Dopesick c'est une histoire vraie palpitante, celle de l'essor incontrôlé d'un anti-douleur, l'Oxycodin. Elle est articulée de façon assez fluide autour de trois timelines pour raconter ce qu'il s'est passé de son apparition à la première condamnation du laboratoire Purdue. Un sujet passionnant, qui convoque la confrontation entre le capitalisme et la santé, et de comment le marketing peut s'emparer du refus de la douleur, notion finalement récente et légitime chez les patients et les médecins.
En exploitant son sujet sous la forme d'une série chorale façon The Wire, où chaque personnage est là pour illustrer un pan du système qui a permis de transformer ce médicament présenté comme miracle en ce qui est depuis nommé la crise des opioïdes, la mini-série se veut exhaustive et immersive mêlant drame intime et grande Histoire. Le problème est souvent que, avec aussi peu d'épisodes (8), on a pas le temps de développer des psychologies complexes et des backstories de qualité. En résulte donc un certain nombre de personnages-fonctions auxquels on greffe des histoires de couple assez peu passionnantes comme l'assistant du procureur Peter Sarsgaard ou l'agent de la DEA Rosario Dawson. Le plus gênant est sans doute le traitement de la famille Sackler, dirigeants de la firme pharmaceutique dont on peine à justifier l'aveuglement avec crédibilité, le tout un peu maladroitement surligné par le jeu et la voix bizarres du pourtant très bon Michael Stuhlbarg.
Évidemment, l'histoire des petits, des victimes, est plus touchante. Les excellents Michael Keaton et Kaitlyn Dever sont magnifiques et tiennent la série par leurs interprétations de Betsy, une jeune patiente mineure de charbon et de Sam, son médecin de campagne veuf qui tombent dans la dépendance à l'OC. On relève quand même un vrai problème de narration de leurs personnages et notamment une rupture dans la timeline de Sam et Betsy qui oublient de montrer le cœur du problème, le basculement des premières consommations à l'usage compulsif.
Pour ça, pour l'histoire tragique et non terminée de cette crise sanitaire qui ne dit pas son nom, et malgré les défauts cinématographiques dont une photo aussi verdâtre que l'affiche, la série vaut d'être vue et partagée.