Dark Matter
6.7
Dark Matter

Série Apple TV+ (2024)

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J’ai commencé à regarder la série un soir après le travail et cela fut sans doute une grosse erreur : il y a des séries qui ne pardonnent pas les erreurs d’inattention et Dark Matter en fait certainement partie. Résultat, j’ai dû revoir les deux premiers épisodes deux fois.

Le générique m’a beaucoup fait penser à celui de Severance, que j’avais vu juste avant. Comme dans cette série, il y sera question de plusieurs « moi » en opposition les uns aux autres qui se battent pour obtenir une place.

De prime abord, j’ai été surpris par la relation très fusionnelle qu’entretient Dessen avec son fil de fer de femme, Daniela, interprétée par Jennifer Connelly (Ôuiii elle joliiie, Ôuiii le temps n’a aucune prise sur elle alalala mais comment fait-elle, ôuiiii elle joue très bien).

Moi qui suis pourtant du genre à apprécier la représentation du bonheur conjugal dans les fictions, là bizarrement, je n’ai pas trouvé l’alchimie entre les deux protagonistes très convaincante, ce qui est un peu embêtant pour la suite puisque cette image du bonheur familial doit brûler à la fois dans le cœur du héros comme un paradis et s’inscrire comme telle dans l’esprit (pas endormi) du spectateur. Premier échec de mon côté ou alors c’était que je devais être mal lunée, je ne sais pas.

Ensuite, il faut croire au statut de scientifique prodigieux qu’est supposé être Dessen et là non plus, la mayonnaise n’a pas pris. Son cours d’introduction à l’université m’a déçu, pour une fois qu’une série cause physique quantique, on aurait pu espérer un peu plus qu’un petit dessin avec le chat de Schrödinger et une introduction d’un niveau lycée (même sans rentrer dans des choses trop complexes pour ne pas perdre tout le monde, je pense qu’on aurait pu aller beaucoup plus loin).

La série fonde une grosse partie de son intrigue sur une boite qui présente deux grands principes fondamentaux de la physique quantique : la superposition des états (le chat de Schrödinger est à la fois mort et vivant tant qu’on n’ouvre pas la boite) et l’intrication. Aussi appelé poétiquement enchevêtrement quantique, ce terme désigne un phénomène dans lequel deux particules forment un système lié et présentent des états quantiques dépendant l'un de l'autre quelle que soit la distance qui les sépare. En gros et pour vraiment schématiser, si j’attrape le bout du nez d’une petite particule et que je le repeins en rouge, il y aura quelque part dans la galaxie, peut-être à des millions d’années lumière de distance, une autre petite particule qui se promènera avec le bout du nez rouge.

Dessen file donc le parfait amour avec sa petite famille MAIS il ne s’épanouit pas franchement dans son métier de professeur de fac, ses étudiants se fichent de lui et de son travail comme d’une guigne (à un point qui n’est pas très réaliste je trouve d’ailleurs). Au commencement de l’histoire, un de ses amis (Ryan) obtient un prestigieux prix en reconnaissance de son travail et de ses recherches scientifiques. Dessen est déçu mais il finit par se résoudre à aller fêter cette belle récompense avec son pote.

En sortant du bar près de chez lui, les embrouilles débarquent et le vilain se fait agresser par un inconnu avec un masque qui l’emmène dans une lugubre zone industrielle désaffectée pour lui prendre toutes les composantes de son identité dont ses vêtements, son alliance et le droguer.

Quand Dessen revient à lui, son monde a disparu et plus personne ne le reconnaît…

On apprendra que l’inconnu au masque n’est autre qu’une version alternative du protagoniste, évoluant dans un autre monde atteignable uniquement par le biais d’une machine quantique de la forme d’un cube sombre à la taille imposante, avec une très lourde porte pour en fermer son accès. Si cette version du scientifique est rigoureusement la même physiquement, elle diffère par son comportement et son parcours. En effet, Dessen 2 fonctionne un peu comme un double négatif du héros : il a réussi là où Jason avait échoué en menant à bien de grands travaux scientifiques qui ont donné naissance à cette machine quantique permettant de se déplacer dans des univers différents, un peu comme le Tardis dans Docteur Who.

