviews et les behind the scenes on voit que le cast et l'équipe ont des relations assez naturelles et affectueuses les uns avec les autres. On voit qu'il y a eu un vrai travail de collaboration et d'élaboration, que la série est remplie de bonnes intentions, que de manière globale il y a eu un immense boulot pour faire en sorte que cette série soit remplie de plein de trucs vraiment chouettes et merveilleux.

Et c'est aussi pour ça que je ne peux pas me résoudre à baisser ma note. Parce que malgré tous les écueils que la série empile, elle a quand même de l'âme, un je-ne-sais-quoi, une douceur feel-good qui m'empêche de l'oublier et qui m'a donnée envie de me jeter sur chaque épisode une seconde après leur sortie.

TL ;DR : Daisy Jones and the Six est ma série de la frustration : J’aurais aimé que. Mais non. Mais c’est joli et attendrissant quand même.

What it could have been :

https://www.youtube.com/watch?v=H1kF5HsUw84

sopalinlin
7
Écrit par

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le 2 août 2023

Modifiée

le 19 avr. 2023

Critique lue 182 fois

7 j'aime

sopalinlin

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