C'est l'histoire d'un type qui trouve sa vie trop banale et son talent mal rétribué. C'est l'histoire de plein de gens, donc. Sauf que celui-ci, un madrilène plutôt sympa bien qu'un peu trop renfermé pour être honnête, va saisir une occasion commerciale qui s'offre à lui, faire preuve d'ingéniosité criminelle, et s'affranchir des codes qui régissent la vie des gens banals, jusqu'à devenir un caïd redouté, à défaut de vraiment redoutable. Le scénario ne l'accable pas vraiment. Il commet quelques actes de violence bien sentis au début pour asseoir son autorité, viole régulièrement la loi concernant le trafic de stupéfiants, mais reste un type assez commun, doué cependant d'une détermination de fer. C'est là que cette série pousse à la réflexion. Comment on peut changer sa grille de lecture du réel et basculer dans un univers mafieux dont les codes se confondent étrangement avec ceux du commerce ou du sport : l'offre et la demande, l'effort et le courage, l'audace et les récompenses... on comprend que certains puissent voir leurs pistes se brouiller et se considérer comme des hommes d'affaires là où ils contribuent joyeusement à anéantir des générations de jeunes, notamment, et à répandre la violence dans les sociétés humaines. Finalement, c'est la compétition qui stimule certains types de caractère et aboutit à les pousser vers une délinquance mortifère. Alors, bon, ils en bavent un peu aussi, et il faut les voir chouiner quand la violence frappe les gens qu'ils aiment. Ah, là, d'un coup, ça rigole plus et ça roule moins des mécaniques, là. Évidemment, comme ils sont faits comme ils sont faits, toute offense doit se régler dans le sang et le cercle de la violence a encore de beaux jours devant lui. Pourtant, ses mécanismes sont relativement sommaires et ça n'est pas faute de nous les avoir illustrés dans des montagnes de fictions édifiantes. J'ai souvent pensé à Narco, pendant cette série bien faite et ambivalente. Elle aussi doit prétendre dénoncer la violence sans pouvoir s'empêcher d'en signer une certaine apologie, et cette ambigüité n'est pas le moindre des problèmes de notre époque. Mais bon, d'un point de vue strictement narratif, c'est bien ficelé, et les acteurs sont excellents.