Il est tard et je viens d'achever la saison 8 de Dexter avec, je l'admets, une sacrée boule au ventre. Captivé par le show de bout en bout tout en étant conscient des défauts qui peuvent parfois ronger l'écriture de la série, j'ai tout de même envie de revenir dans cette critique sur ce qui fait de Dexter une série marquante et, je le pense tout de même, intéressante.
Puisque je fais cette critique bien après la fin de la série, que tout le monde a déjà eu l'occasion de la voir en entier et de formuler une opinion, en général, assez extrême, je me permettrai de spoiler sans complexe les différents éléments de l'intrigue de Dexter, en revenant bien entendu sur les dernières saisons et la fin polémique. Vous voilà prévenus !
Je commencerai en mettant en évidence ce qui me sépare des autres senscritiquiens qui ont rédigé diverses critiques sur Dexter : Je ne pense pas que Dexter soit une série qui traite de la psychopathie et je ne pense pas du tout que Dexter soit un psychopathe. Beaucoup furent déçu de passer d'un Dexter froid et charismatique à un Dexter plus fragile, papa poule, vivant diverses histoires d'amour. C'est selon moi refuser de voir ce que la série a tenté de nous proposer dès la saison 2 (et non pas à partir de la 5), un héros étiqueté comme étant psychopathe mais n'en étant en réalité pas un. Le choix de l'acteur (Micheal C. Hall, alias David Fisher dans six feet under) n'est d'ailleurs pas un hasard. Qui d'autre pour mieux incarner la fragilité d'un personnage sinon lui ? Il semblerait que certains regrettent que Dexter ne soit pas Hannibal Lecter et d'une certaine façon je les comprends car je suis le premier à aimer les shows portés par des personnages très charismatiques. Mais enfin, est-il correct de reprocher à une série de ne pas être ce qu'elle n'a en réalité jamais souhaité être ? La saison 1 est à part il faut le dire. Adaptée directement des romans de Jeff Lindsay, elle nous propose un personnage dénué d'émotions suite au traumatisme lié à la mort sanglante de sa mère. Le héros ne cesse d'ailleurs jamais de rappeler qu'il ne ressent rien, il le rappelle tellement que par moment le manque de subtilité devient étouffant. La saison 1 n'est donc clairement pas exempte de défauts d'écriture même si elle est une entrée en matière sombre, intrigante et très intense.
Tout change à partir de la seconde saison quand Dexter devient une série à part entière, indépendante des romans de Lindsay. Le thème central pour moi devient alors très clair : le syndrome de l'étiquette. Très vite on s'aperçoit que Dexter est un personnage d'une fragilité incroyable et que ses pulsions meurtrières ne résultent pas tant d'une psychopathie réelle (à savoir une maladie psychiatrique ou un trouble cervical) mais d'une souffrance psychologique liée à l'étiquette que Harry, son père adoptif, lui a collé depuis l'enfance : celle d'un tueur sans émotions. Vous connaissez très bien ce syndrome. Répétez à un enfant maigre qu'il est gros et ce pendant des années et cet enfant finira par réellement se voir gros même s'il ne l'est pas. Ce procédé est absolument banal et cause de nombreuses souffrances chez les adolescents. Est-ce que ce trouble psychologique est la source de toutes les pulsions meurtrières de Dexter ou un simple à côté ? La série joue évidemment la carte de l'ambiguïté tout en livrant des réponses qui finissent par devenir limpides. Dexter n'est pas un monstre sans âme, c'est un humain qui ignore qu'il est entrain de damner son âme. On le constate d'ailleurs chaque fois un peu plus quand il se retrouve confronté à de véritables psychopathes. Et s'il faut réellement une preuve, il suffit de voir que le personnage gravitant autour de Dexter pendant les 7 dernières saisons n'est pas le cadavre de sa défunte mère mais bien l'esprit de son père adoptif, Harry, lui répétant encore et encore qu'il est un monstre sans émotion, empêchant sans cesse Dexter d'essayer de s'ôter son étiquette, son dark passenger.