En revanche côté famille, tout est parti en eau de boudin si vous me passez l’expression : Dessen 2 n’a jamais épousé Daniela, d’ailleurs ils ne sont même plus en couple et ont finalement renoncé à avoir un enfant.

Il a bien une femme dans sa vie : Amanda qui l’aime du mieux qu’elle peut. Malheureusement pour elle, on devine que cet amour n’est pas réciproque ou bien mal retourné avec une désinvolture qui frise l’indifférence.

Disons les choses clairement : Dessen 2 a les dents qui rayent le parquet et n’est pas franchement un prince de l’écoute ni de l’empathie. Il apparaît plutôt désireux de briller pour ses travaux plutôt que pour sa réussite familiale et en ce sens, il semble avoir un rapport un peu curieux avec les gens autour de lui, qui apparaissent plutôt comme des moyens de parvenir à ses fins que comme des êtres humains avec leur libre arbitre et leurs propres désirs. À ce titre, Daniela est plus un faire valoir que la femme qu’il aime.

Un peu à la manière d’un Faust qui aurait consacré toute son existence à la science, Dessen 2 finit par regretter les choix restrictifs qu’il a pu faire en matière de famille, surtout lorsqu’il découvre celle construite par son autre moi.

Cette première saison est – malgré toutes mes ronchonneries – assez réussie et l’histoire originale. Les personnages sont suffisamment complexes pour qu’on puisse développer une réflexion sur leur personnalité. Je n’ai pas trop accroché avec Daniela, un peu trop anguleuse, sèche et coupante à mon goût (j’ai eu l’impression que c’était quelqu’un d’assez intransigeant avec qui on pouvait facilement se disputer) ni même avec son mari aux traits lourds dont je n’ai pas su capter la finesse intellectuelle. La série parvient quand même à donner à Daniela une profondeur intéressante et au héros une quête aussi noble qu’humaine ; celle d’un homme qui veut simplement retrouver sa famille et son petit univers.

Certains moments sont à la fois beaux et tristes, notamment lorsqu’Amanda décide de rester dans un monde alternatif pour rebâtir une nouvelle vie ailleurs (franchement je la trouve infiniment plus cool que Daniela et très intelligente).

Le couloir aux mille portes et les mondes dystopiques qui apparaissent derrière celles-ci sont aussi fascinants que terrifiants.

D’ailleurs je vous fais une petite liste si un jour vous embarquez dans le cube quantique et que vous voulez réussir votre voyage, il faudra emporter avec vous :

- un bloc-note et un stylo (qui marche)

- un gros manteau, une boussole, une épuisette à frelons, de l’oxygène en bouteille avec un masque, de l’eau et des barres chocolatées :p

- de la drogue de Ryan en ampoules (sinon vous ne pourrez pas réussir votre superposition)

- du paracétamol contre les migraines parce que se dédoubler doit finir par donner quelques céphalées de tension.

-des badges numérotés pour toutes les versions alternatives de vous même qui pousseront comme des champignons.

-Des sachets de soupe à la tomate lyophilisés au cas où le voyage s'éterniserait.


J’ai quelques regrets comme le fait qu’on explique pas davantage le fonctionnement du cube (même si je pense que cette histoire de drogue nous engageait dans une mauvaise direction d’un point de vue purement scientifique). J’aurais aussi souhaité voir le génie de Dessen à l’œuvre, qu’on le voit réellement passionné par la science et ses recherches et qu’on puisse entrevoir pourquoi, dans une autre vie il aurait fait le choix de renoncer à une vie familiale pour se dédier entièrement à son métier de physicien. Paradoxalement, je pense que si cet aspect avait été bien développé, il me serait devenu plus sympathique.

Proximah
7
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le 7 sept. 2025

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Proxima

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