Bien sûr tous les thèmes gravitant autour de ces thématiques sont abordés, amitié, amour, morale, justice. La série offre de quoi réfléchir tout en osant jamais réellement creuser plus loin et proposer une réflexion vraiment profonde. Seul le thème de l'étiquette m'a marqué comme étant digne d'intérêt pour une réflexion qui dépasse le simple visionnage de la série. Les intrigues policières sont régulièrement captivantes (avec de grosses ficelles parfois, on va bien l'admettre) mais elles ne me semblent pas non plus constituer le coeur du show, ce sel si particulier qui fait de Dexter une série iconique et profondément addictive. Non, réellement, je pense que ce qui est marquant dans cette série ce sont les personnages portés par un casting aux petits oignons. J'ai déjà mentionné Michael C. Hall qui incarne la fragilité du personnage avec une intensité constante et sans baisse de régime mais que dire de tous les personnages secondaires. Jennifer Carpenter (devenant de plus en plus sublime à chaque saison), Keith Carradine qui campe un agent du FBI charismatique et charmeur, un des meilleurs rival de Dexter, John Lithgow qui incarne le saisissant tueur Trinity (la saison 4 est souvent considérée comme la meilleure du show grâce à lui), Ray Stevenson fidèle à lui-même dans la saison 7 et bien évidemment Yvonne Strahovski donc je reparlerai par la suite. En réalité chaque personnage important de la série finit tôt ou tard par fonctionner en binôme avec Dexter. C'est principalement ce que je retiens de la série, sa capacité à créer des duos qui fonctionnent et qui sont attachants. Que ce soient les relations amoureuses (Rita, Lumen, Hannah), les relations d'amitié (Prado, le prêtre, voire Isaac d'une certaine manière), les relations conflictuelles (Doakes, Trinity) et même celles totalement ambiguës (son père, son frère), la série réussit toujours à créer des rencontres passionnantes et enrichissantes pour son personnage principal. Dexter se sent incapable de créer des liens et pourtant il ne fait que ça de la première minute à la dernière et ces liens, sans compter qu'ils démontrent encore une fois sa totale humanité, sont le liant qui permettent à la série de garder sa cohérence d'un bout à l'autre.
Je pose néanmoins deux bémols concernant les personnages. Premièrement je n'ai jamais réussi à apprécier le personnage de Quinn. J'ai essayé mais je crois que la série n'a jamais réellement réussi à remplacer le défunt sergent Doakes. (Là où, au final, elle a réussi à dépasser la disparition de Rita selon moi). Deuxièmement, l'idée finale de la saison 6 de transformer l'amour fraternel de Debra en un amour charnel vis à vis de Dexter me semble être une idée catastrophique sortie de nulle part. On dirait d'ailleurs que les scénaristes s'en sont rendus compte eux-même, tant ce "twist" a été mis au placard par la suite. Du reste, je suis particulièrement fan de la relation entre Dexter et Debra qui marche extrêmement bien. (Ce qui n'est pas étonnant vu le lien particulier qui unit les deux acteurs.)
Vient le moment d'attaquer le gros morceau, les dernières saisons de Dexter, le personnage d'Hannah McCay et la fin. Je parlerai peu de la saison 5 tant elle m'apparaît plus comme un spin-off, que comme étant dans la continuité directe de la série. L'intrigue est solide, le duo attachant et dans le fond je n'ai pratiquement aucun reproche à faire à cette saison si ce n'est que l'ambiance tranche tellement avec ce qui se faisait auparavant que j'ai tout simplement du mal à l'imbriquer dans la globalité de la série. La saison 6 aborde le thème de la religion et est à mon sens la plus faible saison en terme d'écriture. C'est même la seule saison où je peux dire franchement que je me suis ennuyé devant certains épisodes. (là où Dexter est d'ordinaire très divertissant) En tant que fans de séries, je crois que nous avons tous un rêve, celui d'un show qui soit à la fois addictif et capable de toucher le plus grand monde, mais en même temps réellement profond et fouillé. Dexter nous fait régulièrement miroiter la possibilité de voir une telle série mais la saison 6 finit définitivement par enterrer ce rêve. J'insiste, le manque de profondeur dans l'écriture est selon moi régulier depuis LE DEBUT, mais disons qu'avec la saison 6 on dépasse un certain stade qu'il n'est plus possible de pardonner. Chaque fois qu'une réflexion s'amorce (en l'occurrence sur la foi et sur la rédemption) le show s'empresse de passer à la suite. Toutes les idées sont bonnes mais aucune n'est approfondie. Face à Dexter on est jamais frustrés de voir trop de choses mais plutôt frustrés de ne jamais en voir assez. La faute probablement à ce format en 12 épisodes qui renforce peut-être l'intensité des intrigues mais au détriment de leur profondeur.
Avec les saisons 7 et 8, les showrunners décident de clôturer cette série en arrachant brutalement l'étiquette de Dexter grâce à un amour total et passionnel. Le choix de l'actrice était évidemment essentiel car toute la fin de Dexter allait reposer sur elle. Il s'est porté sur Yvonne Strahvoski qui incarne Hannah McCay, une empoisonneuse pour le moins ambiguë et prête à tout pour assurer sa survie. (Je note au passage que beaucoup de personnes reprochent le côté bisounours des dernières saison là où Dexter serait soit-disant "hautement immoral et subversif" dans ses premières saisons. Je suis totalement en désaccord avec cela et d'ailleurs Hannah est probablement le personnage le plus subversif de la série car contrairement à Dexter elle n'a pas l'excuse de "tuer des méchants" pour attirer la sympathie.) A partir de là, les choses sont très simples : on achète ou on achète pas. Je ne prétendrai pas être objectif ici car je suis honnêtement un fan écervelé de cette actrice qui, tout en étant une bombe nucléaire à l'état pur (ce qui est toujours un plus, vous le reconnaîtrez facilement), arrive toujours à instaurer une alchimie particulière une fois mise en duo avec un héros masculin. J'ai TOTALEMENT acheté son duo avec Michael C. Hall. Dès le tout premier échange de regard entre les deux acteurs, c'était gagné pour moi. Contrairement à ce que la série a pu proposer avec Rita, Lila ou Lumen, on assiste finalement à une sincérité sans fioritures de la part de Dexter, une avalanche de sentiments, parfois doux, parfois horriblement violents et intenses. Une complicité, un charme, un magnétisme qui fait mouche lors de chaque dialogue, chaque regard entre les deux personnages. Je n'ai pas grand chose à dire si ce n'est que j'y ai cru de bout en bout et que ça n'a manifestement pas été le cas de la plupart des senscritiquiens. Malheureusement, il me semble impossible de convaincre quelqu'un qu'une actrice est une bonne actrice ou qu'un duo d'acteurs est un bon duo d'acteurs. Je ne m'y essayerai donc pas et je passe directement à la fin.
La saison 8 est un condensé des défauts de la série. Trop d'idées, trop vite. Tout en étant obligé de résoudre l'intrigue amoureuse avec Hannah et de proposer un final digne de ce nom avec Debra, la série essaie de nous caser deux thématiques supplémentaires : Le rapport de Dexter à sa mère spirituelle (Charlotte Rempling) et une passation de pouvoir à un jeune disciple. Selon moi, ces deux thèmes font tout simplement plouf. Le premier car on est jamais réellement convaincu par la relation qui lie Dexter à sa mère spirituelle (c'est même le seul duo qui échoue dans toute la série) et le second car il aurait du faire l'objet d'une saison entière alors que là, il est rushé en même pas deux épisodes. Viens enfin cette fin si contestée mais aurait-il pu en être autrement ? Entendons-nous bien, je crois que l'idée de base de la fin n'est pas mauvaise en soi. Dexter se rend finalement compte qu'il est 100% humain (le dernier bout de l'étiquette s'envole quand enfin il refuse de tuer celui qu'il doit tuer) mais il doit payer le prix d'une façon ou d'une autre pour ses exactions. Ce prix est la mort de Debra, ce qui est, au final, le choix le plus naturel. Finalement il s'impose un châtiment en s'éloignant de lui-même de la femme de sa vie et de son fils. Alors pourquoi, malgré cette idée cohérente, le final est-il si catastrophique et laisse-t-il autant un goût amer dans la bouche ? Premièrement car l'image finale est tout simplement trop déprimante et trop clichée à mon goût. Dexter aurait du se finir comme crime et châtiment, avec la promesse d'une rédemption possible. Quelque chose dans la mise en scène qui aurait pu laisser entendre qu'un jour, après avoir suffisamment payé, Dexter retournerait auprès de sa famille. Sauf qu'en réalité Dexter n'a pas compris le concept de rédemption tout simplement car le thème de la rédemption a été saucissonné et finalement évacué aux ordures dans la saison 6. Cette saison 6 aurait pu jouer un rôle déterminant pour nous faire digérer la bad end de Dexter mais il n'en a été rien. Deuxièmement, comme je l'ai dit précédemment l'intrigue de la saison 8 n'apparaissait pas comme une intrigue digne d'une saison finale. Le final, à l'image de la saison, apparaît donc comme étant terriblement rushé, sans subtilités et sans saveur. Enfin, je dirais que la dernière mimique de Micheal C. Hall, à savoir le regard qui s'assombrit d'un coup net avant le générique, est totalement incompréhensible. Je prie pour que ce soit une erreur de direction d'acteur plus qu'autre chose, car penser un seul instant que Dexter redeviendrait un tueur à la fin de la série ruinerait pour moi toute l'écriture du personnage entreprise depuis la saison 2.
Je souhaite néanmoins conclure sur une note positive. Je pense que Dexter n'a laissé que très peu de gens indifférents (on ne lit pas de telles diatribes sur les oeuvres qui sont tout simplement chiantes ou anecdotiques). La série a beaucoup souffert de son format en 12 épisodes, forçant un rythme effréné qui l'empêche d'atteindre la réelle profondeur qu'elle aurait pu atteindre. Néanmoins je retiendrai des acteurs intenses et saisissants, un personnage principal sympathique et cohérent de bout en bout dans sa fragilité et ses angoisses, une ambiance visuelle et musicale assez unique et surtout une capacité à rendre la série toujours addictive et captivante.
PS : Bon par contre, entre nous, la fille de Masuka c'est vraiment, vraiment, VRAIMENT n'importe quoi.